SCANDALES A L'EMPLOI
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Christine Lagarenne et Nadine Legendre, Division Revenus et patrimoine des ménages, Insee
En 1996, parmi les personnes actives et
ayant travaillé au moins un mois,1 305 000 vivaient dans un ménage dont le niveau
de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Avoir connu une période de chômage
augmente fortement le risque de pauvreté, mais l’exercice continu d’une
activité ne met pas à l’abri de la pauvreté : les deux tiers des « travailleurs
pauvres » ont occupé un emploi, salarié ou indépendant, toute l’année.
Parmi les salariés ayant travaillé continûment, le risque de
pauvreté est sensiblement accrû quand l’emploi est à durée déterminée ou
correspond à un emploi aidé, ce qui est le cas de nombreux jeunes. Le temps
partiel a également un impact sur le risque de pauvreté et concerne un quart
des « travailleurs pauvres ».
La pauvreté d’un
travailleur dépend à la fois de son revenu d’activité personnel et de sa
situation familiale. Trois quarts des travailleurs pauvres gagnent moins de 42
000 F par an. Plus de la moitié vivent seuls ou dans des familles où ils sont
l’unique apporteur de ressources. Les prestations sociales représentent plus du
tiers du revenu du ménage de ces travailleurs.
Selon la définition anglo-saxonne, les « working poor » sont des
personnes qui bien qu’actives vivent dans un ménage pauvre. En France, 1,8
million de personnes répondent à cette définition, mais beaucoup n’ont connu
que le chômage tout au long de l’année. Cette étude se restreint à ceux d’entre
eux qui ont occupé un emploi au moins un mois dans l’année, appelés par la
suite « travailleurs pauvres » ( voir Pour comprendre ces résultats).
Les travailleurs pauvres se répartissent entre des travailleurs ayant
connu l’emploi et le chômage (354 000), et des personnes ayant travaillé toute
l’année en tant qu’indépendants (350 000) ou salariés (510 000) auxquelles
s’ajoutent quelques personnes ayant été inactives quelques mois ( tableau 1).
En 1996, on comptait donc 1 305 000 travailleurs pauvres (60 % d’hommes et 40 % de femmes), soit 6 % de l’ensemble des travailleurs. En fait,bien plus de personnes sont concernées par cette pauvreté : toutes celles qui cohabitent avec un travailleur pauvre. Au total, plus de deux millions de personnes de 17 ans ou plus – auxquelles il faut ajouter 830 000 enfants de moins de 17 ans - vivent dans un ménage de travailleur(s) pauvre(s) ( graphique 1). Ce « halo » autour des travailleurs pauvres est à majorité féminine (70 %).
Par ailleurs, cette évaluation est sensible à la définition du seuil de pauvreté : sont pauvres les ménages dont le niveau de vie (revenu disponible par unité de consommation – U.C.) est inférieur à 50 % du niveau de vie médian ; avec un seuil défini à 60 %, les travailleurs pauvres seraient près de 2 400 000.
L’ensemble des adultes concernés par la pauvreté
des actifs
|
Hommes
|
Femmes
|
Vit avec un chômeur pauvre
(167 000)
|
49 000
|
118 000
|
Vit avec un travailleur pauvre (743 000)
|
229 000
|
514 000
|
Chômeur pauvre 515 000
|
289 000
|
226 000
|
Travailleur pauvre en emploi moins de 12 mois (445 000)
|
244 000
|
201 000 |
Travailleur pauvre en emploi les 12 mois
(860 000)
|
550 000 |
310 000 |
Champ :
personnes de 17 ans ou plus.
Note : les chômeurs
pauvres sont ici les personnes au chômage au moins six mois et n’ayant pas
travaillé dans l’année vivant dans un ménage
pauvre ; 62 %
vivent avec un travailleur pauvre et ne sont pas comptés dans les 743 000 “vit
avec un travailleur pauvre”.
Source : Enquête
Revenus Fiscaux 1996, Insee - DGI
354 000
travailleurs pauvres ont été au chômage une partie de l’année
Ce parcours est fréquent parmi les travailleurs de moins de 25
ans, encore plus quand ils vivent dans un ménage dont le niveau de vie est
inférieur au seuil de pauvreté (38 % contre 27 %).
134 000 travailleurs pauvres ont été
toute l’année en contrat à durée déterminée ou en emploi aidé
Parmi les
travailleurs pauvres, 83 000 sont salariés depuis au moins douze mois sous
contrat à durée limitée (CDD, intérim, travail saisonnier, ou apprentissage),
27 000 ont un emploi aidé ou sont en stage et 24 000 ont alterné différentes
formes d’emploi. Le risque de pauvreté avec ces types de parcours est élevé, de
l’ordre de 10 % pour les contrats à durée déterminée et 20 % pour les
stagiaires. Les salariés concernés par ces parcours sont encore plus jeunes que
ceux ayant connu le chômage (25 % ont moins de 25 ans).
