Cour des Comptes

 

RAPPORT 2000

 

DEUXIÈME PARTIE

OBSERVATIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

 

Réponse du Ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Réponse de la Ministre de l’Emploi et de la solidarité
 
Réponse du Président de l’Agence nationale pour l’emploi

 

Chapitre IV

Emploi et formation professionnelle

 

 

La Cour présente dans le secteur de l’emploi quatre insertions, respectivement sur l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), le rôle de l’État dans le domaine de la formation professionnelle, le réseau d’accueil, d’information et d’orientation des jeunes et les comptes consolidés du régime d’assurance-chômage (RAC).

 

Ces quatre thèmes ont un point commun : ils procèdent des missions confiées au service public de l’emploi par la circulaire n° 11/84 du 7 mars 1984 du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. L’objectif était de « mettre en oeuvre les mesures propres à promouvoir l’emploi et à réduire le chômage, en coordination avec les autres départements ministériels, en liaison avec les partenaires sociaux et en prenant en compte les besoins locaux ».

 

La Cour a inscrit ses interventions dans cette approche thématique, exprimée en termes de missions de service public, qui lui paraît mieux correspondre à l’évolution récente de la politique de l’emploi qu’une stricte définition organique limitée aux services déconcentrés du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, à l’ANPE et à l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), telle qu’on la trouve dans la circulaire administrative précitée du 7 mars 1984.

 

Les enquêtes de la Cour montrent l’imbrication des actions des différents acteurs de ce secteur. Le réseau d’accueil, d’information et d’orientation des jeunes, dont la mission est plus spécifiquement tournée vers les jeunes sans qualification, se préoccupe de l’ensemble de leurs difficultés d’insertion sociale et professionnelle et complète ainsi l’action de l’ANPE, avec laquelle il mène des actions coordonnées dans les « espaces-jeunes » [1] . Des liens étroits, souvent de caractère contractuels, existent également entre l’ANPE et les diverses composantes de la formation professionnelle ainsi qu’avec le RAC dont la Cour poursuit le contrôle amorcé dans le rapport public 1999.

 

[1]  : il s’agit d’une mise en commun des informations et de certains moyens des agences locales pour l’emploi et des composantes du réseau (missions locales et PAIO), dans le cadre de conventions quadripartites (État, conseil régional, ANPE, structure du réseau) visant à simplifier et à rendre plus efficaces les démarches des jeunes concernés.

 

Une vision horizontale de l’ensemble des moyens destinés à promouvoir l’emploi, à indemniser le chômage et à améliorer la qualification des personnes, conduit ainsi à une acception du service public de l’emploi plus large et plus conforme aux préoccupations actuelles.

 

L’Agence nationale pour l’emploi

 

   

L’agence nationale pour l’emploi (ANPE) joue un rôle majeur dans le service public de l’emploi dont l’organisation est, en France, éclatée et complexe.

 

Depuis sa création, en 1967, cet établissement public administratif a profondément évolué dans un environnement longtemps caractérisé par la constante augmentation d’un important chômage de masse. Ses attributions ont été modifiées à plusieurs reprises. Ses moyens, significativement accrus au fil des ans, sont désormais substantiels. En 1998, il comptait près de 20 000 agents (soit quelque 18 000 en équivalents temps plein) servant dans plus de 1000 implantations - dont 860 agences locales pour l’emploi - réparties sur tout le territoire ; son budget était alors de quelque 24 MdF, dont près de 18 milliards de subventions destinées à être reversées au titre des aides à l’emploi que l’agence gère pour le compte de l’État. Ses relations avec l’État s’inscrivent depuis 1990 dans un cadre modernisé : celui d’un "contrat de progrès". Son partenariat avec l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a, au cours de la dernière décennie, conduit à la conclusion de trois accords successifs.

 

L’enquête faite par la Cour de l’été 1999 à l’été 2000 sur la gestion de l’ANPE entre 1992 et 1998 a fait apparaître que la mobilisation des moyens mis à sa disposition n’est pas encore optimale : ses pratiques budgétaires et financières, que ne découragent pas ses autorités de tutelle, manquent à divers égards de rigueur ; elle a tardé à mettre en oeuvre les technologies les plus modernes ; une rigidité grandissante affecte les modalités de gestion de son personnel.

 

Faute d’indicateurs pertinents, il est malaisé d’évaluer objectivement l’efficacité de l’ANPE, en particulier dans l’exercice de sa mission essentielle de placier. Les informations disponibles laissent toutefois craindre qu’en dépit d’évidents progrès, les résultats de cet important organisme ne soient pas toujours à la mesure des espoirs entretenus, et qu’ils tendent à plafonner.

 

Dès lors qu’une conjoncture économique plus favorable favorise une nette amélioration du marché du travail, il convient de s’interroger sur la vocation de cet organisme et sur les relations qu’il doit nouer avec les autres composantes du service public de l’emploi.

  

A la différence de plusieurs États membres de l’Union européenne, le service public de l’emploi se caractérise en France par l’éclatement et la complexité de son organisation. La gestion des outils et des moyens de lutte contre le chômage y a été répartie entre de multiples intervenants plus en fonction des contingences de l’actualité que selon une démarche rationnelle. C’est dans cet environnement que s’inscrit l’action de l’agence nationale pour l’emploi (ANPE), établissement public national à caractère administratif créé par une ordonnance du 13 juillet 1967. Elle a pour mission essentielle d’assurer l’accès ou le retour à l’emploi des personnes qui en sont privées.

 

Ses attributions ont été aménagées à plusieurs reprises. Un décret du 23 janvier 1980 lui a enlevé la charge de la constitution des dossiers d’admission aux allocations-chômage et des opérations de contrôle de la qualité des bénéficiaires. Une ordonnance du 20 décembre 1986 a accru le nombre des intervenants, au côté de l’agence, sur le marché du placement. La loi du 28 mai 1996, enfin, a autorisé l’ANPE à transférer aux ASSEDIC les inscriptions sur la liste des demandeurs d’emploi et l’actualisation de la situation des personnes inscrites.

 

Parallèlement, dans un contexte longtemps caractérisé par un constant accroissement d’un chômage de masse, les moyens de cet établissement ont été, au fil des ans, significativement accrus. Pour en encadrer l’évolution, il a été décidé, à la fin des années 1980, d’inscrire les engagements réciproques de l’État et de l’ANPE dans un « contrat de progrès ». Le premier contrat de ce type couvrait la période 1990-1993 et le deuxième celle de 1994 à 1998. Un troisième contrat a été signé le 28 janvier 1999 pour les années 1999 à 2003.

 

Au cours des dernières années, les attributions et les moyens de l’ANPE ont ainsi profondément évolué. Dans le dessein de mesurer la portée de ce changement, la Cour a examiné de l’été 1999 à l’été 2000, les comptes et la gestion de l’agence de 1992 à 1998. Cette enquête a été conduite tant au siège de l’établissement à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) que dans plusieurs de ses implantations locales et auprès des autorités de tutelle. Au terme de ce constat, il apparaît que l’ANPE peut aujourd’hui mobiliser des moyens importants et que s’il est assurément malaisé d’évaluer avec précision et objectivité son efficacité, ses résultats bien qu’en progrès peuvent encore être améliorés. Compte tenu de l’amélioration actuelle de la conjoncture économique, son articulation avec les autres composantes du service public de l’emploi appelle une attention particulière.

 

I.  -   La mobilisation des moyens

 

Des pratiques budgétaires et financières dépourvues de rigueur que ne découragent pas ses autorités de tutelle ne contribuent pas à la mobilisation optimale des importants moyens qui lui sont alloués.

