Troisième table ronde : Financer la création

Ont participé à cette table ronde :

Marylise LEBRANCHU, Secrétaire d’Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l’Artisanat et à la Consommation

Philippe DUPONT, Président du Groupe Banques Populaires

Daniel LEBEGUE, Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

André LEVY-LANG, Investisseur

Ludovic MARCADE, Porteur de projet de Point Com’

Michel MERCIER, Président du Conseil général du Rhône

Gérard MESTRALLET, Président du Directoire de Suez Lyonnaise des Eaux

Ariane OBOLENSKY, Présidente du Directoire de la Banque de Développement des PME

Alain ROUSSET, Président du Conseil régional d’Aquitaine

Jean-François STOPAR, Président du Directoire de Style de France

Jean-Pierre WORMS, Président de France Initiative Réseau

Les débats ont été animés par Nicolas ARPAGIAN.

Cette table ronde débute par une intervention de Erkki LIIKANEN, Commissaire européen, en duplex depuis Strasbourg. Erkki LIIKANEN est en charge des entreprises et de la société de l’information.

Nicolas ARPAGIAN

Merci de nous avoir rejoints pour cette troisième table ronde, que nous allons mener avec nos différents invités.

Avant de rentrer dans le vif du sujet et de parler du financement de la création, je me tourne donc vers Erkki Liikanen. Merci à lui de nous recevoir. Nous parlions ce matin des freins à la création. En tant que Commissaire européen, quels sont les principaux obstacles à la création d’entreprise que vous identifiez ?

Erkki LIIKANEN

Je félicite tout d’abord le gouvernement français d’avoir pris cette initiative des Etats Généraux. Après le sommet de Lisbonne, les Etats européens se sont lancés dans cette course. Reste que nous souffrons de handicaps, notamment par rapport aux Etats-Unis ; nous devons simplifier les procédures, les financements et aussi et surtout changer de culture. Les Européens sont en effet moins prêts que d’autres à prendre des risques.

Des programmes ont-ils adoptés en Europe pour favoriser la création d’entreprise ? Il y a deux ans, le programme Best a été retenu afin de simplifier les procédures administratives et réglementaires. Nous travaillons avec tous les Etats membres, pour trouver des moyens communs. La diversité européenne nous aide en la matière ; en effet, l’échange de vues et d’expériences entre pays permet à chacun de progresser. La France présidera l’Union à partir du 1er juillet 2000. Je suis convaincu que le programme Best restera à l’ordre du jour.

La timidité des banques fait souvent l’objet de débats. Comment remédier à cette situation ? Nous avons tout d’abord des limites dans le capital risque car celui-ci est surtout disponible pour la nouvelle économie. Pour les entreprises de l’ancienne économie, les difficultés sont réelles. Là encore, nous essayons de trouver les meilleures pratiques - des tables rondes entre banquiers et entreprises ont été organisées récemment. Dans quelques semaines, leurs conclusions seront diffusées et je suis sur que nous trouverons de nouvelles actions communes pour le financement des entreprises naissantes. Quelles suggestions avons-nous en l’état actuel des choses ? En Finlande par exemple, nous bénéficions des garanties. Souvent, l’entrepreneur ne dispose pas de cette garantie au départ. Le système peut donc être utile, surtout si comme en Finlande, les banques et le secteur public ont travaillé ensemble pour définir une garantie de deux ans.

La France est active en matière d’investissement de proximité. Les activités locales ont chez vous une importance exceptionnelle. Je ne suis d’ailleurs pas certain que tous les Français connaissent les possibilités.

Le développement du marché de capital risque pourrait être une solution au problème récurrent des fonds propres des entreprises. Une autre solution doit être citée : la garantie, comme je le disais, car cette garantie permet parfois d’avoir des coopérations avec des banques.

Les fusions pourraient-elles avoir une incidence sur les moyens apportés aux très petites entreprises et aux projets de créateurs ? C’est possible mais les tables rondes récemment organisées, entre banquiers et petits entreprises, doivent nous permettre de trouver des solutions adaptées.

