4.- Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la Solidarité
(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 17 juin 1999)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
A l'invitation du Président, Mme Martine Aubry est introduite. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses. Il donne ensuite la parole, pour une première question, à M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan.
M. Augustin Bonrepaux, Président.- Je suis heureux d'accueillir en votre nom la ministre de l'emploi et de la solidarité qui a répondu à notre invitation.
Madame la ministre, les réunions de la Mission d'évaluation et de contrôle deviennent habituelles tous les jeudis matin ; depuis le début de l'année, nous sommes orientés vers un certain nombre de problèmes comme celui des autoroutes, de la police et, particulièrement les aides à l'emploi sur lesquelles Gérard Bapt, rapporteur spécial, effectue un travail depuis plus d'un an, car c'est au mois de mars de l'année dernière que nous avions demandé à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques de réaliser une étude pour déterminer si les aides à l'emploi étaient efficaces et si les crédits de l'État étaient bien utilisés.
Concernant ce travail de suivi et ces problèmes, nous sommes aidés par les conseils de la Cour des comptes qui travaillent sur toutes ces questions et je remercie encore le Premier Président et les membres de la Cour des comptes qui sont présents aujourd'hui de nous avoir aidés, ainsi que du travail que nous allons pouvoir entreprendre au cours de l'année prochaine compte tenu que cette mission d'évaluation et de contrôle n'en est qu`à ses débuts et que nous espérons qu'elle se traduira progressivement par une gestion beaucoup plus rigoureuse des crédits et, surtout, une plus grande efficacité dans tout ce qui est entrepris.
Pour que cette audition soit également la plus efficace possible, nous avons l'habitude de procéder par questions. Je demanderai au rapporteur spécial de commencer, avec des questions simples et concises, et nous souhaitons que les réponses soient de même.
Ensuite les membres de la mission auront à poser des questions de façon que nous puissions étudier l'ensemble de tout ce qui est en vigueur actuellement, notre mission ayant pour objectif d'évaluer l'efficacité des politiques en cours.
Dans la période actuelle et au moment où des débats sont en cours pour envisager une évolution ou une modification de ces aides, certaines questions toucheront à l'actualité avec, par exemple, l'efficacité de la baisse des cotisations patronales, mais l'essentiel doit être une évaluation précise de ce qui a été fait jusqu'à présent.
M. Gérard Bapt.- Madame la ministre, dans ce que vient de dire Monsieur le Président Bonrepaux, j'ai proposé à mes collègues de la mission d'évaluation et de contrôle de procéder en trois étapes en essayant de regrouper les questions dans l'esprit qui anime ce contrôle de crédits existants, l'efficacité des mesures budgétaires concernant tout d'abord les aides ciblées, ensuite les aides générales et, dans un troisième groupe, le problème d'actualité de réforme du dispositif d'allégement des cotisations patronales et les problèmes que cela peut susciter dans d'actualité.
D'une manière générale et ayant travaillé avec les magistrats de la Cour des Comptes, nous souhaiterons avoir - si ce n'est aujourd'hui tout au moins dans un terme proche puisqu'il s'agit de la présentation des documents budgétaires - des précisions concernant la façon dont le budget peut être modifié dans sa présentation, notamment par rapport à la réforme du prélèvement social dans l'entreprise, la seconde dimension étant celle des problèmes de coordination et de lisibilité concernant des mesures fongibles qui sont, non seulement les contrats aidés dans le secteur non marchand, mais aussi le CIE.
Il serait intéressant, pour juger de l'efficacité de ces mesures, que par sondage sur tel ou tel bassin d'emplois, nous puissions évaluer à la sortie de ces contrats aidés ou à un ou deux ans de distance, le devenir des salariés en cause, afin de juger de la meilleure efficacité de ces différents types de contrats aidés concernant le chômage de longue durée ou les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Concernant le groupe des aides ciblées, les travaux de la mission ont conduit à penser que le critère d'appréciation de l'efficacité doit être un impact sur la modification de l'ordre dans la file d'attente des chômeurs, en particulier en renforçant la plus grande employabilité de ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail car l'efficacité économique en matière de création pure d'emplois, nous le savons, est minoritaire dans cet engagement budgétaire.
La mesure, concernant le secteur marchand, est celle du Contrat Initiative Emploi. Ce contrat a été recentré concernant les publics concernés, amenant à un redéploiement de crédits. 6 milliards de francs ont été inscrits en 1999 dans la loi de finance initiale après 13 milliards de francs dans la loi de finance de 1998.
Cette mesure doit s'évaluer en fonction de l'état actuel de la structure du chômage et si les résultats sur les chiffres globaux de chômage sont positifs mois après mois, nous sommes alertés par la stagnation ou l'évolution négative des chômeurs de très longue durée d'une part, et de plus de 50 ans d'autre part.
N'y aurait-il pas matière à améliorer le dispositif du contrat Initiative Emploi pour le rendre plus efficace sur ces publics ciblés et, en particulier, Madame la Ministre, concernant la façon dont les versements ont lieu de manière à inciter le mieux possible le chef d'entreprise à utiliser ces contrats pour des publics en difficulté ? Nous avons noté que le premier versement n'est effectué que quatre mois après la conclusion du contrat, n'est que de 6.000 F et ne correspond pas aux 2.000 F par mois sur les quatre mois auxquels l'employeur pourrait prétendre.
Ne faut-il pas majorer l'aide directe qui, après reciblage, restait à 2.000 F par mois pour les personnes les plus éloignées de l'emploi avec notamment plus de trois 3 ans de chômage ou bien plus d'un an ou de deux ans concernant les R.Mistes ou les personnes handicapées ?
Mme Martine Aubry.- Merci, Monsieur le Président. Avant de répondre précisément à la première question, je voudrais redire la stratégie que nous nous sommes fixée depuis deux ans en matière d'emploi qui permet sans doute d'expliquer un certain nombre de recentrages auxquels a donné lieu le budget de l'emploi et ce, d'autant plus que je voudrais répéter que, malgré le financement de programmes nouveaux comme les emplois jeunes, la RTT et la loi sur les exclusions, le budget de l'emploi a augmenté en deux ans de 12,3 milliards de francs, les mesures nouvelles dont je viens de parler ont eu un coût de l'ordre de 26 milliards de francs, ce qui signifie que nous avons pu « avaler » les évolutions spontanées du budget, plus une grande partie des mesures nouvelles par une réaffectation du budget du ministère de l'Emploi.