 

 A.  -   Le cadre budgétaire

 

  Comme tout budget d’établissement public, celui de l’agence comprend une section de fonctionnement et une section d’investissement. Il donne une image difficile à déchiffrer des prévisions de recettes et de dépenses afférentes à sa seule gestion. L’important financement des mesures d’aide à l’emploi - comme le contrat initiative emploi (CIE) - mises en oeuvre pour le compte de l’État par l’ANPE est, en effet, inscrit dans la section de fonctionnement du budget de celle-ci. La difficulté de lecture de ce document n’est pas le seul inconvénient de cette pratique. Le résultat de l’exécution budgétaire de l’établissement en est également affecté et son fonds de roulement, artificiellement gonflé.

 

La section de fonctionnement de l’ANPE a plus que triplé, en francs courants, depuis 1993 pour s’établir à près de 24 MdF en 1998. Les dépenses effectives n’ont cependant que doublé pour atteindre 11,2 MdF en 1998, soit un taux d’exécution limité à 46,8 %. Un tel décalage entre le budget voté et le budget exécuté trouve son origine dans la gestion des mesures pour l’emploi ; si l’on ne tient pas compte de ces dernières, le taux d’exécution se situe entre 97 % et 99 %. L’ANPE inscrit, en effet, à son budget annuel la totalité des recettes et des engagements prévisibles à ce titre, alors que ces mesures s’exécutent sur plusieurs exercices. Ainsi, en 1998, un montant de 17,7 MdF était porté au budget de l’agence au titre des mesures d’aide à l’emploi pour une dépense effective de 5,4 MdF. Cette pratique, qui traduit une application quelque peu relâchée du principe d’annualité budgétaire, n’est pas cohérente avec les règles applicables au budget de l’État d’où proviennent les ressources. Ce dernier ne décrit, en effet, que les paiements afférents à ces aides prévus au cours d’un exercice. Une solution à ce problème pourrait être trouvée à terme avec la modification de l’instruction régissant la tenue de la comptabilité de l’agence afin de permettre dorénavant la comptabilisation de certaines aides en charges à payer.

 

Le poids relatif de ces aides dans le budget de l’ANPE s’est, au surplus, accru au fil des ans ; alors qu’elles ne représentaient, en 1993, que 1,7 MdF, soit 22,9 % du budget de fonctionnement alors de 7,3 MdF, elles en représentaient 73,8 % en 1998 avec un montant de 17,7 MdF. Les dépenses exécutées à ce titre durant la même période sont passées de près de 1 MdF à 5,4 MdF, soit respectivement 15,4 % et 48,3 % de l’ensemble des dépenses de fonctionnement effectives de l’agence.

 

En raison, dans une large mesure, du décalage entre la perception par l’établissement du financement de ces aides et leur paiement aux bénéficiaires, les disponibilités en fin de gestion ont crû sensiblement durant la période contrôlée. Elles ont progressé de 77 % du 31 décembre 1993 au 31 décembre 1998 pour s’établir à près de 1,9 MdF après avoir culminé à 2,7 MdF en 1997.

 

Le gonflement de son fonds de roulement a conduit l’agence et ses autorités de tutelle à perdre de vue le caractère limitatif que doit avoir un budget et à se soustraire aux rigueurs de la règle de spécialité budgétaire. Les disponibilités versées au fonds de roulement devenaient en effet à leurs yeux fongibles et pouvaient ainsi trouver une autre destination que celle initialement prévue.

 

Les prélèvements sur fonds de roulement pour équilibrer le budget sont dès lors loin d’être négligeables durant la période contrôlée. Ils représentaient 1,5 MdF en 1998. Ils traduisent en particulier l’autorisation donnée à l’établissement par ses autorités de tutelle de financer sur les réserves de trésorerie des dépenses notamment d’équipement, telles que les mesures informatiques nouvelles, que la subvention inscrite en loi de finances ne permettait pas de prendre en compte. La plus grande partie de ces modifications du budget étaient en vérité prévisibles et auraient dû être intégrées dans le budget primitif.

 

La marge de manoeuvre que constitue ce fonds de roulement apporte ainsi aux ministères de tutelle de l’agence un moyen commode pour lui faire absorber plus facilement, au détriment de la sincérité budgétaire, les effets de la régulation budgétaire (plus de 500 MF en cumulé de 1993 à 1997) ou les conséquences de l’insuffisance de ses dotations, notamment d’investissement.

 

B.  -   La gestion financière

 

 L’examen des relations financières établies entre l’agence et ses différents partenaires a montré que, pour ce qui concerne les interventions de l’État transitant dans les comptes de l’ANPE, aucun suivi rigoureux des flux financiers ni aucun apurement régulier des opérations n’étaient effectués.

 

L’agence rencontre des difficultés importantes à solder les aides à l’embauche que la puissance publique l’a chargée de gérer. Compte tenu de la durée durant laquelle s’exécutent les conventions relatives aux CIE, beaucoup d’employeurs bénéficiaires tardent à demander le paiement de la prime obligeant ainsi l’ANPE, pour solder le dossier, à attendre la prescription quadriennale ou à relancer les bénéficiaires. Cette dernière possibilité, lourde en gestion, contribue à retarder d’autant l’application de la prescription. La Cour avait déjà appelé l’attention du ministère chargé de l’emploi sur le problème des circuits de paiement des aides à l’emploi [2]  ; bien qu’un groupe de travail se soit réuni en 1999 sous l’égide de ce ministère, aucune solution n’a encore été apportée à ce problème récurrent.

[2] Rapport public 1999, p. 263.

 

L’ANPE met des agents à disposition des départements au titre du volet insertion du dispositif RMI. Un cofinancement État-département lui assure le remboursement de ces charges salariales. Cependant, si l’agence perçoit bien la part de cette recette incombant à l’État, celui-ci a mis en place un dispositif de fonds de concours inutilement complexe et mal maîtrisé, pour recueillir le financement attendu des départements. Il serait utile d’abandonner un circuit budgétaire dont la lourdeur n’a d’égale que la mauvaise gestion et de charger l’ANPE de conclure directement les conventions nécessaires avec les départements, ce qu’elle fait déjà pour d’autres opérations.

 

Il semble opportun de porter une attention particulière aux relations de l’ANPE avec l’association pour la gestion des conventions de conversion (AGCC) que gère l’UNEDIC car elles peuvent servir de référence dans l’hypothèse d’un renforcement des liens entre l’ANPE et les institutions du régime de l’assurance chômage. Leur examen a fait apparaître qu’elles sont marquées par la constante évolution du dispositif conventionnel qui les régit et par des délais importants affectant le versement des sommes dues à l’ANPE à ce titre. Ils ont pu atteindre 8 mois pour les exercices 1996 et 1997.

 

L’importance des masses financières transitant par l’agence et un suivi insuffisant de leur flux tournant tantôt à son avantage, tantôt à son détriment, ont globalement conduit à la constitution d’une trésorerie substantielle dont le placement a permis à l’agence de dégager, avec l’accord des autorités de tutelle, des produits financiers certes non négligeables, mais qui auraient pu être accrus.

 

 

(en MF au 31/12) 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Disponibilités

Dont placements

1 157,7

349,9

1 013,08  609,3

1 130,1   56,7

2 274,51 156,0

2 712,41 859,2

1 865,9 1 078,3

Produits financiers

12,1

68,4

50,3

5,1

19,5

85,2

 

Dès lors qu’un établissement public administratif peut se constituer une trésorerie abondante, il lui revient au moins d’en assurer une gestion active. Tel n’est pas le cas à l’ANPE : l’ordonnateur n’a fixé aucune politique en la matière ; l’agent comptable ne dispose d’aucun outil de prévision de la trésorerie. Faute d’une liaison étroite avec les services de l’ordonnateur il n’est pas au demeurant en mesure d’anticiper les encaissements et les décaissements à venir. On constate au surplus l’existence d’une trésorerie dormante, certes modeste (136,9 MF au 10/02/99), au niveau des délégués régionaux de l’agence. Aucune règle d’apurement régulier de leurs comptes n’a été instituée notamment pour fixer un plafond de disponibilités correspondant à leurs besoins. Seuls, trois délégués régionaux ont dès lors pris l’initiative de faire remonter au siège ce qu’ils considéraient comme des excédents de trésorerie.