Marylise LEBRANCHU

Monsieur le Commissaire, vous êtes très friands d’expérimentation. Pensez-vous que nous soyons capables, en prenant tous les systèmes européens, de sortir LE système européen permettant de ne plus évoquer le seul système américain comme référence.

Erkki LIIKANEN

Je crois que le premier problème est la culture européenne qui fait que nous ne supportons pas l’échec. Je pense néanmoins qu’il ne faut pas être trop allergique aux Etats-Unis. Toutefois, de nombreux exemples européens sont particulièrement bons. Je crois sincèrement que nous avons la possibilité de trouver un bon système.

Philippe DUPONT

Dans le cadre de la politique que vous allez mener, des soutiens financiers seront-ils apportés aux politiques locales ?

Erkki LIIKANEN

Les possibilités d’intervention de la Commission au niveau local sont limitées. Par contre, elle peut financer les fonds d’investissement dans les pays membres. Un fonds européen d’investissement devrait ainsi être créé. Par contre, la Commission ne pourra pas financer directement les initiatives locales.

Ariane OBOLENSKY

Beaucoup de PME sont intéressées par leur marché intérieur. Mais aujourd’hui, notre marché intérieur est devenu l’Europe. Que pensez-vous que les acteurs de la création d’entreprise puissent faire pour les encourager à aborder ce marché ?

Erkki LIIKANEN

C’est une question très importante. Tout d’abord, je pense qu’il nous appartient de simplifier le marché intérieur. Nous avons créé des directives fort compliquées en omettant les difficultés que les PME pouvaient rencontrer. Une simplification s’avère donc nécessaire. Avec le commerce électronique, l’extension du marché devient une évidence. De plus, il ne concerne pas seulement les sociétés de la nouvelle économie. Lorsque les grandes entreprises seront en ligne, les petites devront l’être aussi pour survivre.

Jean-Pierre WORMS

Il est difficile d’inscrire la capacité d’innovation en matière financière dans des procédures normalisées. Comment l’Europe peut-elle favoriser l’innovation dans le financement de la petite entreprise ?

Erkki LIIKANEN

Si nous voulons tout harmoniser, il est évident qu’il ne sera plus possible d’innover. Je pense que la diversité européenne est un élément important face aux Etats-Unis.

Gérard MESTRALLET

Quel serait votre modèle pour la création d’entreprise ? Une solution européenne harmonisée, ou une concurrence entre les Etats pour attirer le plus possible de créateurs ?

Erkki LIIKANEN

Je considère qu’il ne faut harmoniser que le marché intérieur. Ensuite, chaque pays membre peut gérer sa propre politique. Nous avons commencé à établir un benchmark pour que les différents pays puissent comparer leur politique à celles de leurs voisins européens. Cet étalonnage est, me semble-t-il, une meilleure solution que l’harmonisation.

Ludovic MARCADE

Sur un plan local, il est difficile de trouver les bons vecteurs de communication pour monter une entreprise. Comment allez-vous réussir à mettre en place une solution européenne qui permette à chaque individu de trouver ces bons vecteurs de communication ?

Erkki LIIKANEN

Les difficultés locales sont souvent importantes, mais le niveau européen ne permettra pas d’y répondre. Toutefois, il peut permettre la mise en place de politiques plus concrètes. Malheureusement, je ne peux pas vous offrir de solutions aujourd’hui.

Nicolas ARPAGIAN

Merci, Monsieur le Commissaire. Nous attendrons avec impatience les documents qui émaneront, très bientôt, de vos services.

Cette table ronde est introduite par plusieurs témoignages. Un chef d’entreprise met ainsi l’accent sur les difficultés des jeunes entreprises avec les banques. En outre, on peut s’étonner que la fiscalité d’une très petite et jeune entreprise soit la même que celle applicable à une entreprise vieille de 10 ou 20 ans. Les Business Angels sont dans l’actualité depuis quelques semaines. Ces anges apportent de l’argent mais aussi des conseils aux créateurs. Selon ces intervenants, des incitations fiscales seraient sans doute de nature à favoriser des créations.