En effet, ces 12,3 milliards de francs sur deux ans équivalent à 8,2 % d'augmentation du budget, soit le PIB en valeur sur la même période. Si une priorité a été donnée au budget de l'emploi qui a augmenté plus que les autres budgets, il a néanmoins augmenté comme le PIB en valeur par des réaffectations de crédits, ce qui correspond à la logique du travail de votre Commission.
Je rappelle que nous avons établi trois constats pour redéfinir ces objectifs prioritaires dans le budget de l'emploi : la croissance était nécessaire, mais pas suffisante pour faire reculer le chômage. Pour une croissante plus forte - ce n'est pas une incantation - nous nous sommes donné les moyens. Je ne rappelle pas l'augmentation des allocations, des minima, le basculement des cotisations sociales sur la CSG ; nous sommes à 0,5 point de croissance au-dessus des autres pays européens alors que nous étions à 0,5 point au-dessous les quatre années précédentes.
Cette stratégie porte ses fruits en termes de croissance. Mais nous l'avons souhaitée plus riche en emplois et, je le dis parce que cela explique les nouveaux programmes et les nouveaux emplois ; nous sommes aujourd'hui à environ 200.000 emplois jeunes créés, la RTT : 1.500.000 salariés à 35 heures depuis la loi et 71.000 emplois créés ou préservés, et la réforme des prélèvements fiscaux sociaux dont nous parlerons à la rentrée.
Nous avons également souhaité que cette croissance bénéficie à tous d'où cet objectif, alors que la FRANCE a créé 620.000 emplois depuis deux ans de ne pas oublier ceux qui sont sur le bord de la route et, notamment, les chômeurs de longue durée, et si la bonne utilisation des crédits de l'État est une règle qui doit être générale et permanente, la « priorisation » des crédits de l'État dans une période de croissance doit être encore plus nette, car nous devons nous attacher à aider ceux qui, spontanément, ne rentreraient pas sur le marché du travail et c'est bien la logique que nous avons suivie depuis deux ans, en révisant de manière progressive, mais profonde, les aides à l'emploi dans le sens que vous venez de signaler, Monsieur le rapporteur spécial.
Tout d'abord, en limitant les effets d'aubaine et les effets pervers. C'est ainsi que nous avons supprimé l'exonération Madelin pour les salariés entrepreneurs individuels, ainsi que l'abattement temps partiel annualisé en l'absence d'accord d'entreprise, que l'exonération premier salarié a été plafonnée au SMIC, que les primes à l'embauche et de qualification ont été réservées à ceux qui n'ont pas un diplôme équivalent au bac, que le crédit d'impôt emplois familiaux a été réduit de moitié et que la ristourne Juppé a été proratisée.
Dans tous les cas, nous n'avons effectué aucune réduction des volumes à la date d'entrée en vigueur. Nous constatons une hausse mais, avec, encore une fois, une révision progressive des aides pour éviter ces effets d'aubaine et ces effets pervers.
Le recentrage des CIE et des CES a permis de réaliser des économies substantielles - près de 10 milliards de francs tout en maintenant dans ces deux dispositifs le nombre de places pour les publics en réelle difficulté et même en les augmentant.
Enfin nous avons procédé à des économies liées à l'amélioration de la situation économique et sociale, économies sur l'indemnisation du chômage, la Sécurité Sociale et le RMI, par rapport à la tendance et, sur les mesures d'accompagnement, des restructurations pour lesquelles nous avons par ailleurs demandé une participation plus importante des entreprises.
C'est le cas du doublement de la contribution Delalande en cas de licenciement des salariés de plus de 50 ans et, pour le nouveau dispositif de préretraite que nous mettons en place qui limitera, pour les entreprises qui ont les moyens de le faire, celles qui ne sont pas en grandes difficultés, la part de financement de l'État dans les préretraites, de manière importante.
Je voulais rappeler, Monsieur le Président, avant d'entrer dans la première question, l'axe qui a été le nôtre : La croissance, des pistes nouvelles qui ont un coût (je l'ai dit) : 25,7 milliards de francs pour 1997 à 1999, avec les emplois jeunes, l'exclusion et la RTT mais, en parallèle, le recentrage d'un certain nombre de dispositifs pour éviter les effets d'aubaine et les effets pervers, pour recentrer vers ceux qui en ont le plus besoin et économiser sur un certain nombre de dispositifs.
Le Contrat Initiative Emploi : il a été créé en 1995 par le gouvernement Juppé, en remplacement du Contrat de Retour à l'Emploi.
Je crois que l'on peut dire qu'il a été la source de très importants effets d'aubaine puisque les chefs d'entreprise ont déclaré eux-mêmes que pour 10 embauches en CIE une ou deux seulement n'auraient pas eu lieu sans l'aide.
Le coût de l'emploi réellement créé était très élevé - près de 350.000 F par an- et il n'est pas étonnant que malgré une augmentation très rapide du CIE à sa création, puisqu'en dix-huit mois nous avons atteint 375.000 personnes en CIE fin 1996, l'emploi marchand n'ait pas progressé pendant la même période : 40.000 de l'année 1995 à fin 1996.
Or, les aides à l'embauche par les entreprises, je vous l'avais dit, doivent être ciblées sur les publics qui n'ont pas d'autres perspectives d'emploi, pour changer l'ordre dans la file d'entrée dans les entreprises. Pour ce faire, il faut qu'elles soient véritablement efficaces et influent sur le profil des embauches. C'est pourquoi le gouvernement Juppé avait amorcé le mouvement à l'été 1996 en recentrant le CIE après en avoir constaté les dérives, la prime de 2.000 F par mois avait été supprimée pour les chômeurs de longue durée ayant moins de deux ans d'ancienneté au chômage et abaissée à 1.000 F pour ceux qui avaient deux ans de chômage.
Nous avons accentué ce mouvement, notamment en demandant à l'ANPE de discuter avec les entreprises et rendant obligatoire la demande de CIE, préalable à l'embauche. Il nous paraît très important - et nous y reviendrons quand nous parlerons des plans nationaux d'action pour l'emploi- que dans le cadre du nouveau départ, cette rencontre avec chaque chômeur de longue durée qui doit amener à trouver les bons parcours pour les remèdes vers l'emploi, le CIE soit un des outils dont dispose l'ANPE pour aider les chômeurs de plus longue durée à rentrer dans les entreprises, avec une discussion entre l'ANPE et l'entreprise sur les personnes qu'elle peut effectivement prendre en CIE
Je dois dire que dans la grande majorité des cas, cela fonctionne très bien.