En effet, un certain nombre de jeunes commencent leur carrière
professionnelle par des emplois à durée limitée.
Ces travailleurs pauvres vivent moins souvent en couple que les
autres et quand ils vivent en couple, leur conjoint est davantage inactif. Par
ailleurs, 20 % d’entre eux sont titulaires du baccalauréat ou d’un brevet
professionnel (contre 40 % des non pauvres).
270 000 travailleurs pauvres sont salariés en CDI à temps complet
Le risque de pauvreté parmi les salariés en CDI toute l’année à temps
complet est faible (2 %). Ils représentent néanmoins 270 000 travailleurs
pauvres.
Pauvres ou non, les salariés dans cette situation vivent en couple
(80 %
d’entre eux). Mais les moins aisés ont plus fréquemment un
conjoint inactif (50 % contre 17 %). Comme tous les autres travailleurs
pauvres, ils sont rarement diplômés : 50 % d’entre eux n’ont aucun diplôme ou
le CEP, contre 25 % des non pauvres.
Les deux tiers de ces salariés sous CDI à temps complet déclarent
une ancienneté de cinq ans ou plus dans l’entreprise qui les emploie. Ils sont
donc dans une situation stable vis à vis de l’emploi, même si leur niveau de
vie est faible.
106 000 travailleurs pauvres sont salariés en CDI à temps partiel
Le risque de pauvreté est un peu plus élevé (5 %) pour ceux qui
exercent une activité salariée sous CDI depuis au moins un an et à temps
partiel. Ces salariés ont souvent un emploi stable : la moitié occupe le même
emploi depuis cinq ans ou plus. Nombre d’entre eux souhaiteraient travailler à
temps plein, 50%contre 20 % pour les salariés sous CDI à temps partiel dont le
niveau de vie est supérieur au seuil de pauvreté.
Les femmes sont très présentes dans cette population (75 %) mais
relativement moins que parmi l’ensemble des salariés sous CDI à temps partiel (elles
sont 87 % parmi les non-pauvres). Parmi les salariés sous CDI à temps partiel,
les pauvres sont plus souvent seuls ou à la tête d’une famille monoparentale
que les autres (30%contre 11 % ).
28 % de l’ensemble des travailleurs pauvres en CDI (à temps
partiel ou complet) sont employés dans les secteurs des services aux
particuliers et de la construction, contre 12 % des non pauvres.
Aux 106 000 travailleurs pauvres à temps partiel sous CDI depuis
plus d’un an, s’ajoutent 219 000 autres travailleurs pauvres à temps partiel,
déjà comptabilisés dans les autres catégories de travailleurs pauvres ( tableau 2). Au total, un
quart des travailleurs pauvres sont à temps partiel.
Le taux de pauvreté des travailleurs à temps partiel reste faible (9
%) quoique plus élevé que celui des travailleurs à temps complet (4 %).
Activité d’avril 1996 à mars 1997 |
Niveau de vie < seuil de pauvreté N1 en milliers |
Niveau de vie >seuil de pauvreté N2 en milliers |
Taux de pauvreté
N1 N1+N2 |
Actifs -occupés ou non- au moins six mois |
1 821 |
23 947 |
7 |
en emploi au moins un mois |
1 305 |
22 440 |
6 |
Indépendants toute l’année |
350 |
2 105 |
14 |
Salariés toute l’année |
510 |
17 299 |
3 |
Dominante emploi + chômage |
175 |
1 454 |
11 |
Dominante chômage + emploi |
179 |
843 |
18 |
Avec
périodes d’inactivité |
91 |
739 |
11 |
En emploi aucun mois |
515 |
1 507 |
25 |
Chômeurs toute l’année |
449 |
1 301 |
26 |
Autres cas (chômage et inactivité) |
66 |
206 |
24 |
Inactifs ou actifs moins de six mois |
1 526 |
17 190 |
8 |
Ensemble |
3 346 |
41 137 |
7.5 |
1. La modalité “
dominante emploi + chômage ” regroupe des individus ayant été toute l’année
actifs, soit en emploi, soit au chômage mais plus souvent en emploi qu’au
chômage.
Champ :
personnes de 17 ans ou plus.
Source : Enquête
Revenus Fiscaux 1996, Insee – DGI
350 000 indépendants déclarent un revenu par U.C. inférieur au
seuil de pauvreté
Le niveau de vie des indépendants n’est pas forcément bien
appréhendé par l’enquête, aussi il est difficile de dire si la pauvreté monétaire
de cette catégorie correspond à la réalité. D’une part, certains revenus sont
estimés par l’administration fiscale au vu des pièces comptables (imposition au
forfait).