Voilà pour un premier tour d’horizon, avec différentes opinions, favorables ou non. Je vous propose justement, Ludovic Marcadé, de revenir sur votre parcours. et notamment de revenir sur votre face à face avec les banquiers.

Ludovic MARCADE

Au début, l’écoute au sein des banques a été pour le moins limitée et l’on m’a orienté vers le conseil. Je me suis donc donné du temps et j’ai mis 14 mois pour établir le projet. J’ai alors dressé la liste des acteurs et intervenants pouvant m’aider. J’ai rencontré 8 banques. Finalement, une nous a aidés.

Philippe DUPONT

Les banquiers sont-ils toujours réticents à financer la création d’entreprise ? Des avis ont été critiques ce matin, notamment je crois lors de la deuxième table ronde. Je voudrais donc rétablir l’équilibre.

Le banquier a quand même une mission : conserver l’épargne confiée par les individus et les entreprises et la faire fructifier. J’ajoute que les banques participent indirectement à la création d’entreprise car elles financent des prêts personnels, d’aide à la famille… Cela compte le moment venu. Par ailleurs, il faut constater que la création d’entreprise n’est pas un acte instantané ! Le témoignage de Ludovic Marcadé le prouve. En tout état de cause, certaines idées reçues doivent être combattues. Le financement de la création intéresse naturellement les banques. Dans notre Groupe, nous avons 535 000 clients, dont 60 % entrées en relation au moment de la création. Je rappelle en outre que sur 10 entreprises créées, 4 ne passent pas le cap des trois ans. Alors les banques doivent provisionner ces risques. Enfin, les banques françaises doivent être compétitives dans le monde.

Les Banques Populaires considèrent que la création d’entreprise est aussi une affaire d’hommes et de femmes. Nous appréhendons donc le marché de la création d’entreprise de façon particulière d’autant que nous avons été créé à l’origine, en 1917, pour les entrepreneurs. Nous avons été organisées pour aider les entreprises et transmettre des savoirs. Il faut d’abord que le banquier fasse son métier, tout son métier mais rien que son métier. Le dossier doit donc être précis et mur. Le partager en amont est donc important. La création d’entreprise nécessite également qu’on se dote de spécialistes pour que nous puissions accueillir les créateurs dans nos agences. Nous avons donc formé 3 000 chargés de clientèles pour qu’ils connaissent bien cet univers. Enfin, le banquier, contrairement au cliché, doit véhiculer le goût d’entreprendre. Nous avons pour cela la certitude qu’il faut donner les moyens aux créateurs de participer à des colloques, à des prix en régions, le tout avec des banques véritablement immergées dans l’économie régionale. A ces conditions, l’aide à la création d’entreprise sera plus performante. Mais ce n’est pas l’affaire des seuls banquiers.

Nicolas ARPAGIAN

En préparant cette table ronde, il nous a été fait remarquer que le capital-risque est réservé aux nouvelles technologies. Qu’en pensez-vous ?

Daniel LEBEGUE

Le capital-risque s’adresse effectivement à des entreprises à fort potentiel de croissance car elles offrent des plus-values potentielles importantes aux investisseurs. Il ne concerne donc que quelques centaines d’entreprises qui sont créées chaque année.

Je crois qu’il est possible d’agir pour abaisser le seuil d’accès au capital-risque. C’est ce que nous faisons avec des organismes de financement qui financent des projets d’un montant de 100 000 francs. Il ne faut pas qu’il y ait une mythologie du capital-risque. Pour la plupart des entreprises qui se créent, il faut trouver une autre voie. Il existe des substituts aux fonds propres (prêts demeures, obligations subordonnées, etc.) et, surtout, les systèmes de garantie qui sécurisent l’intervention des banques en crédit. Les entreprises de la Net économie font appel directement au capital. Mais pour les autres entreprises, le besoin de financement concerne essentiellement les fonds de roulement.

La priorité de l’Etat, des collectivités publiques et de la Caisse des dépôts et consignations doit être de créer des conditions favorables pour que les banques fassent leur métier de financeur.

Nicolas ARPAGIAN

Jean-Pierre Worms, vous êtes Président de France Initiative Réseau. Quels sont les moyens d’accès au financement ?

