A.N.P.E.
Cour des Comptes
RAPPORT 2000
L’Agence
a connu des évolutions importantes au cours de ces dernières années, notamment
pendant la période 1992-1998 sur laquelle a porté le contrôle mené par la Cour
des comptes.
Dans un contexte de forte augmentation du chômage, les pouvoirs publics ont décidé de fixer à l’opérateur public en charge du placement un rôle majeur pour contribuer à l’amélioration de la situation de l’emploi. Ils ont à cet effet, augmenté de manière substantielle, les moyens mis à sa disposition pour la réalisation de ces missions.
Les observations formulées par la Cour portent successivement sur la mobilisation des moyens et l’efficacité de l’Agence.
La
mobilisation des moyens
La gestion budgétaire et financière
La Cour
estime que « des pratiques budgétaires et financières dépourvues de rigueur que
ne découragent pas ses autorités de tutelle ne contribuent pas à la
mobilisation optimale des moyens importants qui lui sont alloués ». Elle appuie
son argumentation, au plan budgétaire, sur la dérogation faite au principe
d’annualité par l’engagement pour totalité des recettes et des charges des
mesures pour l’emploi qui s’exécutent sur plusieurs années, conduisant de la
sorte au gonflement artificiel du fonds de roulement et à son utilisation à
d’autres fins que celle initialement prévues.
Les
contraintes budgétaires pour la période considérée ont parfois conduit à des
arbitrages qui n’ont pas permis d’inscrire au budget primitif de l’Agence
la totalité des moyens nécessaires et prévisibles.
C’est
précisément parce que ces pratiques ne sont pas satisfaisantes qu’il a été
demandé à l’établissement de modifier ses modalités de gestion des mesures pour
l’emploi. Cette modification est d’ores et déjà prise en compte dans le projet
de budget 2001 de l’agence par l’ouverture de crédits sur la base des dépenses
prévisibles au cours de l’exercice.
S’agissant des autres aspects de la gestion financière, il convient de souligner que conformément aux recommandations de la Cour, des dispositions sont sur le point d’être prises afin de permettre un meilleur recouvrement des contributions financières des départements au titre de la mise à dispositions d’agents ANPE pour l’insertion des bénéficiaires du RMI.
Par ailleurs, la convention d’assurance chômage renégociée par les partenaires sociaux prévoit l’abandon des conventions de conversion. Les observations formulées par la Cour sur les modalités de gestion des relations entre l’UNEDIC et l’ANPE contribueront à éclairer les négociations qui vont s’ouvrir pour la mise en oeuvre des dispositions contenues dans la convention du Régime d’assurance chômage.
Au
total, les termes utilisés par la Cour pour qualifier la gestion
budgétaire et financière de l’ANPE apparaissent sévères. Hors mesures
pour l’emploi, les taux d’exécution du budget se situent au-dessus de 97 %. Ils
attestent d’une gestion rigoureuse à laquelle le ministère de l’emploi est
particulièrement attentif dans l’exercice de son autorité de tutelle sur
l’établissement.
L’augmentation
sur la période considérée des dépenses de personnel est le résultat de
différents facteurs mentionnés par la Cour.
Les créations d’emplois dont a bénéficié l’établissement lui ont permis d’assurer un service de meilleure qualité tant auprès des demandeurs d’emploi que des entreprises, dans des conditions de fonctionnement similaires à celles de ses homologues européens. Elles étaient rendues absolument nécessaires pour se donner les moyens de mieux lutter contre le chômage.
En relation directe avec le public, à hauteur de 86 % de l’ensemble des personnels, ses agents sont souvent confrontés à des situations de détresse particulièrement difficiles à gérer. Les revalorisations salariales et indemnitaires intervenues ont été des leviers de dynamisation et d’encouragement de leur activité. Dans ces conditions également, il paraît difficile de soutenir que le taux d’absentéisme est excessif. Il faudrait pour ce faire établir des comparaisons avec des services publics confrontés aux mêmes difficultés.
Les contrats de progrès
La Cour note enfin que la démarche de contrat de progrès est une « tentative intéressante » pour inscrire l’activité dans un cadre pluriannuel au travers d’objectifs « mieux définis ».
La
démarche de contrat de progrès s’inscrit dans le cadre des orientations
relatives au renouveau du service public, définies dans les circulaires du
Premier Ministre du 23 février 1989 et du 25 janvier 1990. Procédure
contractuelle pluriannuelle, cette démarche permet d’articuler une logique de
projet, une gestion par objectifs et une évaluation des résultats observés.
Elle a beaucoup contribué à la rénovation des relations entre l’établissement,
qui bénéficie d’une large autonomie de décision pour la mise en oeuvre et la
gestion des politiques qui lui sont confiées dans le cadre de ses missions, et
l’État qui exerce désormais une tutelle de caractère stratégique par un
contrôle largement a posteriori, notamment au travers de l’évaluation du
contrat de progrès.
La Cour
considère cependant que l’élaboration du contrat s’effectue dans l’ignorance du
bilan du précédent contrat.
En
réalité, du fait de la composition du comité d’évaluation dans lequel sont
représentés l’établissement et ses deux tutelles, les parties intéressées à la
signature du contrat sont constamment informées de l’avancée des travaux
d’évaluation du précédent contrat et sont donc susceptibles d’en tirer des
enseignements pour la rédaction du nouveau. Toutefois, pour tenir compte de la
remarque de la Cour, il a été décidé pour le troisième contrat de progrès,
outre le rapport final d’évaluation, d’établir deux rapports intermédiaires,
dont le dernier sera réalisé six mois avant le terme du contrat, soit à une
date suffisamment avancée pour que l’essentiel du bilan soit formellement
établi au moment de l’élaboration du futur contrat.