D’autre part, un résultat annuel voisin de zéro peut être
exceptionnel pour une entreprise individuelle ou un cabinet d’indépendant. Par
ailleurs, les indépendants à faible revenu ont souvent du patrimoine,
contrairement aux salariés à faible revenu. 14 % des indépendants apparaissent
pauvres contre 5 % des salariés.
La moitié des indépendants à faible niveau de vie sont
agriculteurs ou aides familiaux sur une exploitation agricole alors que cette
profession ne représente que 22 % des indépendants non pauvres.
La plupart travaillent depuis au moins cinq ans au même endroit,
il ne s’agit donc pas de créateurs ou repreneurs d’entreprises.
Les femmes en représentent le tiers.
Quatre fois sur dix, elles travaillent à temps partiel surtout
quand elles sont aides familiales (sept fois sur dix).
Les trois quarts des travailleurs pauvres gagnent moins de
42 000 F par an
La plupart des travailleurs pauvres ont des revenus d’activité
personnels
annuels inférieurs à 42 000 F (3 500 F par mois), soit 70 % du
SMIC annuel. Ils
disposent donc d’un salaire - y compris indemnités de chômage - ou
bénéfice
qui ne leur permettrait pas de franchir le seuil de pauvreté (3
500 F par mois et
par unité de consommation) même s’ils vivaient seuls. En revanche,
rares sont
ceux qui perçoivent des revenus d’activité supérieurs au SMIC.
Pour autant, la plupart des travailleurs gagnant moins de 70%du
SMIC ne sont
pas pauvres. Parmi cette population, la proportion des pauvres est
de 21 %. Elle passe à 6%pour ceux qui ont reçu entre 70 % du SMIC et un SMIC et
1 % pour ceux qui gagnent un SMIC ou plus.
Un travailleur n’est pas exposé au même risque de pauvreté quand
il vit seul ou en famille. S’il vit seul, son risque de pauvreté est de 8 %.
Lorsqu’il vit en couple, son risque de pauvreté dépend de l’activité de son
conjoint : 2 % si son conjoint travaille, 16 % sinon ( tableau 3). Un
travailleur chef d’une famille monoparentale est moins exposé à la pauvreté que
celui qui vit dans un couple dont un seul membre travaille. En effet, les
transferts sociaux réduisent fortement la pauvreté des familles monoparentales.
La combinaison du revenu individuel et de la situation familiale
permet de mieux
comprendre les mécanismes de
la pauvreté des travailleurs ( graphique 2). Ainsi, 37 % des salariés pauvres
sont confrontés aux situations individuelle et familiale les plus propices à la
pauvreté (revenus individuels inférieurs à 70 % du SMIC et ménage avec un seul
apporteur de ressources ou personne seule). 33 % gagnent également moins de 70
% du SMIC mais vivent dans le type de ménage le moins exposé à la pauvreté
(plusieurs apporteurs de ressources). À l’inverse, 11 % des travailleurs
pauvres gagnent plus du SMIC, mais étant les seuls apporteurs de ressources de
leur famille, ils basculent sous le seuil de pauvreté.
Prestations
sociales : plus du
tiers des revenus des ménages de travailleurs pauvres.
Dans les ménages comprenant au moins un travailleur pauvre, le
travail
contribue pour moitié aux ressources du ménage. Le reste est
constitué par les
indemnités de chômage (9 %) et les prestations sociales (37 %),
les revenus
du patrimoine et les pensions de retraite jouant un rôle marginal.
La part des
revenus d’activité décroît avec l’instabilité par rapport à l’emploi,
contrairement aux indemnités de chômage et aux prestations sociales ( tableau
4). Plus de 80 % des ménages de travailleurs pauvres perçoivent des prestations
sociales, contre moins de la moitié des autres ménages.
Les
travailleurs occupant un emploi à temps partiel en mars 1997
Tableau
2
Activité d’avril 1996 à mars 1997 |
Niveau de vie < seuil de pauvreté N1en milliers |
Niveau de vie > seuil de pauvreté N2 en milliers |
Taux de pauvreté N1 N1+N2 |
Actifs (1) au moins six
mois |
325 |
3 260 |
9 |
Indépendants toute l’année |
47 |
201 |
19 |
Salariés en CDI toute l’année |
106 |
2 153 |
5 |
Autres salariés toute l’année |
67 |
425 |
14 |
Salariés ayant connu le chômage et un CDI |
35 |
196 |
15 |
Salariés ayant connu le chômage sans CDI |
70 |
285 |
20 |
Actifs1 moins de 6
mois |
36 |
163 |
18 |
(1). Actifs occupés
ou non
Champ :
personnes de 17 ans ou plus à temps partiel en mars 1997.