Jean-Pierre WORMS

Tout d’abord, je voudrais remercier Daniel Lebègue pour son intervention. Il faut effectivement lever une ambiguïté : les réseaux de financement n’interviennent pas pour régler une carence des banques, mais, au contraire, pour faciliter l’accès aux banques.

France Initiative Réseau est un réseau d’associations locales recueillant des dons pour constituer des fonds d’intervention. Ces fonds sont ensuite utilisés pour accorder des prêts d’honneur, sans intérêt et sans garantie, à des créateurs d’entreprise. L’intérêt de cette démarche est l’effet levier que ces fonds peuvent permettre auprès des banques. En 1999, nous avons financé 2 800 projets qui ont permis de créer 7 000 emplois. Notre réseau connaît une croissance très rapide, puisque nous avons multiplié par trois le nombre de plates-formes dont nous disposons et de créations d’entreprises que nous facilitons. Je souhaite apporter une autre précision. France Initiative Réseau n’est pas seul ; c’est un réseau parmi d’autres.

Dans cette démarche d’accompagnement, nous mobilisons plus que de la compétence : nous mobilisons de la confiance. En France, il existe un problème culturel qui a été souvent évoqué lors des tables rondes de la matinée : le créateur d’entreprise n’a pas droit à l’échec. Il est donc important que les collectivités locales, les banques, les réseaux, etc. aient un regard différent sur le créateur d’entreprise. Notre rôle est bien de faciliter l’accès aux banques pour les créateurs d’entreprise.

Nicolas ARPAGIAN

Philippe Dupont, comment se passe chez vous l’accueil d’un dossier soutenu ou parrainé dans ces conditions ?

Philippe DUPONT

Le fait pour un banquier d’avoir un tel label, et donc un examen en amont, comme je le disais, permet de travailler sur un projet mieux structuré et d’établir avec les experts des réseaux des diagnostics fiables. Nous pouvons alors passer à l’acte beaucoup plus vite. Nous retrouvons à ce niveau l’importance des réseaux. La création d’une entreprise n’est pas l’affaire d’un banquier mais bien d’un réseau, comme Messieurs Lebègue et Worms l’ont dit.

Concernant le prêt d’honneur, on constate que les difficultés surviennent parfois en n+ 2 ou n+3. Il faudrait donc éviter que les prêts d’honneur soient flat si je puis dire la première année, mais les étalonner dans le temps pour vraiment accompagner les entreprises, lors de ses hauts et de ses bas, qui sont au demeurant parfaitement normaux.

Nicolas ARPAGIAN

Je vous propose de revenir sur la garantie.

Ariane OBOLENSKY

Nous sommes dans une société de réseau et de partenariat. Nous devons donc mobiliser les énergies de tous les partenaires pour la création des entreprises. Partager le risque avec le secteur bancaire, pour lui faciliter la décision, est une des missions de la BDPME. Il s’agit de partager le risque car celui-ci est très élevé - il est en fait 7 plus élevé qu’à n’importe quel moment. Au bout de 5 ans, un tiers des entreprises auront disparu. En outre, les risques sont très élevés pour certains projets, comme les très petits projets ou les projets très innovants. Il faut donc agir et trouver des mécanismes adaptés. La garantie est un mécanisme qui a un effet de levier important. Les ressources de la Sofaris, d’origine publique pour une part, sont utilisées pour de la création d’entreprise, à hauteur de 4,5 milliards de francs. Une banque voulant donner un crédit demandera une garantie à la Sofaris. Nous avons accompagné 12 000 créations en 1999, soit une forte progression par rapport à 1998. Les ambitions pour 2000 sont encore plus affirmées.