Par ailleurs, les résultats sont là, la part des chômeurs de plus de deux ans est passée de 30 % en 1997 à 41 % début 1999 et celle des Rmistes a été portée de 14 % à 16,5 % dans le même temps. Ainsi, si le nombre total des entrées s'est réduit (et c'était là ce que nous souhaitions : éviter les effets d'aubaine), 212.000 en 1997, 196.000 en 1998 et sans doute de l'ordre de 160.000 à 170.000 cette année, cela ne s'est pas fait au détriment de ceux qui en ont besoin compte tenu que leur nombre et leur part relative ont crû.
Ce recentrage a permis de cadrer le CIE principalement vers les chômeurs de plus de deux ans et les Rmistes mais également - et nous avons pris un décret en décembre 1998 - vers les jeunes sans aucun diplôme professionnel, sortis notamment en état d'échec scolaire de l'entreprise.
M. Philippe Auberger, co-Président.- Vous nous avez dit que le nombre d'entrées dans le CIE diminuait, que la proportion de personnes augmentait ainsi que le nombre absolu des publics ciblés. Cela ne découle pas forcément des deux éléments précédents. Pouvez-vous nous donner pour les publics privilégiés, le nombre absolu d'entrées, ce qui étayera toute discussion ?
Mme Martine Aubry.- Nous avions 30 % de 212.000 personnes en 1997, nous avons aujourd'hui 42 % de 160.000 ou 180.000 personnes en 1999.
Nous sommes passés de 63.000 à 67.000 ou 70.000, selon ce que nous aurons cette année, si nous avons 160.000 ou 180.000 CIE cette année.
M. Gérard Bapt.- Concernant les mesures d'aides ciblées au secteur marchand, il serait intéressant que vous donniez une information concernant la montée en charge des Contrats de Qualification Adultes qui ressortent de la loi contre l'exclusion et qui intéressait M. Barrot.
Mme Martine Aubry.- Vous savez que dans la loi contre les exclusions nous avons tenté de réfléchir, toujours dans le même objectif qui est le nôtre, d'éviter de « caser » les chômeurs de longue durée quand ils viennent à l'ANPE compte tenu de ce qui est administrativement disponible (un CES, un CEC, ou une formation), mais que ce soit fait à partir d'une analyse de la personne, de son projet, de l'état professionnel, psychologique et matériel dans lequel elle se trouve, afin que nous soyons capables de conclure avec elle un parcours qui la mène vers la qualification et l'emploi.
A cet égard, il nous manquait un certain nombre d'outils ; nous parlerons des Contrats Emploi Consolidé pris en charge à 80 % par l'État sur cinq ans dans quelque temps. C'est le cas des Contrats de Qualification Adulte. Les jeunes adultes sortis en situation d'échec scolaire ou sans diplôme ou avec un diplôme totalement dépassé et qui, en règle générale, n'ont pas encore travaillé ou très peu travaillé dans des petits boulots, se retrouvent sur le marché du travail en totale capacité physique et psychologique de volonté de se former, en ayant néanmoins une difficulté à entrer dans une formation théorique telle que peuvent être celles de la formation classique, qu'elles soient données par les professions ou par l'AFPA qui, par ailleurs, s'oriente de plus en plus vers la formation en alternance.
Nous avons pensé qu'il était peut-être utile, principalement pour ces jeunes adultes, même si le dispositif reste large, de tenter une expérimentation sur les Contrats de Qualification Adulte en en prévoyant 5 000 en 1998 et 10 000 en 1999. Ce dispositif, comme tout nouveau dispositif, a mis du temps à démarrer (nous sommes à 780 entrées fin mai), mais c'est souvent le cas pour les dispositifs de formation en alternance.
Le Contrat de Qualification Jeune créé en février 1984 n'a décollé qu'à partir de 1986. Ce n'est pas étonnant. Nous atteindrons un rythme annuel de l'ordre de 4 000, au-dessous de notre objectif, mais nous continuons les débats avec un certain nombre de professions et avec Nicole Péry nous avons signé un accord avec l'Artisanat du Bâtiment qui s'est engagé à prendre 1 000 contrats ; cela se passe bien.
Il est intéressant de voir que le profil des personnes qui entrent sont des chômeurs de longue durée, des Rmistes, mais des personnes qui sont en bon état pour entrer dans une formation qualifiante. Cela démarre lentement, car c'est un dispositif qui n'est pas utile à tous, qui est très ciblé vers certains publics mais qui manquait à notre palette d'outils pour aider ceux qui sont hors du marché du travail à y revenir.
M. Jacques Barrot.- Le vrai problème nous concernant est l'arrivée à terme des premiers Contrats d'Emploi Consolidé. Il s'agit de personnes qui ont effectué plusieurs CES auparavant, puis cinq ans de Contrat d'Emploi Consolidé et il est vrai qu'aujourd'hui il manque une sortie pour ces personnes qui parfois ont repris, à travers leur expérience de CEC, un peu le goût et la motivation du travail. Un réel problème se pose pour la suite des CEC
M. Gérard Bapt.- C'est à l'évidence un problème budgétaire. Les CEC sont beaucoup plus pris en charge dans la nouvelle mouture que dans l'ancienne. S'il y a eu un certain redéploiement en recentrant sur les publics les plus prioritaires concernant les CES, permettant une décélération du budget (moins de 10 milliards de francs contre 11,6 milliards de francs l'an dernier), il existe une montée en charge des Contrats Emploi Consolidé à plus de 5 milliards de francs désormais, ce n'est pas sur ce chapitre, concernant des personnes les plus éloignées de l'emploi, que des économies ultérieures pourront se faire.
Mme Martine Aubry.- Nous avons procédé à une importante réforme des emplois de solidarité, les CES ou CEC, notamment dans la loi contre l'exclusion en créant le nouveau contrat de 5 ans pris en charge à 80 % par l'État qui est destiné aux personnes dénuées de toute perspective en matière d'emploi.