 

C.  -   Les dépenses de personnel

 

Les dépenses de personnel représentent une part élevée et en croissance des dépenses de fonctionnement de l’ANPE. Elles s’établissaient à 3,1 MdF en 1993, soit 65,5 % des dépenses courantes (hors charges spécifiques et exceptionnelles), et près de 4 MdF en 1998, soit 72 % de la même base pour atteindre près de 4,3 milliards en 1999. De 1990 à 1998, ces dépenses ont pratiquement doublé en francs courants (soit 61,2 % en francs constants).

 

Cette évolution résulte de différents facteurs :

 

- tout d’abord la création régulière d’emplois et la modification de leur structure conduisant à une augmentation de l’indice moyen budgétaire. Les emplois autorisés au budget de l’établissement sont ainsi passés de 15 207 en 1993 à 16 123 en 1998, soit une progression de 6 %. Bien plus, sous l’effet de la montée en charge de divers dispositifs (RMI, réseau d’insertion des jeunes [3] ) à la disposition desquels l’agence met du personnel contre remboursement, le nombre d’agents permanents est passé de 15 353 à 16 873 entre 1993 et 1998, soit une augmentation de près de 10 %. Si l’on ajoute les agents temporaires, les contrats emploi-solidarité et les appelés du contingent, la force de travail de l’ANPE s’établissait à 19 686 personnes en 1998, en hausse de 10,3 % par rapport à 1993, et représentait 17 788 agents en équivalent temps plein ;

[3] Cf. ci-après 3 « Le réseau d’accueil, d’information et d’orientation des jeunes ».

 

- ensuite, les revalorisations salariales significatives accordées dans le cadre du nouveau statut instauré par le décret du 29 juin 1990. Celui-ci tend à un alignement sur le régime de la fonction publique sans éviter ni ses lourdeurs en matière de recrutement ni sa rigidité. Le recours aux emplois à durée déterminée est limité à 2 % du cadre d’emploi en cause. Ce statut nouveau paraît, au surplus, avoir été appliqué avec bienveillance. Le coût des reclassements résultant de sa mise en oeuvre s’est ainsi élevé à 301 MF, soit 35 MF de plus que prévu. On remarque notamment que la procédure d’avancement accéléré a été appliquée largement au-delà de ce que prévoyaient les textes ;

 

- enfin, la mise en place de mesures indemnitaires et d’un régime très favorable de protection sociale surcomplémentaire.

 

Le « taux d’opérationnalité » de l’établissement (nombre de jours travaillés rapporté au nombre de jours ouvrés), qui était de 74,72 % en 1989, avait diminué en 1993, avec un taux de 71,27 %. Il a augmenté ensuite pour remonter à 75,66 % en 1998. Le taux d’absentéisme du personnel de l’agence [4] paraît, en effet, élevé : 7,68 % en 1998. Le nombre de jours consacrés au paritarisme (14 684 en 1998) ou aux activités syndicales (22 888 jours) est de même important. Durant l’exercice 1998, 67 agents étaient mis à disposition de structures diverses dont 16 seulement faisaient l’objet d’une convention de remboursement le ministère de l’emploi et de la solidarité.

 [4] Il inclut à proportion de 20 % les congés-maternité, le personnel de l’établissement étant très féminisé.

D.  -   Les autres dépenses de gestion

 

  Le réseau informatique de l’ANPE est important et complexe et met en oeuvre des applications nombreuses et volumineuses. Il fait communiquer 14 500 postes de travail répartis sur 1 200 sites. Il n’est donc pas étonnant que les dépenses consacrées à l’informatique soient le second poste de dépenses de l’établissement après celles relatives au personnel ; avec 594 MF en 1998, cette dotation se situe au troisième rang des budgets informatiques suivis par la direction du budget, après ceux du ministère de l’économie et des finances et du ministère de l’intérieur.

 

Les dépenses informatiques de l’ANPE font l’objet d’un processus budgétaire peu satisfaisant qui se caractérise par un recours systématique à des décisions modificatives opérant des prélèvements sur le fonds de roulement. Il en résulte un relâchement de la prévision et de la gestion dans un domaine pourtant stratégique. La Cour a notamment relevé le manque de précision du chiffrage du projet « GEODE » (refonte des systèmes d’information de l’agence). Au moment de son contrôle les dépenses déjà effectuées à cette fin excédaient de 85 % le coût prévisionnel initial de 119,4 MF inscrit au budget. La mise à niveau de l’ensemble du parc informatique dont le coût est évalué à 358 MF, a été lancée avant que les crédits aient été régulièrement mis en place.

 

Les implantations de l’ANPE représentent aujourd’hui une surface totale de plus de 400 000 m². La capacité immobilière de l’établissement ne s’adapte qu’avec retard à l’arrivée de personnels supplémentaires. Ainsi, le programme national d’action pour l’emploi de 1998 prévoit pour l’agence le renfort de 2 500 agents dont 500 en 1999 et 500 en 2000 sans en tirer immédiatement les conséquences au plan de sa programmation immobilière. Les besoins en locaux correspondants n’ont en effet vocation à être satisfaits qu’après mise en oeuvre du projet de modernisation de ses implantations locales « ALE 2000 ». Ce dernier, lancé en 1999 pour être généralisé de 2001 à 2003, fait l’objet d’une expérimentation dans trois régions pendant trois ans. La généralisation de ce projet à partir de 2001 suppose que les crédits nécessaires soient inscrits au budget 2001. Ce calendrier, sauf à ne pas être respecté, conduit ainsi à généraliser la mise en oeuvre d’un projet avant de connaître les résultats des expérimentations dont on estime qu’il doit faire l’objet.

 

Chaque direction de l’ANPE est responsable de ses procédures d’achat. Il résulte de cette organisation des dysfonctionnements nombreux, tenant à une attention inégale portée aux règles du code des marchés publics. Ils conduisent à recommander un réexamen rigoureux des pratiques suivies en ce domaine par l’agence. Les délais fixés pour exécuter les conventions d’études sont rarement respectés et l’agence répugne à appliquer les pénalités de retard pour les sanctionner. Signe d’une insuffisante préparation des commandes, les documents sont souvent rédigés de façon peu précise. Enfin, des avenants ont été passés sur des marchés expirés, ce qui conduit à douter de la rigueur du suivi de leur exécution.

 

E.  -   Les contrats de progrès

 

  La conclusion de trois "contrats de progrès" constitue depuis 1990 une tentative intéressante, mais encore imparfaite, d’organiser dans un cadre pluriannuel l’emploi des moyens mis par l’État à la disposition de l’agence pour atteindre des objectifs mieux définis. L’examen de leur exécution fait apparaître la difficulté de concilier des objectifs pluriannuels et l’impératif de l’annualité budgétaire. La prévision est dans la plupart des cas incomplète, parfois évolutive et souvent incertaine.

 

Les indicateurs retenus sont instables dans le temps et trop souvent indisponibles au moment où il y a lieu de s’y référer. Ce constat traduit un manque de réflexion préalable à la conclusion de ces accords et une insuffisante articulation du suivi de leur mise en oeuvre avec le dispositif de contrôle de gestion de l’établissement.

 

En tout état de cause, au moment de la signature des deux derniers contrats de progrès (1990-1993 et 1994-1998) et a fortiori au moment de leur élaboration, les parties contractantes ne disposaient pas des éléments d’information nécessaires (bilan et analyses) pour apprécier les conditions de déroulement du contrat de progrès précédent et en tirer toutes les conséquences utiles. Ainsi, si une amélioration a pu être constatée lors de la négociation du dernier contrat de progrès (1999-2003) avec l’établissement d’un rapport intermédiaire au cours de l’exécution du deuxième contrat, le rapport final afférent à celui-ci n’a été disponible qu’en novembre 1999, soit largement après la signature du troisième contrat de progrès, le 28 janvier 1999.