L’efficacité
de l’agence
Le
contexte de l’intervention de l’Agence
La
multiplicité des acteurs et des interventions dans le traitement de l’emploi
est un héritage historique lié d’une part à la place des partenaires sociaux
dans la gestion du régime d’assurance chômage, d’autre part aux compétences
dévolues par les lois de décentralisation aux collectivités territoriales. Elle comporte effectivement des risques de
redondance, d’incohérences et de difficultés de positionnement de chacun.
Pour
ce qui le concerne, l’État a cherché à la fois à assurer un service de
proximité aux demandeurs d’emploi et une intervention cohérente de ses services
autour des trois composantes du service public de l’emploi, services déconcentrés
du ministère, ANPE et AFPA.
Le
passage de la globalisation des mesures à travers la fongibilité des enveloppes
financières, à la globalisation de l’action dans le cadre de la
territorialisation des politiques de l’emploi constitue un levier puissant pour
mettre en synergie les interventions de chacun au bénéfice des demandeurs
d’emploi.
Dans le cadre partenarial élargi à tous les acteurs de l’emploi, il s’agit d’instaurer une démarche de projet qui, à partir de l’établissement d’un diagnostic de la situation et des besoins d’emploi, élabore des plans d’action déclinés en objectifs partagés et suivis en commun.
Ce
contexte nouveau créé par la territorialisation inscrit donc le partenariat de
l’Agence dans une dynamique propice à surmonter le morcellement du
traitement de l’emploi sur les trois plans (géographique, acteurs et publics)
relevés par la Cour.
Au-delà
des difficultés de suivi mentionnées par la Cour et inhérentes à la
complexité des systèmes d’information à développer pour sa réalisation, le
ministère fait sien le constat de la Cour sur l’apport qualitatif des
partenariats pour un service de proximité amélioré.
Toutefois,
le fichier des demandeurs d’emploi et les modalités d’actualisation de leur
inscription constituent, ainsi que l’indique la Cour, des limites à la
performance opérationnelle de l’ANPE. A la suite du rapport de l’IGAS
mentionné par la Cour, des travaux ont été menés afin d’étudier les
aménagements à y apporter.
La
stratégie du placement
Le deuxième contrat de progrès avait mis fortement l’accent sur l’accroissement de la part de marché de l’Agence. L’augmentation, soulignée par la Cour de cette part de marché et du nombre d’offres d’emploi recueillies, attestent que pour l’essentiel l’objectif a été atteint.
Le
rapport d’évaluation soulignait cependant que le traitement de la demande
devait être l’objet d’une attention équivalente au traitement de l’offre. En
conséquence, le troisième contrat de progrès a fixé à l’établissement
l’objectif de « mieux répondre aux besoins des demandeurs d’emploi en
s’appuyant sur la confiance des entreprises ». Tout l’enjeu de l’activité
d’intermédiation de l’ANPE sur le marché du travail réside en effet dans
un traitement intégré de l’offre et de la demande d’emploi. Du fait de
l’émergence de difficultés de recrutement dans certains secteurs
professionnels, cette orientation prend un relief nouveau avec l’exigence de
saisir cette opportunité pour ne laisser personne au bord de la route de la
reprise, conformément aux priorités du Plan National d’Action Pour
l’Emploi de la France.
Sur
le volet de l’offre, la Cour constate une diminution dans la dernière
période de la part de marché de l’Agence et observe une baisse du nombre
des visites en entreprises. Sur ce point, l’État est particulièrement
attentif à la « démarche marketing entreprises » engagées par l’ANPE. Il
ne s’agit pas en effet de mobiliser des moyens humains par un démarchage
systématique des entreprises mais d’engager une action ciblée et plus
qualitative auprès d’un certain nombre d’entre elles.
Sur
le volet de la demande, l’Agence a profondément modifié son offre de
service en développant corollairement des outils en libre service pour les
demandeurs les plus autonomes et des prestations d’accompagnement personnalisé
en direction des demandeurs d’emploi les plus en difficulté. La diminution du
nombre d’entretiens constatée par la Cour doit donc être appréciée dans
ce cadre qui vise à consacrer un maximum de moyens à ceux qui en ont le plus
besoin.
L’ensemble
de ces orientations a commencé à produire des résultats. La baisse constatée
par la Cour en 1999 du chômage de longue durée s’est poursuivie et
accélérée depuis lors. A cet égard, il faut souligner que le chômage de longue
durée a diminué nettement plus vite (- 32 % entre septembre 1998 et septembre
2000) que le chômage en général (- 23 %sur la même période).
«
S’il paraît difficile de distinguer ce qui, dans cette évolution revient à
l’action de l’Agence » ainsi que le note la Cour, il est
cependant non moins difficile de démontrer que « l’amélioration de la situation
de l’emploi est le facteur prépondérant » comme le suggère la Cour. Dans
un contexte d’amélioration de la situation de l’emploi qui tend à accentuer la
sélectivité du marché du travail, ces résultats ne vont en effet pas de soi. Il
est vraisemblable que les politiques menées par les pouvoirs publics à la mise
en oeuvre desquelles participe l’ANPE, y jouent un rôle déterminant.