Il n'existe pas de critères, Monsieur le ministre, pour entrer dans ce CEC de cinq ans et quelqu'un qui ne serait pas passé par un CES pourrait y entrer. Je pense à des Rmistes de longue durée, et nous avons demandé à l'ANPE de commencer par revoir toutes les personnes qui sont au R.M.I depuis 10 ans. Il y en a 10 %, ce qui énorme. Ce sont, d'après moi, les publics prédestinés à ce type de Contrat Emploi Consolidé de 5 ans, financé par l'État.
Pour des publics qui n'ont aucune chance de par leur âge, leur état de santé ou leur situation personnelle, d'entrer dans un emploi direct (public ou privé), c'est vers eux que ces CEC peuvent aller.
Bien évidemment, si des personnes sortent du premier CES ou des premiers CEC et se retrouvent encore dans cet état professionnel et personnel, elles peuvent rentrer dans ces CEC de 5 ans.
Nous avons eu hier les résultats de la région Rhône-Alpes sur les anciens Contrats Emploi Consolidé qui ont été créés en 1992 : 55 % des personnes en sont sorties en CDI. Même s'il reste des personnes en grande difficulté - vous avez soulevé ce point - qui peuvent rebondir sur un CEC à 80 %, le fait d'avoir sur des publics en très grande difficulté un résultat qui se confirmera au niveau national est tout à fait intéressant.
Ces nouveaux CEC pris en charge à 80 % par l'État vont vers un public en grande difficulté qui n'aurait pas d'autres solutions. Notre objectif est de passer de 30 000 nouveaux contrats par an à 50 000 en 1999 et 60 000 en l'an 2000 ; sur les cinq premiers mois de l'année nous sommes à 21 850 contrats, soit plus de 60 % par rapport à la même période de 1998. Nous atteindrons notre objectif en maintenant ce rythme.
Cela est largement lié au travail effectué par l'ANPE qui reçoit les chômeurs de longue durée, les Rmistes et notamment ceux qui sont dans cette situation depuis très longtemps et c'est à eux que nous proposons des solutions qu'ils n'avaient pas jusqu'à présent et ne leur permettaient pas de sortir de l'assistance.
Deuxième recadrage des emplois de solidarité : l'utilisation du Contrat Emploi Solidarité comme un outil de remobilisation par l'exercice d'une activité professionnelle dans le cadre de ce nouveau départ. Nous avons eu trop tendance précédemment à utiliser le CES en y mettant les personnes pour un an renouvelable une ou deux fois sans nous en occuper. Un CES peut être un contrat de 3 ou 6 mois qui peut être un passage pour un chômeur de longue durée afin de lui permettre de reprendre confiance et d'avoir une activité avant de l'intégrer dans un parcours de formation et de qualification.
La tâche actuellement menée par l'ANPE (dont je salue le travail considérable), sur les nouveaux départs qui a permis la réduction des chômeurs de longue durée - ce qui n'était pas arrivé depuis 10 ans - de 60 000 en moins de 3 mois, vise à examiner le cas de chaque personne et à lui trouver la bonne solution en continuant de le suivre avec un CES plus fluctuant et plus souple.
Le problème n'est pas réglé en « casant » quelqu'un dans un CES. Il faut continuer à le rencontrer et voir si son état personnel s'améliore afin de le sortir vers la qualification et l'emploi.
Nous sommes passés d'une logique administrative à une logique individualisée.
Nous avons recentré les CES et les CEC sur les publics qui n'ont pas d'autres solutions d'emploi avec des objectifs quantifiés pour le CES : 65 % en 1998, 75 % en 1999 et 80 % en l'an 2000. Cet objectif a été atteint, puisque le taux de prioritaires s'établit à 75,8 % en mai, contre 57 % en 1997 quand je suis arrivé, ce qui a permis d'augmenter ce stock de prioritaires en CES qui est passé de 162 000 à 180 000, tout en réalisant des économies budgétaires, puisque nous dépensons aujourd'hui 9,9 milliards de francs pour les CES contre 12 milliards de francs en 1997.
La situation n'est pas la même et, bien évidemment, nous avons tous utilisé les CES pour des publics non prioritaires quand des personnes, en période de crise, étaient au chômage depuis un certain temps, avaient la capacité de trouver un emploi, mais ne le trouvaient pas. Il était totalement justifié d'éviter des dérives évidentes que nous avons dans certains cas -M. Barrot ne me contredira pas- dans des collectivités territoriales, des ANPE ou des services publics : « Cherche CES bac + 4 avec expérience professionnelle » ce qui était en tout état de cause, inacceptable.
Mme Nicole Bricq.- Ce type de situation existe encore.
Mme Martine Aubry.- De moins en moins et, de plus, l'ANPE n'y répond pas. Quand la croissance revient et que les emplois se recréent, ce public trouve du travail et nous devons nous recentrer vers ceux qui ont des difficultés, c'est ce que nous avons fait et les chiffres le démontrent à ce jour.
M. Pierre Méhaignerie.- Si les CEC apportent une bonne réponse, nous avons cependant un problème sur les collectivités qui, par les chantiers d'insertion, avaient utilisé totalement des CES plus des CEC qui arrivent aujourd'hui au terme des cinq ans. Dans le département, nous en avons plus de 300. Nous parvenons à les envoyer pour un tiers dans le secteur privé, mais pour les deux tiers ayant une très faible productivité nous n'avons que deux solutions : soit leur dire : « C'est fini » ce qui, humainement, est impossible, ou les reprendre au niveau du SMIC, ce que nous avons fait pour 40 personnes.
Cette situation pose des problèmes de comparaison du fait de la productivité, par rapport à des salariés en entreprise privée et payés au SMIG. Nous en aurons 300 dans les 5 ans à venir. N'y aurait-il pas une solution à trouver ?
Mme Martine Aubry.- Je crois, Monsieur le ministre, avoir déjà répondu : les CEC à 80 % payés par l'État sur 5 ans, peuvent bénéficier à ces personnes. A qui s'adressent-ils ? Aux chômeurs de longue durée, Rmistes ou aux plus de 50 ans et aux chômeurs de très longue durée, de plus de 3 ans. Nous avons également mis en place une catégorie ouverte : « Personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion » quel que soit le statut qui était le leur auparavant, même si elles étaient en CES ou en CEC
Je ne dis pas que nous allons y mettre tous ceux qui étaient en CEC, mais tous ceux qui sont en situation difficile seront au RMI si nous les renvoyons dehors, ce qui serait aberrant, car c`est justement ceux-là que nous voulons accueillir dans les CEC
M. Pierre Méhaignerie.- Cela mérite des précisions sur le terrain.
Mme Martine Aubry.- La circulaire est très claire, mais en cas de difficultés dans telle ou telle région, je ne manquerai pas de faire passer les messages. Il ne faut pas que ce soit général.