 

  II.  -   L’efficacité de l’agence

 

Le code du travail confie à l’ANPE le service public du placement. Tout travailleur recherchant un emploi doit, en principe, requérir son inscription auprès de l’agence, tandis que tout employeur est tenu de notifier à celle-ci toute place vacante dans son entreprise. Ces obligations, qui ne sont sanctionnées par aucun texte, sont toutefois dans la pratique tombées en désuétude. L’agence n’est donc pas la seule à intervenir sur le marché de l’emploi.

 

Il est malaisé, dans un tel environnement, de mesurer avec objectivité l’efficacité de cet établissement public qui ne constitue qu’une composante, certes essentielle, d’un service public de l’emploi éclaté. Il n’en apparaît pas moins que les mesures prises pour améliorer ses résultats n’ont pas eu tous les effets escomptés.

 

A.  -   Le contexte de l’intervention de l’agence

 

Aux difficultés inhérentes à l’éclatement des responsabilités entre les divers opérateurs intervenant sur le marché de l’emploi s’ajoutent celles tenant à la fiabilité des instruments de repérage des demandeurs d’emploi.

 

1.  -   Des responsabilités éclatées

 

Contrairement à nombre d’autres pays européens, dont les organismes publics de placement cumulent les fonctions de gestionnaire de l’assurance chômage, d’intermédiation pour l’accès au marché de l’emploi et de dispensateur de formation professionnelle aux demandeurs d’emploi, le système français s’est construit progressivement en confiant ces trois fonctions à des institutions différentes relevant de régimes juridiques distincts.

 

L’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), association à caractère tripartite qui a la charge d’une partie de la formation professionnelle, et l’ANPE constituent, avec les services tant centraux que déconcentrés du ministère chargé de l’emploi, le service public de l’emploi auquel est associée l’UNEDIC, association à gestion paritaire qui assure l’indemnisation du chômage. Au plan local, l’organisation de partenariats avec les collectivités locales ou leurs émanations est une autre illustration de l’éclatement du dispositif français.

 

 a)   L’UNEDIC

  

L’inscription des demandeurs d’emploi et l’actualisation de la situation des personnes inscrites peuvent relever des ASSEDIC depuis la loi du 28 mai 1996, ce que permet un fichier informatique commun avec l’agence. Libérés depuis 1998 de la lourde charge de travail relative à cette inscription, les services de l’ANPE devraient désormais être en mesure d’avoir un premier entretien plus constructif avec les demandeurs d’emploi. Selon les enquêtes d’opinion réalisées par l’ANPE, ces derniers seraient en grande majorité satisfaits de ce changement.

 

b)   L’AFPA

  

Depuis la mise en oeuvre des contrats de progrès entre le ministère chargé de l’emploi et les organismes sous sa tutelle, l’AFPA et l’ANPE ont renforcé leur partenariat. Après un premier accord signé en 1990, deux nouveaux accords sont intervenus en 1996 puis le 7 avril 1999.

 

Au titre de l’accord de 1996, l’AFPA a été notamment chargée de collaborer aux actions de lutte contre l’exclusion et d’accueillir 10 000 stagiaires par an orientés vers elle par l’ANPE. En contrepartie, l’ANPE devait apporter son appui au placement des stagiaires de l’AFPA. Le bilan de cet accord ne fait toutefois apparaître qu’un faible taux de réalisation de ces objectifs (à peine 50 %). Ce résultat décevant a été imputé aux délais nécessaires aux services régionaux et locaux des deux organismes pour élaborer des plans d’action communs.

 

L’année 1998 a constitué une année de transition marquée par la mise en oeuvre du plan national d’accès à l’emploi. Les deux organismes considérés avaient reçu alors pour objectif de proposer aux demandeurs d’emploi des offres de services complémentaires, cohérentes et lisibles, d’améliorer l’accès à la formation de ceux d’entre eux ayant besoin d’une qualification et de développer la validation de leurs acquis professionnels. L’ANPE n’a pu produire de données sur la réalisation des objectifs quantitatifs qui lui avaient été alors fixés. Elle estime que les délais nécessaires à l’adaptation à cette fin de son système d’information sont incompatibles avec le rythme d’évolution des politiques de l’emploi. Le rapport d’évaluation du deuxième contrat de progrès, en s’appuyant sur des informations reçues de l’AFPA, souligne que l’objectif en nombre de demandeurs d’emploi accueillis a été dépassé, alors que celui relatif aux services débouchant sur leur orientation effective n’a pas été atteint.

 

Le nouvel accord qu’elles ont conclu le 7 avril 1999 a confirmé la complémentarité des deux institutions en qui concerne tant le "service intégré d’appui au projet professionnel" des demandeurs d’emploi que l’appui de l’ANPE aux stagiaires AFPA ou celui de l’AFPA à l’évaluation des compétences des demandeurs d’emploi. La conclusion entre les représentants des deux organismes des conventions régionales accompagnées des plans d’action nécessaires à leur mise en oeuvre a pris un retard que l’agence impute à l’ampleur du travail requis. Un premier bilan à fin septembre 1999 faisait apparaître que les demandeurs d’emploi adressés par l’ANPE représentaient 47,7 % des réservations de formation à l’AFPA. Les 5 000 prestations d’évaluation prévues en 1999 n’étaient réalisées par l’AFPA qu’à 80 %, avec de fortes disparités régionales. Au total, même si certains résultats paraissent encourageants, la complémentarité ANPE-AFPA tardait encore, au moment du contrôle, à être opérationnelle.

  

c)   Le partenariat

 

Depuis 1986, le code du travail autorise les communes à recevoir des offres d’emploi et à effectuer des opérations de placement en faveur de leurs « administrés à la recherche d’un emploi », après avoir passé, à cet effet, convention avec l’État et l’agence nationale pour l’emploi, comme les missions locales d’accueil des jeunes et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) [5] .

[5] Cf. ci-après 3 « Le réseau d’accueil, d’information et d’orientation des jeunes »..

 

Le deuxième contrat de progrès (1994-1998) a érigé le partenariat avec de telles structures en axe stratégique de la politique de l’agence. Trois niveaux de délégation peuvent être consentis aux partenaires en fonction de leurs capacités, depuis le simple accueil (niveau 1) jusqu’à l’ensemble des opérations qu’effectue en matière de placement une agence locale de l’emploi de l’ANPE (niveau 3).

 

Le système d’information reliant l’agence à ses cocontractants (STAP - système télématique ANPE-Partenaires) n’est cependant pas un outil fiable permettant de piloter cette politique et d’en mesurer l’impact en termes de placement.

 

Selon les informations recueillies au moment du contrôle, 1 728 conventions entre l’ANPE et les collectivités locales étaient enregistrées. Les communes apparaissent désormais comme un partenaire majeur de l’établissement. Si l’on ajoute les composantes du réseau d’accueil des jeunes, qui sont dans la plupart des cas une émanation des communes, l’influence de ces dernières porte sur plus de 60 % des délégations de niveau 2 et 90 % des délégations de niveau 3. La montée en puissance des structures intercommunales, élargissant d’autant le concept « d’administrés à la recherche d’un emploi », doit être notée.

 

La Cour a relevé le cas d’une importante commune urbaine affichant un volontarisme fort en matière de placement, ce qui a conduit en pratique à marginaliser le service public représenté par l’ANPE. Rien n’assure en effet qu’il y ait alors réellement communication à l’agence des offres d’emploi reçues par la structure communale et donc égalité d’accès à ces offres de tous les demandeurs d’emploi et non des seuls administrés de la collectivité. Un fort pouvoir de contrôle de l’agence sur l’activité de ses partenaires apparaît donc nécessaire. Or, la plupart des conventions de partenariat de l’ANPE comportent des lacunes : les accords passés avec les communes n’assignent, en général, aucun objectif de résultats, ce qui rend leur évaluation difficile ; les outils pour recueillir ces résultats ne sont pas vraiment opérationnels.