Jean-François STOPAR

On parle généralement des start up et des millions d’euros donnés ici ou là. Une start up est une entreprise de forte croissante sur un marché en forte croissance. Nous sommes donc loin des magazines people... Quoi qu’il en soit, des entreprises doivent prendre en charge les nouveaux besoins des consommateurs qui utilisent le réseau. Tel est le cas des Américains présents sur Internet et qui recherchent des produits de l’artisanat français. Nous exportons pour répondre à ces besoins. Nous voulons donc construire une entreprise, avec une vision de long terme, rationaliser nos choix et étalonner nos investissements. C’est à ce niveau qu’intervient la Sofaris. Nous construisons une chaîne modulaire, nous devons doubler les effectifs tous les 6 mois (d’où des problèmes de locaux par exemple)…Nous bénéficions donc à ce niveau de la Sofaris et aussi des conditions consenties par les Banques Populaires.

Nicolas ARPAGIAN

Philippe Dupont, pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement des sociétés de caution mutuelle ?

Philippe DUPONT

Les sociétés de caution mutuelle répondent aux difficultés que peuvent rencontrer les entrepreneurs. Créées la même année que les Banques Populaires, elles regroupent des entrepreneurs autour de la Banque Populaire dans une société qui fait partie du Groupe, ce qui fait que nous sommes garants des risques qu’elle va prendre. Chaque quinzaine, les membres de ces sociétés étudient des projets locaux, aussi bien celui de l’artisan boulanger que de la start up technologique. Les professionnels qui composent la société donnent leur avis sur les projets. Ensuite, la banque participe au financement.

Grâce à ces sociétés de caution mutuelle, nous avons distribué en 1999 4,2 milliards de francs auprès de 31 000 opérateurs qui ont soit transmis, soit créé leur entreprise. Cette méthode a beaucoup de vertus, notamment celle de résoudre les difficultés des personnes qui souhaitent transmettre leur entreprise. Nous avons aussi enrichi ce dispositif. Via ces sociétés, nous avons signé une convention nous permettant de contre garantir 70 % des aides de la Sofaris.

Le principe des sociétés de caution mutuelle est bon. Il nous est d’ailleurs envié par nombre de pays européens. Nous l’avons d’ailleurs décliné dans les pays émergents où notre Groupe est présent.

Nicolas ARPAGIAN

Madame Lebranchu, croyez-vous que ce mariage des différents acteurs économiques permettra une amélioration de la création d’entreprise ?

Marylise LEBRANCHU

Je suis intimement convaincue que le créateur doit rencontrer une structure lui permettant de valider son projet. Ensuite, grâce à cette caution morale, il peut plus facilement s’adresser à sa banque. La mutualisation du risque est une notion très importante. Mon seul regret est que les fonds d’Etat ne soient pas suffisamment connus.

Quelqu’un ayant un projet dans les biotechnologies ou sur Internet trouvera toujours un financement. Par contre, est-ce le cas pour des petits projets locaux ? Pourtant, ces projets locaux sont essentiels car ils permettent d’avoir un équilibre économique, non seulement en Europe et en France, mais aussi, voire surtout, dans les territoires. Les projets ambitieux pourraient-ils exister localement s’il n’existait pas un tissu économique composé de petites entreprises ? Je ne le crois pas.

Enfin, j’aimerais revenir sur le rôle des banques dans le financement. 70 % des créateurs d’entreprise avouent rencontrer des difficultés avec leur banque. Mais 70 % des chefs d’entreprise considèrent aussi que la banque est leur meilleur allié. Il doit donc sans doute exister un juste milieu.

Nicolas ARPAGIAN

Comment peut-on gagner la confiance des banques dans le cadre d’un partenariat ?

Jean-Pierre WORMS

Comment donc gagner la confiance des banques et des institutions de garantie ? Ce qui est essentiel, c’est le coté effet levier. Si nous prenons notre réseau par exemple, nous voyons que nous avons 15 % de prêts d’honneur mais 50 % de prêts venant des banques. Le prêt d’honneur a donc un effet levier certain.

Comment expliquer cet effet levier ? Deux points jouent en la matière : la reconnaissance par le banquier du projet et sa viabilité - c’est d’ailleurs pourquoi nous avons engagé une démarche qualité très stricte, avec certifications de la tête de réseaux et des métiers - et le fait qu’une bonne plateforme n’est bonne que dans la mesure où elle peut travailler en réseau avec tous les opérateurs du terrain. Je ne suis d’ailleurs pas certain qu’il faille unifier ou fusionner tous ces opérateurs dans un lieu unique. Mais il faut certainement rendre lisible le maquis des opérateurs locaux, en développant une véritable culture de la coopération. Pour organiser cette coopération, le rôle des collectivités locales me semble essentielle.