La facilité pour un élu est de dire : « Maintenant que l'État les prend à 80 % je ferai basculer tous mes CEC vers les CEC pris à 80 % par l'État. » Il n'existe pas d'automatisme. Dès lors que la personne sortant de ce CES ou CEC continue à être dans une situation telle qu'elle n'a aucune chance d'entrer en formation ou dans un emploi public ou privé classique, il existe l'opportunité au cas le cas, de la faire entrer dans ce CEC
M. Gérard Bapt.- Ce débat est intéressant, car il démontre la difficulté que nous avions touchée lors de nos précédentes réunions sur l'efficacité des aides publiques et le traitement social. Vous avez indiqué un chiffre, concernant le cas du CEC, sur le devenir ces salariés : 55 % sortis en C.D.I. est un chiffre très positif et vous avez répondu à ma question.
Nous sommes ici en mission d'évaluation et de contrôle pour tenter d'avoir la plus grande efficacité possible, de réaliser des économies et de redéployer. Les élus locaux ont des revendications concernant des publics très en difficulté, d'où la complexité de la tâche concernant le budget Travail-Emploi.
Je souhaitais terminer ce chapitre Aides ciblées par le chapitre des Préretraites progressives, M. Philippe Auberger souhaitait vous interroger sur ce chapitre qui a vu ses crédits diminuer assez sensiblement en 1999, loi de finance initiale, mais qui pose le problème par rapport au pourcentage des demandeurs de plus de 50 ans actuellement.
Mme MartineAubry.- Il existe une réduction des crédits sur les préretraites progressives liée au fait qu'il n'y avait pas de demandes. La préretraite progressive est à mes yeux un élément très important qui a été mis en place en 1992. Il y a eu moins de demandes ces derniers temps. Un rapport est réalisé sur la demande du Premier ministre concernant les préretraites progressives, visant effectivement à réfléchir à ce point.
A cette occasion, je dirai quelques mots sur ce problème des préretraites et des préretraites progressives en particulier. Nous avons plusieurs dispositifs et c'est pour cette raison que les crédits des préretraites progressives ont diminué ; l'ARPE, mise en place par les partenaires sociaux, a visé à faire partir des personnes qui avaient commencé à travailler très tôt et à les remplacer par des jeunes.
Ce dispositif a touché de plein fouet ceux qui auraient pu entrer en PRP. De manière plus générale, nous avons à réfléchir à la façon de traiter toute la population des hommes et des femmes qui arriveront dans les 10 ans qui viennent à l'âge de la retraite et qui ont commencé à travailler tôt, ou sur des emplois pénibles, ou dont la formation n'a pas suivi les évolutions technologiques.
Pour ma part, je crois malsain de continuer à faire ce que nous avons tous fait depuis des années, à savoir financer - y compris pour des entreprises qui ont des résultats - l'absence d'anticipation qui a été la leur pour préparer les salariés aux qualifications et aux emplois de demain et à traiter leur pyramide des âges.
C'est la raison pour laquelle j'ai arrêté les plans sociaux dans l'Automobile et commencé à rediscuter avec eux mais, derrière l'Automobile il existe beaucoup d'autres secteurs. Il ne me paraît pas souhaitable que l'État continue de financer des préretraites au taux où elles étaient financées, autour de 80 % en moyenne, payées par l'État, dans des secteurs qui ont les moyens de traiter ce problème.
En revanche - et c'est le dispositif que nous mettons en place, qui est général et ne s'applique pas qu'à l'Automobile - il est très important de le faire à un moment où sera traité le problème de la retraite, pour enlever des anxiétés à des hommes et des femmes qui savent que si l'âge de la retraite devait se poursuivre, ils n'auraient aucune chance de retrouver du travail, craignant par ailleurs d'être licenciés à partir de 55 ans. Nous devons leur dire que nous avons traité leur problème.
C'est la raison pour laquelle nous travaillons à un autre dispositif de FNE qui s'appliquera à des entreprises qui ne sont pas obligatoirement en difficulté, qui ne nécessitent pas une aide de l'État allant jusqu'à 80 %, mais qui permettent, sur un public particulier comme les personnes qui sont âgées puisqu'il s'agit de préretraites, qui ont commencé à travailler tôt ou dont les tâches étaient pénibles, qui sont « usées » et incapables aujourd'hui, parce qu'elles n'ont pas été préparées, de remplir les emplois de demain, de les aider à sortir correctement du marché du travail.
Néanmoins, il ne faut pas que l'État paie à 80 % mais que les entreprises contribuent beaucoup plus fortement. C'est la négociation que nous avons pour un deuxième système de préretraite FNE moins coûteux pour l'État et qui règle des problèmes sociaux nécessaires à traiter.
M. Jacques Barrot.- J'enchaînerai sur la liaison ANPE et AFPA puisque cela faisait partie, sur le versant formation professionnelle, de la façon de voir l'évolution de la situation.
Bien que Mme Nicole Péry ait répondu en partie à cette question, ce sera peut-être être utile, car vous avez indiqué, Madame la ministre, que vous souhaitiez revenir sur l'ANPE dans son rôle d'insertion.
Comment concilier cette mission à la fois de placement qui est celle de l'ANPE qui, par ailleurs a progressé en matière de placement et, conjointement, ce rôle d'insertion en liaison avec l'AFPA ?
La deuxième question est liée à l'aide à l'emploi qui était le problème de savoir comment vous pensiez articuler progressivement sur la RTT la mise en oeuvre d'un capital temps formation, compte tenu que cet élément fait partie de ce que nous allons tenter de proposer dans notre rapport sur la formation professionnelle, afin de voir comment, progressivement, pourrait être mis en place un système de formation tout au cours de la vie, le congé individuel de formation apparaissant comme une formule qui n'est plus tout à fait adéquate et qui mobilise des sommes à la fois importantes, mais sans doute insuffisantes, si nous voulons demain avoir un système accessible à tous les salariés.