Source : Enquête
Revenus Fiscaux 1996, Insee – DGI
Situation
familiale des travailleurs pauvres
Tableau
3
Situation familiale du travailleur |
Taux de pauvreté |
Répartition des travailleurs pauvres |
A un conjoint sans revenu d’activité |
16 |
33 |
Est parent isolé |
10 |
8 |
Est un jeune résidant chez ses parents |
8 |
14 |
Est une personne seule |
8 |
16 |
Vit avec d’autres personnes hors famille |
8 |
1 |
A un conjoint avec revenu d’activité |
2 |
28 |
Ensemble |
6 |
100 |
Champ :
personnes de 17 ans ou plus actifs au moins six mois entre avril 1996 et mars
1997 et ayant occupé un emploi au
moins un mois au
cours de cette période.
Source : Enquête
Revenus Fiscaux 1996, Insee – DGI
Pour comprendre ces résultats
Le niveau de vie : pour comparer le revenu de ménages de taille différente, on
utilise la notion de niveau de vie dans laquelle le revenu n’est pas rapporté
au
nombre de personnes du ménage mais au nombre d’unités de
consommation.
L’échelle d’équivalence est la suivante : 1unité de consommation
pour le premier adulte du ménage, 0,5 pour les autres personnes de 14 ans et
plus et 0,3 pour les enfants de moins de 14 ans.
Le revenu comprend les revenus annuels déclarés au fisc (revenus
d’activités,
indemnités de chômage, pensions alimentaires ou de retraite,
revenus du
patrimoine soumis à l’impôt sur
le revenu hors prélèvement libératoire) augmentés des prestations sociales non
imposables, et diminués des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe
d’habitation et CSG/CRDS).
Le seuil de pauvreté est fixé, par convention, à la moitié du
niveau de vie médian de l’ensemble des ménages dont la personne de référence
n’est pas étudiante. Un ménage pauvre est un ménage dont le niveau de vie est
inférieur à ce seuil (3 500 F par mois pour une personne seule et 7 350 F pour
un couple avec deux enfants).
Le travailleur pauvre est une personne qui travaille et qui
vit au sein d’un ménage pauvre. Une personne est classée parmi les travailleurs
lorsqu’elle s’est déclarée active (ayant un emploi ou au chômage) six mois ou
plus dans l’année, dont au moins un mois en emploi.
Répartition
des salariés pauvres selon leurs revenus personnels
et leur
situation familiale
Situation familiale
C B A Famille de 2 personnes ou + avec plusieurs apporteurs de
ressources Personne seule
* SMIC
Revenus personnel annuels
(salaires + indemnités de chômage)
A = Famille de 2 personnes ou + avec plusieurs apporteurs de ressources
B = Personnes seules
C = Famille de 2 personnes ou + avec un seul
apporteur de ressources
Champ :
les travailleurs pauvres hors indépendants. Champ restreint par rapport au
tableau 3.
Note :
Les pastilles sont proportionnelles à la part des salariés pauvres dans chacune
des configurations (cette part figure à
côté de
la pastille). La pastille est d’autant plus foncée que le risque de pauvreté
est élevé (moins de 5% pour le blanc, 12% pour le rouge clair, 32% pour le
rouge foncé et de l’ordre de 60 à 70 % pour le noir).
Lecture
: 21% des salariés pauvres gagnent moins de 70%du SMIC et sont l’unique
apporteur de ressources à une famille de deux personnes ou plus (situation
familiale la plus propice à la pauvreté).
Source
: Enquête Revenus Fiscaux 1996, Insee - DGI
Structure
du revenu des ménages de travailleurs pauvres
Tableau
4
Ménages pauvres comprenant un travailleur |
Part des revenus d’activité |
Part des indemnités de chômage |
Part des prestations sociales |
Indépendants
toute l’année |
61 |
3 |
30 |
Salariés toute l’année |
61 |
6 |
34 |
Dominante emploi + chômage (1) |
36 |
15 |
47 |
Dominante chômage + emploi |
17 |
24 |
53 |
Avec périodes d’inactivité |
39 |
11 |
32 |
Ensemble |
50 |
9 |
37 |
(1). La modalité
« dominante emploi + chômage » regroupe des individus ayant été toute l’année
actifs, soit en emploi, soit au chômage mais plus souvent en emploi qu’au
chômage.
Champ : ménages
pauvres comprenant au moins une personne de 17 ans ou plus active au moins six
mois entre avril 1996 et mars 1997 et ayant occupé un emploi au moins un mois
au cours de cette période.
Source : Enquête
Revenus Fiscaux 1996, Insee - DGI