Ariane OBOLENSKY

La BDPME est une maison de partenariat, avec les banques, les collectivités locales, les opérateurs… C’est pourquoi, avec la Caisse des Dépôts, nous avons créé Sofaris Région qui nous permet de répondre aux besoins des régions. Telle région peut vouloir s’intéresser aux industries de la mode, telle autre à la transmission, telle autre aux technologies… Nous montons alors un programme, nous assurons que la collectivité ne dépensera pas plus que prévu et nous faisons la gestion des engagements au cas par cas, la collectivité locale gardant bien évidemment la maîtrise de sa politique. C’est une formule d’avenir à mon sens. Nous avons collecté 150 millions de francs de cette manière, fonds qui s’ajoutent et qui ne se substituent pas aux ressources nationales.

Nicolas ARPAGIAN

Allons-nous vers une industrialisation du processus d’agrément ?

Daniel LEBEGUE

Ce n’est pas à moi d’en décider ! Nous apportons un soutien à ces réseaux locaux de financement. Je voudrais d’ailleurs en citer quatre car en France le travail des bénévoles est formidable. Je voulais donc citer l’ADIE, France Active, FIR et Entreprendre. Leur rôle est double : financement (garantie, prêts…) et accompagnement. Un franc de prêt d’honneur génère en moyenne 5 à 6 francs de prêts bancaires. J’ajoute que l’accompagnement augmente vos chances de réussite de 50 %. Si nous prenons les entreprises d’insertion, qui travaillent sur la création par des chômeurs ou des jeunes qui n’ont jamais travaillé, nous voyons que le taux de mortalité des entreprises ainsi accompagnées est inférieur au taux moyen des entreprises !

Il faut que les réseaux couvrent mieux le territoire car ils sont moins développés dans certaines régions, comme le Midi. Deuxièmement, la mise en relation entre les réseaux me semble essentielle. Enfin, la professionnalisation est nécessaire car l’accompagnement des premiers pas est synonyme de fortes exigences.

Nicolas ARPAGIAN

Parlons maintenant du rôle des collectivités locales et des outils dont elles disposent.

Alain ROUSSET

Les régions et parfois les départements sont présents sur tous les fronts en matière de création d’entreprise. Les régions sont largement impliquées donc. Mais, plutôt que de répéter des choses déjà dites, je voudrais vous soumettre quelques réflexions suite à notre discussion.

A ce jour, nous avons un fort besoin de décentralisation et de proximité dans ce pays. Nous en avions d’ailleurs discuté avec Madame Lebranchu lors des négociations du contrat de plan. Tout ce qui est sur le terrain doit être responsabilisé. La créativité est sur le territoire, dans les laboratoires, les entreprises d’insertion, les associations, les entreprises… Les collectivités locales ont donc besoin de plus de responsabilités et de davantage de moyens. La région Aquitaine tente de négocier les avances remboursables pour aider les entreprises. Ces avances seraient plus efficaces que de simples subventions. Nous n’avons pas encore pu mettre en œuvre ces avances. Je note d’ailleurs que nous avons parfois plus de liberté avec Bruxelles qu’avec notre propre Etat ! Cependant, des progrès existent, comme la création d’entreprise par des chercheurs. Et arrêtons de parler de guichet unique. Il faut de la proximité et de la visibilité.

Deuxièmement, il faut se préoccuper des très petits dossiers (en Aquitaine, le Conseil général a remis en place les structures d’aide aux chômeurs créateurs) mais aussi aux entreprises moyennes, industrielles le plus souvent. Nous avons besoin d’un dispositif de capital-risque et d’appui aux fonds propres plus forts. Ces mécanismes doivent être musclés dans les régions car tout ne peut pas remonter à Paris ou auprès des fonds de pension américains. Je pense notamment au rachat de deux entreprises d’Aquitaine par ces fonds. Sans prégnance régionale du capital-risque, nous connaîtrons de telles difficultés. En Aquitaine, avec la Caisse des Dépôts, nous venons de créer un moteur de capital risque pour aider les entreprises innovantes. Nous avons besoin de développer cet attachement entre la richesse, l’emploi et le territoire.