Mme Martine Aubry.- Monsieur le Président, les deux contrats de progrès et particulièrement celui de l'ANPE que nous venons de signer de nouveau, insistent très fortement sur la nécessaire synergie entre l'ANPE et l'AFPA qui a bien avancé ces dernières années, mais doit se consolider.
Quand j'ai dit que nous passons d'une logique administrative à une logique individuelle, cela signifie que j'ai souhaité recentrer l'outil AFPA vers son objectif initial, à savoir la formation prioritaire des demandeurs d'emplois, car il existait une certaine tendance à passer des contrats avec des entreprises privées, certes sans doute utiles sur le plan financier, mais beaucoup moins par rapport à la mission initiale de l'AFPA.
Je ne suis pas opposée au fait que des salariés s'intègrent à des stages de chômeurs, mais il faut que l'AFPA soit recentrée sur sa mission qui est de former et qualifier des demandeurs d'emplois. C'est ainsi que nous avons recentré le contrat de progrès, et le lien avec l'ANPE est essentiel.
Dans le cadre de ce nouveau départ qui touchera 850 000 chômeurs de longue durée et Rmistes l'ANPE reçoit ces personnes et définit avec elles un parcours, car certaines ont besoin d'un passage par un emploi d'insertion, et je rappelle que dans la loi contre les exclusions nous avons demandé une présentation des candidats à l'insertion aux entreprises d'insertion par l'ANPE
Cela entre toujours dans la même logique, que ce soit les personnes reçues et accueillies à qui l'on propose un emploi d'insertion ou un CES dans le cadre de leur parcours et, de la même manière, certains peuvent entrer en formation qualifiante et l'AFPA est là pour proposer ces formations.
Cette synergie est tout à fait essentielle.
Concernant l'ANPE, elle a procédé, depuis le début des années 1990, à un changement complet dans ses méthodes de travail et son positionnement. Aujourd'hui, nous avons un service public particulièrement performant même s'il continue à avoir des moyens inférieurs à ceux existant dans d'autres pays.
Au début des années 1990, l'ANPE n'était pas suffisamment tournée vers les entreprises et il est exact que, de ce fait, ses relations avec les demandeurs d'emplois la conduisaient à faire un travail extrêmement lourd d'inscription (qui est actuellement réalisé par l'UNEDIC puisque nous avons transféré les inscriptions de l'ANPE vers l'UNEDIC) et était surtout tourné vers l'accueil, l'inscription et la proposition de formation ou de contrats d'insertion.
Concernant le travail mené afin que l'ANPE se tourne vers les entreprises (j'avais moi-même, en 1991, demandé que l'ANPE aille à la rencontre des petites et moyennes entreprises), les chambres de commerce, la CGPME, l'U.P.A. avaient travaillé avec nous à un programme pour que les prospecteurs placiers aillent dans les entreprises, les aident et les conseillent et ne leur envoient pas, quand une offre d'emploi a été déposée, les 100 personnes inscrites sur la qualification mais fassent le tri dans l'intérêt de l'entreprise et dans celui du salarié.
Cette démarche a été non seulement comprise, mais réalisée de manière importante car, aujourd'hui, l'ANPE a une part sur le marché des offres d'emplois de 50 %. C'est un élément extrêmement important quand on sait que les grandes entreprises ont leur propre marché du travail et, en règle générale, n'ont pas besoin de passer par l'ANPE
Ce recentrage était nécessaire et les agents de l'ANPE ont bien compris que la meilleure façon de rendre service aux chômeurs était de leur procurer un emploi et d'aller les chercher où ils étaient, à savoir dans les entreprises, et ce travail a été bien mené.
Ma conviction en arrivant en 1997 était que nous étions passés d'un tropisme accompagnement social du chômeur à un tropisme un peu trop tourné essentiellement vers les entreprises.
Il faut garder cet acquis qui est majeur, mais se retourner, surtout dans cette période de croissance, vers les chômeurs de longue durée, les Rmistes et les jeunes les plus en difficulté pour les ramener individuellement vers la qualification et l'emploi.
C'est dans cet esprit que nous avons à la fois renforcé les moyens de l'ANPE : 2.500 emplois supplémentaires en passant de 12.500 à 15.000 après 4 ans de quasi stagnation des effectifs dans un contexte de forte montée du chômage de longue durée, ce qui représente une hausse de 20 % des conseillers au contact des demandeurs d'emplois, ainsi que 700 emplois complémentaires dans les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), en partenariat avec les collectivités locales, car ce sont elles qui reçoivent, pour les jeunes, l'équivalent de ce que reçoit l'ANPE concernant les adultes.
Cette disposition doit nous permettre de répondre à l'engagement que nous avons pris au niveau européen, car nous le souhaitons sur le plan français, qui est d'accompagner dans la durée les chômeurs de longue durée et les jeunes sans qualification pour les ramener vers la qualification et l'emploi.
Je salue de nouveau le travail par l'ANPE qui, pendant 10 ans, a subi la crise de plein fouet en voyant arriver tous ces demandeurs d'emplois à la suite de licenciements économiques extrêmement lourds, a tenu le choc malgré les moyens insuffisants et qui, aujourd'hui, a su rebondir vers les entreprises en apportant un service plus performant et de qualité reconnue par les enquêtes menées auprès de ces dernières tout en étant capable d'accompagner dans la durée des chômeurs de longue durée pour leur trouver la bonne solution afin de rentrer au coeur du marché du travail.
Nous avons les uns et les autres réussi en l'espace de 10 ans à faire de l'ANPE (qui était souvent critiquée par tous et peut-être parce que les politiques ne lui avait pas donné les moyens et le recentrage nécessaire pour travailler) un service public, avec l'AFPA, particulièrement performant au service des demandeurs d'emplois et des entreprises.
M. Jean-Jacques Jégou.- Je rebondis sur les questions posées par Jacques Barrot sur l'ANPE et l'AFPA.
Madame la ministre, si nous pouvons être parfaitement d'accord avec ce que vous venez de dire concernant l'ANPE et les efforts considérables qui ont été faits, il n'en est pas de même pour l'AFPA.
L'audition que nous avons eue de son Directeur Général il y a quelques mois, le démontre et je ressens dans vos paroles une tentative depuis votre arrivée en 1997 sur, sinon la fusion (que j'avais demandée quand j'étais rapporteur spécial) mais tout au moins la nécessité que l'ANPE tire vers le haut l'AFPA, qui a des moyens considérables mais voit moins de 200.000 stagiaires par an. Quand je vous entends dire que l'AFPA doit faire de la formation en alternance, je partage parfaitement votre point de vue.