 

Les informations dont dispose l’agence sur les retombées en termes de placements de l’intervention des missions locales et PAIO sont partielles et le plus souvent inexploitables.

 

Le bilan d’ensemble de ces partenariats est donc difficile à établir. Néanmoins il est permis de constater sur le plan qualitatif qu’ils apportent un service de proximité et, normalement, un accueil plus personnalisé des demandeurs d’emploi.

  

2.  -   Les limites du fichier des demandeurs d’emploi

 

L’ANPE a la responsabilité de la tenue de la liste des demandeurs d’emploi. Un arrêté du 5 février 1992 a réparti ceux-ci en cinq catégories suivant la nature de leur demande et leur disponibilité.

 

Les trois premières catégories recouvrent les personnes sans emploi qui sont immédiatement disponibles et à la recherche d’un emploi à durée indéterminée à temps plein (catégorie 1), d’un emploi à durée indéterminée à temps partiel (catégorie 2) ou d’un emploi à durée déterminée temporaire ou saisonnier, y compris de très courte durée.

 

Deux autres catégories recouvrent les personnes sans emploi, non immédiatement disponibles (arrêt maladie de plus de 15 jours ou formation de plus de 40 heures), à la recherche d’un emploi (catégorie 4) et les personnes pourvues d’un emploi, à la recherche d’un autre emploi (catégorie 5, dans laquelle se trouvent principalement les bénéficiaires de contrats emploi solidarité).

 

Depuis le mois de juin 1995, les trois premières catégories ont été complétées par les catégories 6, 7 et 8, afin d’isoler parmi les demandeurs d’emploi relevant respectivement des catégories 1, 2 et 3, ceux ayant travaillé plus de 78 heures dans le mois. Le passage d’une catégorie à l’autre (1 à 6, 2 à 7 et 3 à 8) se fait automatiquement par basculement informatique dès lors que l’intéressé déclare avoir travaillé plus de 78 heures dans le mois.

 

L’attention de l’opinion publique se concentre habituellement sur le nombre des demandeurs d’emploi en fin de mois de la catégorie 1 qui n’est pourtant qu’un indicateur parmi d’autres de la demande d’emploi.

 

Le dispositif informatique GIDE 1 bis, géré par l’UNEDIC, constitue la base du fichier des demandeurs d’emploi.

 

Il donne aux ASSEDIC la possibilité d’indemniser les chômeurs et aux agences locales de l’ANPE celle d’exercer leur rôle de placier.

 

Une enquête faite par l’Inspection générale des affaires sociales en 1999 sur l’opération de transfert de l’inscription des demandeurs d’emploi a toutefois mis en lumière des dysfonctionnements qui affectent la gestion de la liste des demandeurs d’emploi et réduisent son caractère opérationnel. Suivant ces constatations, les ASSEDIC ont tendance à inscrire les nouveaux demandeurs d’emploi en catégorie 1 pour préserver leurs droits à indemnisation. Elles préfèrent, de même, actualiser le fichier en fin de mois sur la base des déclarations de situation mensuelle et non de l’avis de changement de situation qui permettrait une actualisation instantanée du fichier. En conséquence, un grand nombre de demandeurs d’emploi figurent de manière inexacte en catégorie 1 alors qu’ils ont travaillé plus de 78 heures durant le mois considéré. L’ANPE n’est donc pas informée en temps réel de la disponibilité réelle des demandeurs d’emploi.

 

De plus, en cas de reprise d’activité d’un demandeur d’emploi, l’incertitude est complète quant aux conditions et au délai dans lesquels son retrait de la liste peut et doit intervenir. Cette imprécision autorise le maintien indéfini sur celle-ci de personnes exerçant en vérité une activité professionnelle régulière, dans un cadre autre que celui d’un contrat à durée indéterminée et à temps plein.

 

La définition du concept de « demandeur d’emploi » se révèle de plus en plus extensive avec l’assouplissement croissant des conditions de cumul entre allocations sociales et revenus d’activité et une meilleure connaissance par les intéressés des avantages induits par leur inscription sur la liste des demandeurs d’emploi (notamment les aides des communes).

 

Une telle pratique conduit dès lors à un gonflement du fichier GIDE 1 bis qui se transforme progressivement en fichier d’actifs, ce qui complique le rapprochement entre offres et demandes d’emploi. La convocation systématique depuis 1998 des demandeurs d’emploi dans le cadre du plan national d’action pour l’emploi a permis une actualisation de la catégorie 1. Elle s’est traduite par une hausse sensible tant des basculements en catégorie 6 que des radiations. Ces dernières ont ainsi triplé depuis 1993 pour atteindre 185 091 en 1999, dont 161 845 pour non-réponse à convocation, contribuant à due proportion à l’amélioration de l’indicateur le plus médiatisé de la situation de la demande d’emploi.

 

Comme le fichier n’est mis à jour qu’avec retard, pour réunir un nombre suffisant de candidats, les agences locales de l’ANPE n’hésitent généralement pas à convoquer deux fois plus de demandeurs d’emploi qu’il y a de postes à pourvoir pour une mise en relation sur une offre d’emploi ou le recours à une prestation. La fiabilité très réduite de la catégorie 1 du fichier GIDE 1 bis conduit ainsi à convoquer à tort certains demandeurs d’emploi, ce qui ne contribue pas à crédibiliser l’agence auprès des intéressés enclins, à juste titre, à penser que l’établissement connaît mal leur situation.

 

Au surplus, les règles de gestion de la liste des demandeurs d’emploi entraînent une inégalité de traitement entre les demandeurs de la catégorie 6 (censés être immédiatement disponibles alors qu’ils travaillent) et ceux de la catégorie 4 (en formation) au regard du critère de la durée du chômage autorisant, notamment, l’accès au bénéfice des mesures et des prestations du programme « nouveau départ ». Pour les premiers, la durée de chômage continue à courir, bien qu’ils travaillent, alors que, pour les seconds, l’entrée dans une formation de plus de 40 heures annule la prise en compte du chômage antérieur. Des demandeurs d’emploi peuvent être de ce fait dissuadés d’accepter une formation.

 

  B.  -   La stratégie du placement

  

Pour améliorer son efficacité, l’ANPE a engagé, au cours de la période contrôlée, un effort important de modernisation des prestations qu’elle propose tant aux entreprises qu’aux demandeurs d’emploi. Les résultats obtenus apparaissent contrastés.

  

1.  -   Les services proposés aux entreprises

 

a)   Des services modernisés

  

L’ANPE a rénové en profondeur les services proposés aux entreprises.

 

Elle souhaite désormais définir avec l’entreprise lors du dépôt d’une offre d’emploi le niveau de service qu’elle peut utilement lui apporter. Une procédure spécifique de sélection des candidats peut, par exemple, être proposée.

 

Les concours apportés par l’ANPE aux ont deux objets - l’aide au recrutement et la mise en oeuvre des mesures pour l’emploi - et quatre niveaux de sophistication, du niveau A, le plus simple et le plus rapide, jusqu’aux niveaux C et D qui impliquent pour l’agence une charge de travail plus importante.

 

   Aide au recrutement Mise en oeuvre des mesures

-         Niveau de service A Faire connaître l’offre avec les coordonnées de l’entreprise pour que les candidats la contactent directement

-         Informer sur les mesures pour l’emploi

-         Niveau de service B Faire connaître l’offre sans les coordonnées de l’entreprise avec tri des candidats sur quelques critères

-         Informer et conseiller sur les mesures pour l’emploi

-         Niveau de service C Sélectionner, par un agent ANPE identifié, des candidats sur des critères définis en commun avec l’entreprise Informer,

-         conseiller et mettre en oeuvre pour le compte de l’entreprise

-         Niveau de service D Sélectionner, par un interlocuteur unique, des candidats dont le profil professionnel est validé

-         conseiller et mettre en oeuvre pour le compte de l’entreprise

 

 En 1999, 23 % des entreprises clientes ont opté pour le niveau A et 15 % pour les niveaux C et D dont les caractéristiques sont très proches.