Nicolas ARPAGIAN

Pensez-vous que nous allons vers une généralisation et un traitement en plus grand nombre des dossiers ?

Daniel LEBEGUE

Il ne faudrait pas mettre tous les entrepreneurs français à la pouponnière ! Tout ce que nous pouvons faire pour renforcer ces réseaux locaux va dans la bonne direction. Une question se pose souvent en France : est-ce aux acteurs publics de jouer ce rôle ? Sachez qu’aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Europe du Nord ou en Israël, des milliards de dollars d’argent public irriguent les entreprises technologiques. Mais l’apport d’argent public ne doit pas cacher un objectif essentiel : il faut mettre en place un système fiscal qui facilite la création d’entreprise.

Nicolas ARPAGIAN

Quel rôle peut jouer le département en faveur de la création d’entreprise ?

Michel MERCIER

Notre département intervient pour financer des projets lorsque ceux-ci présentent un intérêt local, avec ou sans l’Etat ou les communautés de communes. Cela relève d’ailleurs de notre rôle, même s’il doit y avoir légalement des adaptations. Dans le Rhône, nous avons créé un fonds d’aide à la création depuis une quinzaine d’années. Ainsi, après que nous les ayons aidées, les entreprises qui le peuvent remboursent ce que nous leur avons prêté. Depuis cinq ans, ce fonds fonctionne seul. Nous avons aussi mis en place un comité validant les projets qui nous sont présentés.

Nicolas ARPAGIAN

Il semble donc falloir inciter les collectivités à s’appuyer sur ces réseaux d’accompagnement.

Marylise LEBRANCHU

Je pense qu’il faut laisser la possibilité aux collectivités territoriales d’organiser différentes aides, mais sans prendre pour autant des risques inconsidérés. Une collectivité territoriale ne dispose pas obligatoirement des spécialistes pouvant analyser les projets. Il convient donc de faire très attention pour les projets risqués. Je crois d’ailleurs que la Région peut intervenir en aide sur ces derniers projets.

Nicolas ARPAGIAN

Quels moyens peuvent être mis à disposition des salariés voulant créer leur entreprise ?

Gérard MESTRALLET

J’ai commencé ma carrière dans le secteur privé en tant que venture capitalist. J’en ai retenu une conviction : l’argent est nécessaire, mais ce n’est pas le plus important. L’essentiel est de pouvoir apporter une assistance, des conseils, des adresses…

Que peut faire une entreprise comme Suez Lyonnaise des Eaux pour ses salariés ? Tout d’abord, il ne faut pas oublier que la vocation première d’une entreprise est de conserver ses collaborateurs. Par contre, si des salariés ne s’épanouissent pas dans leur fonction et désirent monter un projet, il faut pouvoir les y aider. La première chose à faire est de leur donner du temps. Ainsi, nous proposons à nos salariés un congé pour élaborer et monter leur projet, congé qui, en cas d’échec, permet au salarié de réintégrer son poste. Ensuite, nous pouvons l’aider à faire des recherches, notamment pour des entreprises qui sont montées dans des domaines pointus. Une autre possibilité est de signer un premier contrat commercial avec la société qui est créée.

Nous avons distingué les salariés qui créent une entreprise proche de nos secteurs, pour lesquels nous pouvons intervenir en capital, et ceux qui ont des projets loin de notre sphère d’intervention, où nous n’intervenons jamais. En effet, quel intérêt aurions-nous à être actionnaire d’un hôtel ? Pour conclure, je crois que c’est la vocation d’une entreprise de savoir rester ouverte aux demandes des salariés.

Nicolas ARPAGIAN

1 % des créateurs d’entreprise bénéficient de 90 % des capitaux. Quels sont les freins que le manque de liquidité peuvent représenter ?