Il existe des champs énormes, à la fois pour ce que traite l'ANPE, les missions locales et les PAIO, mais aussi pour tout le public dont vous nous avons parlé, Pierre Méhaignerie, Jacques Barrot et le rapporteur spécial Gérard Bapt, sur les formations en alternance que pourraient faire les CES et leur consolidation, ne serait-ce que pour en verser une partie dans le secteur marchand.
Ne pourriez-vous pas, dans cet esprit plus optimiste avec la reprise de la croissance et la performance de l'ANPE, non pas accélérer cette « fusion » mais, à défaut, concrètement, de nous dire comment vous verriez l'amélioration de la productivité de l'AFPA qui a de grandes possibilités et des personnels d'une grande compétence mais qui finalement « patine » et pourrait être tirée vers le haut par l'ANPE et ses performances.
Mme Martine Aubry.- Monsieur le député si à mon arrivée je n'ai pas augmenté les crédits de l'AFPA, c'est parce que je partage en partie vos propos. Nous avons travaillé avec le nouveau Directeur Général, à un contrat de progrès qui part de la situation qui était celle de l'AFPA et j'ai promis que les crédits accompagneraient le mouvement à condition qu'il existe.
Ce mouvement doit avoir lieu dans trois domaines. Tout d'abord faire entrer progressivement et prioritairement les chômeurs vus par l'ANPE dans l'AFPA. Nous souhaitons arriver à 80 % des entrées à l'AFPA, envoyées par l'ANPE, dans la logique que j'ai exprimée, à savoir un service intégré avec l'ANPE sur le conseil professionnel et la formation.
Le but n'est pas d'améliorer la qualité, car si les entreprises sont allées vers l'AFPA, et c'est peut-être là une des dérives auxquelles nous avons assisté ces dernières années, c'est parce que la qualité de la formation est excellente. Maintenant que nous avons fait de la qualité, nous devrions pouvoir faire de la quantité et garder la même qualité. Notre souci est de recentrer l'AFPA vers les chômeurs (et notamment, ceux qui en ont le plus besoin), d'utiliser les capacités et les compétences de l'AFPA qui sont très importantes et reconnues à l'extérieur, pour maintenant donner de l'ampleur à cette action, notamment ciblée vers les chômeurs et ceux qui sont inscrits à l'ANPE
C'est ce que nous avons demandé à l'AFPA pour les années qui viennent et c'est au vu de ce qui se fera que les crédits de l'État accompagneront ce mouvement, afin de développer l'offre.
M. Philippe Auberger, co-Président.- Je partage le sentiment de M. Jean-Jacques Jégou. Tel que je le vois au niveau local, il reste un problème AFPA alors que l'ANPE a profondément évolué.
Concernant le domaine du bâtiment, actuellement, nous constatons dans nos différents départements une pénurie de travailleurs qualifiés alors que les prix du bâtiment commencent à reprendre en raison d'une meilleure activité mais sans suffisamment de main-d'oeuvre qualifiée. L'AFPA, dans mon département, détient un ensemble de formations en direction du bâtiment, mais nous constatons que, pour différentes raisons, la situation « patine ».
Je ne suis pas certain que le fait d`éloigner trop l'AFPA des entreprises et de leurs besoins, sans avoir un bon mixte entre le public véritablement très défavorisé et le public qui demande à améliorer ses compétences et qui est peut être déjà salarié, soit un élément favorable, car il faut améliorer l'employabilité de ces personnes, dans le secteur du bâtiment et s'en donner les moyens, et ceux utilisés ne donnent pas satisfaction.
M. Pierre Méhaignerie.- Madame la ministre, la réussite d'une politique de l'emploi dépend, certes, de l'État et de sa mobilisation, mais également de la solidarité et de la mobilisation des acteurs locaux. Ne serait-il pas envisageable d'expérimenter ce que pourrait donner, dans une dizaine de cas, un type de conseil d'orientation autour de l'AFPA , de façon que tous les acteurs se mettent ensemble ?
M. Gérard Saumade nous disait qu'avec 18 % de taux de chômage à MONTPELLIER, il ne trouvait plus de personnel dans certains secteurs. Nous sommes agressés par des artisans et des entreprises qui nous disent : « Quand finirez-vous avec vos méthodes d'assistance alors qu'il est impossible de trouver de la main d'oeuvre ? » Sur tous ces problèmes qui vont devenir plus cruciaux, surtout si la croissance continue, ne serait-il pas envisageable, de façon à éviter l'éparpillement multiple des forces, de faire en sorte qu'une fois par an, l `ensemble des forces au niveau des bassins d'emplois se retrouve autour d'un conseil d'orientation de l'ANPE ?
Mme Martine Aubry.- Je n'ai pas dit que l'AFPA ne devait pas travailler en contact avec les entreprises mais qu'elle n'était pas faite pour former les salariés des entreprises. Bien au contraire, dans le contrat de progrès, nous lui demandons de rester en contact avec les professions et les entreprises pour évaluer leur besoin quantitatif et qualitatif, à savoir de faire évoluer leur formation en liaison avec les besoins.
Nous ne leur avons pas demandé de se couper des entreprises, mais d'accentuer le lien avec les secteurs et les entreprises tout en recevant, en revanche, des demandeurs d'emplois plus que des salariés, car ces derniers peuvent être formés dans le cadre des formations, dans le système de la formation professionnelle continue.
Je partage tant vos propos concernant le bâtiment que ceux de M. Pierre Méhaignerie sur l'artisanat et le commerce. Nous avons des secteurs d'activité où aujourd'hui, le problème est que les demandeurs d'emplois ne veulent pas s'y diriger et notamment les jeunes. Ce n'est pas un problème de l'AFPA qui n'est pas adaptée car elle a des formations de grandes qualités. Je pense au bâtiment et aux métiers de bouche (boucherie, pâtisserie et autres) sur lesquels les jeunes ne veulent pas s'orienter.
De ce fait, nous avons commencé avec Nicole Péry - et j'en parlais avant-hier avec le Président de l'Union Professionnelle Artisanale - un travail dans lequel nous sommes prêts à aider au financement de cette formation. Toutefois, le problème aujourd'hui n'est pas celui-là, mais celui de convaincre les jeunes que ce sont des métiers qui sont de vrais métiers et qu'ils ont effectivement intérêt à les regarder.