 

Un dispositif d’« équipes professionnelles » a été mis en place au sein de l’ANPE à la fin du premier contrat de progrès pour améliorer le niveau de professionnalisation des agents par une meilleure connaissance des entreprises, et donc le service qui leur est rendu. Chaque équipe, dotée d’un animateur, est généralement spécialisée dans un secteur d’activité économique défini. Dans les bassins d’emploi importants, les secteurs économiques sont répartis entre équipes professionnelles relevant d’agences locales différentes.

 

A la spécialisation des agents qui caractérisait auparavant l’établissement avec des prospecteurs-placiers et des conseillers formation, a ainsi été substituée leur polyvalence, les agents étant successivement affectés à différents postes de travail allant des services aux entreprises (« zones techniques ») aux rendez-vous avec les demandeurs d’emploi (immédiats ou programmés). Cette polyvalence paraît avoir été perçue par les agents comme un facteur d’enrichissement de leur pratique professionnelle par une meilleure connaissance à la fois des caractéristiques des demandeurs d’emploi et du monde de l’entreprise.

 

Elle prend tout son sens dans la nouvelle politique dite de « l’interlocuteur identifié » dont le but est de permettre aux entreprises qui le souhaitent et aux demandeurs d’emploi les moins autonomes d’être suivis par un même conseiller.

 

La démarche des agences locales de l’ANPE à l’égard des entreprises reste empirique dès lors qu’il s’agit de savoir vers quel secteur ou vers quels types d’entreprises il convient d’orienter les efforts. L’ANPE vient de définir une « démarche marketing auprès des employeurs » pour mieux connaître les entreprises locales et en assurer un meilleur suivi quantitatif et qualitatif. Pour ses interventions au profit des entreprises comme pour d’autres domaines de son activité, l’agence pourrait opportunément se doter d’outils lui permettant de mieux mesurer l’efficacité de son action.

 

Enfin, une politique dite des « grands comptes », fondée sur le constat de la faible part de marché de l’agence pour ce qui est des offres déposées par les entreprises de plus de 50 salariés, a été développée depuis 1994. Ces entreprises ne représentaient alors que 14,3 % des offres totales d’emploi déposées contre 59,5 % pour les entreprises de moins de 10 salariés et 26,3 % pour les entreprises de 10 à 49 salariés.

 

De 1992 à 1998, 45 accords nationaux ont ainsi été signés avec de grandes entreprises, en particulier du secteur des services. Le système d’information de l’agence ne permet pas de connaître de manière précise au niveau national les offres d’emploi et l’activité liées à cette politique. Le suivi des accords eux-mêmes, tel qu’il pouvait être observé au moment de l’enquête, méritait d’être amélioré : au moment de l’enquête, 12 accords sur 39 étaient à renouveler, tandis que 9 autres étaient caducs.

 

b)   Des résultats contrastés

  

La part de marché de l’ANPE est définie comme le rapport entre le nombre d’offres enregistrées par l’établissement et le volume des embauches réalisées sur le marché du travail au cours de la même période de référence. Le champ retenu exclut les offres du secteur de l’agriculture, des services non marchands, de l’intérim, celles dont l’activité économique n’est pas précisée, les DOM et les offres relatives à des contrats de moins de huit jours ou de moins de neuf heures par semaine. Les données relatives au volume des embauches, qui sont recueillies par la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère chargé de l’emploi, proviennent de sources statistiques qui ne sont ni cohérentes entre elles, ni disponibles dans des délais satisfaisants et ont une précision variable selon la taille des entreprises. La fiabilité de l’indicateur de "la part de marché" de l’ANPE ne doit donc pas être surestimée.

 

Sous réserve de ces incertitudes, on peut constater que l’objectif de 40 % de part de marché assigné à l’agence par le deuxième contrat de progrès a été presque atteint en 1996 avec 39,7 %, alors que la part de marché de l’ANPE n’était que de 24,8 % en 1993. Depuis 1996, elle a diminué toutefois pour s’établir à 37,1 % en 1997 et 36,3 % en 1998. La croissance du volume des offres d’emploi recueillies par l’ANPE n’a donc pas été proportionnelle à celle des embauches constatées sur le marché du travail au cours de la dernière période.

 

L’objectif fixé à l’agence en nombre d’offres recueillies a, lui, été largement dépassé. Celui-ci s’est élevé de 1,2 million d’offres en 1993 à plus de 3 millions en 1999. Près de 30 % des offres étaient toutefois relatives alors à des emplois à temps partiel, contre 7,4 % seulement en 1994. L’attention particulière portée à l’indicateur de leur nombre peut nuire à la qualité des offres recueillies. Elle peut alimenter ainsi la critique adressée à l’agence en ce qui concerne la réinscription d’offres non satisfaites en fin de mois dans le total enregistré le mois suivant, le gonflement des offres provenant de l’intérim ou la prise en compte dans ses statistiques des petites annonces. L’amélioration globale du marché du travail et la difficulté à satisfaire certaines offres peuvent, il est vrai, conduire les employeurs à ne lui signaler que les offres d’emploi difficiles à pourvoir car peu attirantes. Le concept d’offres d’emploi gagnerait donc à être précisé dans les indicateurs de l’efficacité de l’ANPE.

 

Si les diverses formes de contact avec les entreprises ont augmenté de 23 % entre 1994 et 1999, on relève une baisse de 39 % du nombre des visites proprement dites aux entreprises durant la même période, imputable vraisemblablement au recentrage de l’action de l’agence sur les publics les plus en difficulté et la lutte contre l’exclusion dans un contexte de reprise du marché du travail.

 

Le taux de satisfaction des offres d’emploi est suivi à travers deux indicateurs : le taux général de satisfaction des offres qui rapproche le volume des offres satisfaites de celui des offres sorties (c’est-à-dire satisfaites ou retirées par l’entreprise) et le taux de satisfaction des offres par mise en relation positive (MER+) qui ne rapporte que le volume des offres pour lesquelles le rapprochement avec les demandes d’emploi requiert l’intervention spécifique d’un agent de l’ANPE, au volume des offres sorties.

 

 

 

(en milliers)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Offres sorties

1 632

2 046

2 309

2 533

2 764

2 993

Offres satisfaites

1 410

1 780

2 041

2 242

2 427

2 638

Offres satisfaites MER+

1 039

1 308

1 493

1 563

1 610

1 710

Taux de satisfaction des offres

86,4 %

87,0 %

88,4 %

88,5 %

87,8 %

88,1 %

Taux de satisfaction des offres par MER+

63,7 %

63,9 %

64,7 %

61,7 %

58,2 %

57,1 %

 

Entre 1994 et 1999, le nombre des offres "sorties" augmente de 83,4 %, celui des offres "satisfaites" de 87,1 % et celui des offres "satisfaites par mise en relation positive" de 64,6 %. Depuis 1996, dans un contexte caractérisé par une nette amélioration de la conjoncture économique, le taux de satisfaction des offres reste stable autour de 88 % tandis que le taux de satisfaction par mise en relation positive décroît d’une manière significative, de 64,7 % à 57,1 % en 1999.

 

Ces résultats globaux ne doivent pas masquer la grande diversité qui peut être relevée selon les régions métropolitaines. Le contexte économique détermine assurément la marge de manoeuvre d’une politique dynamique de recherche des offres d’emploi. Certaines directions régionales (Auvergne, Languedoc-Roussillon ou Franche-Comté) ont rencontré des difficultés à gérer à la fois l’augmentation des offres recueillies et la capacité de l’agence à les satisfaire comme celles d’autres régions (Basse-Normandie, Haute-Normandie et Limousin) ont mieux maîtrisé à la fois l’augmentation des offres recueillies et des offres satisfaites par des mises en relation positives.