Daniel LEBEGUE

Pour l’investisseur, la liquidité est bien évidemment un critère déterminant de décision. Peut-on blâmer l’investisseur ? Je ne le crois pas. Le Nouveau Marché offre la possibilité de trouver la liquidité. Mais il ne faut pas semer d’illusions : la majorité des entreprises n’accèderont pas à un marché, même hors cote, parce qu’elles n’ont pas la dimension nécessaire. L’alternative est alors double : utiliser du quasi-capital, comme nous l’avons déjà dit, ou intégrer le marché secondaire des participations dans des sociétés non cotées. En France, contrairement à d’autres pays européens, ce marché n’est pas développé. C’est pourtant une voie à explorer pour améliorer la liquidité.

Nicolas ARPAGIAN

André Levy-Lang, comment gérez-vous la question du risque de non-rentabilité ?

André LEVY-LANG

La rentabilité est évidemment un élément essentiel pour l’investisseur. Il ne faut pas oublier que les fonds propres supportent l’essentiel du risque de l’entreprise. Il faut donc mettre en face de ce risque une espérance de gain. L’investisseur en fonds propres doit donc jouer sur les deux paramètres : réduire le risque, notamment en apportant du temps au créateur, et maximiser l’espoir de gain.

Si les risques de pertes sont perçus comme étant induits, il n’y a aucune raison que le rôle de l’investisseur providentiel ne s’élargisse à des entreprises autres que celles appartenant à la Net économie.

Dans la nouvelle économie, les contacts, grâce, par exemple, au club du premier mardi ou aux incubateurs, sont nombreux. Par contre, ce n’est pas le cas dans l’ancienne économie. Je pense que c’est aux autres réseaux de mettre en œuvre ces contacts.

Nicolas ARPAGIAN

Jean-François Stopar, vous avez eu besoin de business angels. Que vous ont-ils apportés ?

Jean-François STOPAR

Lorsque l’on souhaite créer son entreprise, il faut pouvoir, dans un premier temps, entrer en contact avec les personnes pouvant aider au financement. Pour Style de France, nous avons réfléchi pendant plus d’un an à la mise en place de notre projet. C’est essentiel car il faut convaincre le business angel que l’entreprise porte un intérêt.

Ensuite, de la même façon que l’on construit une équipe interne, il est essentiel de créer une bonne équipe pour l’actionnariat. Il est fondamental de savoir utiliser le savoir-faire et les compétences dont nous ne disposons pas. Enfin, le dernier élément est le facteur humain : il est essentiel de bien s’entendre avec des personnes avec lesquelles nous allons partager une histoire. Ce sont sur ces trois critères que nous avons déterminé qui entrerait dans notre capital.

Nicolas ARPAGIAN

Philippe Dupont, vous avez cette expérience de capital-risque.

Philippe DUPONT

Le banquier doit jouer son rôle dans la création, dans le cadre de la proximité et de concert avec les réseaux. Mais les banquiers sont des capital risqueurs depuis la nuit des temps. Nous avons donc ce métier, où nous intervenons en développement, en transmission… Dans notre monde, tout va très vite dorénavant. Dans ce monde, trois mois sont nos anciens deux ans. Nous devons donc mettre en confiance. C’est l’esprit de la SPEF, du Groupe Natexis Banques Populaires. Nous avons par ce biais un deal flow qui nous permet d’accompagner des entreprises, des jeunes pousses, des sociétés en transmission…

Nicolas ARPAGIAN

Concluons avec André Lévy-Lang.

André LEVY-LANG

Le moteur de mon activité est le gain, l’espoir de rentabilité. Mais il y a d’autres moteurs : l’accompagnement, l’espoir d’aider, le bonheur d’être l’actionnaire de mauvais temps, d’où l’importance des contacts avec les entrepreneurs.

Nicolas ARPAGIAN

Merci pour vos interventions.

Je vous propose d’accueillir sur scène tous les créateurs d’entreprise présents lors de cette Convention, ainsi que les membres du gouvernement. Nous accueillons Lionel Jospin, Premier Ministre. Mais nous allons passer la parole à Madame Lebranchu. (voir synthèse des débats)

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