 

Les délais de satisfaction des offres d’emploi sont suivis par des indicateurs affectant à trois types distincts d’offres des délais de référence fixés en fonction de la plus ou moins grande difficulté à les satisfaire. Sont ainsi suivis les pourcentages des offres non qualifiées satisfaites en moins de 15 jours, des offres qualifiées satisfaites en moins d’un mois et les offres cadres et techniciens/agents de maîtrise satisfaites en moins de trois mois.

 

Les délais de satisfaction augmentent de façon continue durant la période examinée avec une aggravation sensible en 1997, et à nouveau en 1998. La part des offres qualifiées et non qualifiées satisfaites dans les délais de référence diminue de l’ordre de 10 points entre 1994 et 1999, et celle des offres cadres et techniciens de plus de 6 points.

 

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Offres non qualifiées

59,2%

59%

58,2%

53%

48,9%

49,4%

Offres qualifiées

72,9%

72,2%

70,8%

67,4%

62,3%

60,8%

Offres cadres/TAM

84,2%

83%

81,7%

80,8%

77,9%

77,6%

 

Ces indicateurs paraissent très sensibles au contexte et leur pertinence est relative. La reprise de la croissance n’a pu qu’entraîner des tensions sur le marché du travail. Les entreprises font jouer en parallèle plusieurs modes de recrutement et l’agence doit, en outre, faire face à la gestion de l’augmentation des offres qu’elle a recherchée.

 

On peut ainsi expliquer le plafonnement, voire la légère baisse des indices de satisfaction dans les enquêtes d’opinion qu’a fait faire l’agence durant la même période. Ainsi, les entreprises utilisatrices se sont déclarées satisfaites, en 1998, à 81,5 % (43,2 % tout à fait satisfaites) de la vitesse de traitement de leur demande par l’ANPE, en baisse de 2,5 points toutefois par rapport à 1995. Parmi celles qui ont reçu des candidats, 83 % se sont déclarées satisfaites des délais dans lesquels ils leur ont été adressés par l’agence, résultat en baisse de 4 points par rapport à celui observé les années précédentes.

 

Quant aux jugements portés par les employeurs en ce qui concerne le moyen de recrutement le plus efficace, l’ANPE voit son rang décliner régulièrement depuis 1995 ; au premier rang en 1995 avec 22,9 % des entreprises la déclarant comme le moyen le plus efficace, elle tombe en 1999 au troisième rang avec 17,7 %, derrière les petites annonces, la presse, le Minitel (21,3 %) et les réseaux de connaissance (20,3 %) ; toutefois, 18,8 % des entreprises interrogées estiment que tous les moyens se valent.

 

Si la fiabilité de telles enquêtes d’opinion ne doit pas être surestimée, ces résultats n’en dégagent pas moins une tendance qui mérite de retenir l’attention.

 

Ces divers constats posent le problème de la capacité de l’ANPE à assurer simultanément un traitement personnalisé de l’offre et de la demande d’emploi, tout en étant confrontée à une gestion de masse.

 

  2.  -   L’appui aux demandeurs d’emploi

 

a)   La modernisation des outils

 

L’agence a également modernisé les services qu’elle propose aux demandeurs d’emploi, désormais considérés comme des « clients ». Partant du constat qu’elle ne peut se substituer aux individus dans leur recherche d’emploi, elle s’efforce de contribuer à leur autonomie en leur apportant les moyens techniques de prospecter par eux-mêmes le marché du travail. Elle leur offre à cette fin des prestations adaptées, ce qui lui permet par ailleurs de focaliser son attention sur les personnes ayant les plus grandes difficultés à trouver un emploi.

 

A cette fin, les agences locales sont structurées en zones facilement identifiables dédiées à l’accueil, à l’affichage des offres d’emploi, à la documentation et aux entretiens, et le premier accueil est organisé d’une manière qui se veut encourageante et positive. Les offres d’emploi, premier service attendu de l’agence, sont affichées selon une sélection basée sur les caractéristiques dominantes de la population locale des demandeurs d’emploi. Cet affichage est régulièrement tenu à jour.

 

Les outils télématiques comme le Minitel sont généralisés au sein de l’agence et permettent à un demandeur d’emploi de déposer sa candidature à distance. En revanche, son site Internet reste encore à développer. Il ne permet encore que d’accéder aux offres d’emploi, mais non de déposer des CV, contrairement à des sites privés existant sur le marché. Il serait opportun de combler rapidement ce retard.

 

  b)   Les difficultés rémanentes

 

Depuis le transfert de l’inscription des demandeurs d’emploi aux ASSEDIC, un premier entretien professionnel avec l’ANPE est systématiquement prévu sur la base d’un document appelé « Cap sur l’emploi » qui leur est remis lors de leur inscription à l’ASSEDIC. Ce document vise à les aider à préparer cet entretien et à les inciter à organiser leur recherche d’emploi avec méthode. Il n’en demeure pas moins que le nombre d’entretiens a diminué pendant la période sous revue tombant de 13,7 millions en 1994 à 12,5 millions en 1998. Cette baisse qui peut, certes, trouver sa source dans la diminution du flux des inscriptions paraît surprenante. En tout état de cause, la qualité du premier entretien reste encore à améliorer même si sa durée moyenne s’est, semble-t-il allongée. Il ressort, en effet, de la dernière enquête d’opinion effectuée pour le compte de l’ANPE à ce sujet en 1998 que 29 % des demandeurs d’emploi déclarent n’avoir jamais eu d’entretien, tandis que 68 % des personnes interrogées ne perçoivent encore le premier entretien que comme un simple enregistrement administratif.

 

En 1998, l’ANPE a consacré près de 400 MF à la modernisation des prestations de services proposées aux demandeurs d’emploi. L’objectif quantitatif visant à augmenter la part des demandeurs d’emploi bénéficiaires d’une prestation a été atteint. Calculée sur la catégorie 1 en fin d’année elle est en effet passée de 10,5 % en 1996 à 16,1 % en 1998. Cependant, les principaux bénéficiaires n’étaient pas les demandeurs les plus éloignés de l’emploi. Durant la période récente, la priorité a été donnée aux chômeurs de plus de deux ans qui ont bénéficié de 23 % des actions d’accompagnement en 1999, marquant ainsi une évolution positive pour les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail.

 

L’agence ne dispose pas d’indicateurs permettant d’évaluer l’efficacité des prestations de services dont elle fait bénéficier les demandeurs d’emploi à l’exception de celles apportées dans le cadre des « clubs de chercheurs d’emploi » et des « cercles de recherche d’emploi ».

 

Les enquêtes de satisfaction réalisées pour son compte montrent enfin que l’agence ne répond pas aux attentes des usagers en matière de prestations d’orientation et d’aides à la mobilité. Sur ce dernier point, elle n’a pas pu apporter à la Cour d’informations sur la mobilité géographique des demandeurs d’emploi compte tenu des insuffisances de son système d’information (*). Ces enquêtes montrent, en tout état de cause, que l’existence de telles prestations est peu connue des demandeurs d’emploi.

(*) logique le flux migratoire des demandeurs d’emploi permet localement d’en diminuer le nombre.

Pour l’ANPE, pour « politicien locaux » c’est une diminution du nombre de chômeurs, il suffit de voir la désertification rurale des personnes en âge de travailler 

 

La part des prestations d’orientation sous-traitées à des organismes externes n’a cessé de croître. Pour 1999, les taux  de  sous-traitance étaient de 95 % pour les prestations d’accompagnement (définition d’un projet professionnel, organisation des démarches à entreprendre), de 100 % pour les prestations d’évaluation (évaluation des compétences et capacités professionnelles, évaluation en milieu de travail), de 62 % pour les ateliers et de 88 % pour les prestations d’appui ponctuel. Le contrôle des prestataires mériterait d’ailleurs d’être organisé au plan national pour uniformiser les procédures et les sanctions à mettre en oeuvre en ce qui les concerne. Il conviendrait aussi de permettre aux échelons régionaux et central de l’agence d’avoir des résultats globaux sur les effets de ces prestations.

 

Les dispositifs de formation gérés par l’agence pour le compte de l’État - stages d’insertion et de formation à l’emploi (SIFE) individuels et stages d’accès à l’emploi (SAE) ne font pas davantage l’objet de suivi. L’ANPE ne dispose pas dès lors d’indicateurs lui donnant la possibilité d’évaluer l’impact de ces formations sur le devenir des bénéficiaires. De surcroît l’agence, alors même qu’elle dispose d’une connaissance approfondie des formations et qualifications recherchées par les employeurs lors du dépôt des offres d’emploi, n’est pas en mesure d’influer sur les choix opérés par les décideurs de la commande publique de formation professionnelle (Education nationale, conseils régionaux, services déconcentrés du travail). Son rapprochement avec eux ne résulte, en effet, que d’initiatives prises au plan local.

  

c) Le cas spécifique des publics prioritaires

  

La définition des publics prioritaires au niveau national a été modifiée à plusieurs reprises, au cours des sept dernières années, ce qui n’est guère compatible avec une action qui, parce qu’elle s’adresse aux personnes les plus menacées d’exclusion, doit s’inscrire nécessairement dans la durée.

 

La part des travailleurs handicapés, cible prioritaire du premier contrat de progrès, a évolué favorablement dans les entretiens, les prestations et les entrées en formation marquant un réel effort de l’agence dans ce domaine.

 

Pour ce qui concerne les « jeunes demandeurs d’emploi », public cible du deuxième contrat de progrès, l’indicateur retenu pour évaluer l’action de l’agence - le nombre de jeunes ayant pu avoir un entretien dans les six mois suivant leur inscription - n’a pas pu être renseigné. L’agence avait donc proposé de retenir un indicateur dans ce contrat de progrès sans en avoir testé préalablement la disponibilité.

 

L’objectif de diminution du nombre de jeunes chômeurs de longue durée a été atteint en 1998, mais celui d’une baisse d’un quart du nombre des jeunes chômeurs de longue durée en 1999 ne l’a pas été totalement : avec 85 844 personnes, la baisse observée est de seulement 19 %.

 

S’agissant des bénéficiaires du RMI, définis comme prioritaires dans le second contrat de progrès, il n’a pas été possible de juger des résultats obtenus par l’agence. L’échange mensuel d’informations mis en place entre les CAF et les centres de traitement des ASSEDIC qui renseignent le fichier GIDE 1 bis a en effet conduit à effacer les données saisies par les agences locales de l’ANPE. Cette anomalie serait, selon l’agence, aujourd’hui corrigée.

 

L’augmentation continue du nombre des chômeurs de longue durée (12 % des demandeurs d’emploi en 1974, 30 % en 1991 et 38 % en 1998) a été prise en compte dans les options du premier et du second contrat de progrès, mais aussi dans trois grands dispositifs d’accompagnement personnalisé décidés par les pouvoirs publics au cours de la période sous revue ; deux d’entre eux étaient ponctuels, tandis que le troisième s’inscrit dans la durée.

 

L’opération « 900 000 chômeurs de longue durée » de 1992 visait à proposer, sur cinq mois, à ces demandeurs d’emploi soit un emploi, soit une formation adéquate, soit une activité d’intérêt général. Les objectifs fixés à l’agence en nombre de chômeurs de cette catégorie reçus ont été dépassés. Cependant, faute d’indicateurs de suivi, l’impact réel de ces entretiens n’a pu être mesuré. En tout état de cause, on doit constater que le nombre des chômeurs en cause a été stabilisé entre 1991 et 1992.

 

Avec l’opération « 120 000 jeunes chômeurs de longue durée » de 1997, l’agence a été chargée de la maîtrise d’oeuvre d’une campagne spécifique visant à faire une proposition effective d’insertion à tout jeune chômeur de longue durée de moins de 25 ans et à en assurer un suivi mensuel pouvant aller jusqu’à trois mois sur la base d’un dossier personnalisé. Avec près de 200 000 jeunes reçus, les objectifs ont été dépassés et le nombre de jeunes chômeurs de longue durée a alors baissé de 9 %. Une étude réalisée sur une cohorte de 97 437 jeunes montre que 34 % d’entre eux se sont vu proposer une solution d’insertion dans le délai de trois mois, mais 22 % seulement un emploi dans le secteur marchand.

 

Cette opération n’a donc pas nécessairement permis le retour à l’emploi des intéressés qui en sont toutefois ressortis satisfaits d’avoir été écoutés et parfois soutenus dans leur recherche d’un emploi. Leur convocation systématique a conduit, en tout état de cause, à un apurement important de la liste des demandeurs d’emploi en raison essentiellement d’une absence de réponse des intéressés (21 % dont 11 % de radiations dans la dernière opération). Les emplois offerts aux jeunes demandeurs d’emploi étaient généralement très précaires (temps partiel et contrats à durée déterminée). De ce fait, ils restaient très fréquemment inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi. L’ANPE a pu, en tout état de cause, démontrer alors l’aptitude de son réseau à se mobiliser pour mener à bien de telles opérations ponctuelles, tout en poursuivant les objectifs du contrat de progrès.

 

Le plan national d’action pour l’emploi (PNAE) est la mise en oeuvre en France des lignes directrices de la politique pour l’emploi adoptée lors du Conseil européen de Luxembourg du 21 novembre 1997. Il comporte un volet « nouveau départ » pour les jeunes chômeurs ou les chômeurs de longue durée appelé à se dérouler durant cinq ans. Il est repris dans le contrat de progrès 1999-2003.

 

L’objectif visant à résorber le chômage de longue durée et notamment à diminuer d’un point par an la part des demandeurs d’emploi de plus de deux ans dans le total des demandeurs d’emploi n’a pas été atteint au cours de la période examinée ; celle-ci est en effet passée de 13 % en 1993 à 18 % en 1998. Cette évolution s’explique à la fois par la diminution du nombre des demandeurs d’emploi en catégorie 1 et par l’allongement de la durée du chômage de ceux qui ont dû s’inscrire antérieurement comme demandeurs d’emploi. La part de chômeurs de très longue durée (plus de deux ans) dans l’ensemble des demandeurs d’emploi commence à s’infléchir, en 1999, pour représenter alors 17,6 %.

 

S’il paraît difficile de distinguer ce qui, dans cette évolution revient à l’action de l’agence, il semble cependant que l’amélioration de la conjoncture économique est le facteur prépondérant dans la mesure où la part des chômeurs de longue durée (un an et plus) dans les bénéficiaires d’une action spécifique d’aide à la réinsertion, après avoir enregistré une augmentation en 1995 (60,6 %) n’a cessé de diminuer pour atteindre 37,2 % en 1998. Le taux de sortie des chômeurs de longue durée est certes passé de 43,1 % en 1994 à 49,7 % en 1998. Cette progression ne peut cependant être attribuée aux sorties pour reprise d’emploi qui passent sur la même période de 16,2 % à 15,3 % ou aux entrées en formation dont la part évolue de 5,2 % à 4,3 %. A ce jour, les outils statistiques de l’agence ne permettent malheureusement pas de préciser les facteurs (radiations, absences au contrôle, autres cas) qui ont permis d’améliorer le taux de sortie de cette catégorie de chômeurs.

 

Il apparaît au total que les instruments permettant d’apprécier objectivement l’impact des interventions de l’agence sont souvent défaillants.

 

Le sensible reflux du chômage depuis 1998, que favorise une nette amélioration de la conjoncture économique, modifie sensiblement l’environnement dans lequel l’ANPE inscrit désormais son action.

 

Ce constat, rapproché des observations exposées ci-dessus, conduit à s’interroger sur la vocation de cet important établissement public et sur la nature des relations qu’il doit désormais entretenir avec les autres composantes du service public de l’emploi pour parvenir au meilleur usage des deniers publics mis à sa disposition.

  

Dernière mise à jour : 02-03-2001

 

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