Nous sommes convenus avec l'Union Professionnelle Artisanale - et c'était un débat intéressant et sans vouloir mettre un élément qui risque de nous diviser dans ce débat - que les 35 heures étaient très certainement un moyen de faire changer l'image de l'artisanat, car quand nous demandons aux jeunes qui entrent dans des formations techniques pourquoi ils ne vont pas vers ces métiers, c'est en règle générale la durée et les conditions de travail qui les rebutent.
M. Pierre Méhaignerie.- Ainsi que les salaires.
Mme Martine Aubry.- Oui, d'où la baisse des charges, Monsieur le ministre, ce qui a une certaine cohérence. C'est ma conviction profonde.
Je crois que nous avons maintenant environ quelques mois, voire même 2 ans, pour progresser sur ces secteurs.
Je ne parle pas du bâtiment pour lequel les besoins existent maintenant et qui a fait d'énormes progrès pour améliorer ses conditions de travail et attirer des jeunes. Un public jeune va vers le bâtiment, car travailler dehors dans des conditions de relations qui sont plus souples que dans une entreprise classique correspond à un certain nombre de jeunes que nous devons amener vers ces travaux.
Concernant l'artisanat et le commerce, nous sommes convenus avec l'UPA de monter des contrats - des engagements de développement de la formation professionnelle - et des campagnes d'information au fur et à mesure de cette arrivée vers les 35 heures, qui doit changer l'image de marque de ces métiers. Il est dommage de voir qu'en France nous avons des places d'apprentissage, ou à l'AFPA dans des métiers de bouche, qui sont de véritables métiers où les jeunes ne vont pas.
Compte tenu de la présence ici de quelques Présidents de région, je voudrais énoncer les faits simplement : nous avons des efforts à faire dans deux domaines. Tout d'abord, pour que ces jeunes puissent entrer en apprentissage dans ces métiers, il faut qu'ils aient les acquis de base : lecture, écriture et calcul.
Aujourd'hui, de nombreuses régions, malgré la décentralisation de la formation, ne montent pas ces formations et de nombreux jeunes sont complètement décalés parce qu'ils ne peuvent pas entrer dans une formation qualifiante, car il leur manque la base. Maintenant qu'il existe une décentralisation de la formation professionnelle, je l'ai dit à plusieurs reprises et nous avons le même problème pour le programme TRACE, il faut que les régions acceptent de financer ces stages de mise à niveau qui permettront à ces jeunes d'entrer dans les formations qualifiantes ou dans l'apprentissage dans ces secteurs. Certaines le font, mais je sais que d'autres aussi considèrent que ce n'est pas à elles « De faire ce que l'Education nationale n'a pas fait ».
Je le regrette, mais je ne mets pas un jeune de 25 ans en classe de CM1, je dois lui faire suivre une formation. Comme il ne peut plus être dans l'Education nationale et qu'il existe une décentralisation de ces fonds, il faut que les régions acceptent les préformations qui sont les conditions pour que ces jeunes aillent vers ces métiers. C'est également une des difficultés que nous avons pour recruter dans ces métiers.
Mme Nicole Bricq.- C'est une question périphérique qui entre dans le cadre de notre mission et dans celui de la loi contre les exclusions. Nous avons voté une disposition qui consiste à accorder un cumul partiel entre le RMI et le retour à l'emploi. Sommes-nous en capacité de montrer que cette disposition législative a des vertus incitatives vers le retour à l'emploi en termes quantitatifs ou qualitatifs ?
Mme Martine Aubry.- Un problème d'application s'est posé, non pas en raison d'un retard des textes qui sont sortis immédiatement mais du fait que les Caisses Nationales d'Allocations Familiales ont changé leur réseau informatique et ont eu du mal à intégrer ce texte (elles le font actuellement). Des retards ont eu lieu dans certaines régions, mais pas partout, pour appliquer ce texte directement, afin de permettre le cumul partiel commençant à 100 % puis diminuant entre un minima social et un salaire. Ces difficultés sont quasiment derrière nous maintenant, mais il en existe encore.
M. Gérard Bapt.- Madame la ministre a salué les efforts de l'ANPE Nous le constatons en tant qu'élus locaux, elle s'est rapprochée des entreprises et des collectivités locales dont l `effort est également à saluer car elles ont souvent créé dans les mairies lors de missions locales des points d'emplois passant convention avec les ANPE pour avoir un rôle de prospecteur placier et d'orientation de proximité.
Madame la ministre, concernant le problème de l'adaptation des aides générales, pour aller directement à des questions qui ont été soulevées à l'occasion de la table ronde avec des chefs d'entreprise concernant des dispositifs dont nous pouvons nous poser le problème de leur efficacité, nous avons eu la surprise d'entendre les représentants du MEDEF et de l'UPA nous dire qu'ils préféraient des allégements de charges à une aide à l'embauche d'un premier salarié et critiquer les aides territorialisées, en arguant du fait que seules les grandes entreprises ayant capacité de recevoir, de traiter et de mettre en oeuvre ces informations pouvaient s'en saisir du moins beaucoup plus que la PMI.
Pensez-vous que des économies budgétaires sont à faire sur ce type de dispositif ?
Mme Martine Aubry.- C'est une des questions les plus difficiles, car ce sont des questions que nous pouvons nous poser et la réponse est autant psychologique qu'économique. Quelle est l'appréciation de l`exonération (qui coûte 2,7 milliards de francs au régime général) en termes de créations d'emplois et d'effets d'aubaine ? Ce dispositif prévoit une exonération totale des cotisations patronales du régime général lors de l'embauche du premier salarié pour les entreprises, soit environ 250 00 F par an au SMIC.
Nous avons débattu de ce dispositif puisque nous l'avons modifié en plafonnant au SMIC la part de l'assiette pouvant donner lieu à cette exonération, à savoir une exonération forfaitaire et non pas proportionnelle au salaire comme c`était le cas précédemment. Il ressortait d'enquêtes menées auprès de chefs d'entreprise que sur 100 embauches en exonération premier salarié, 64 auraient eu lieu au même moment et avec les mêmes personnes sans l'exonération.
C'était un effet de pure aubaine fréquent pour les aides à l'embauche dans le secteur marchand et beaucoup plus élevé que d'autres dispositifs de la même enquête, puisque nous constatons seulement 9 % d'effets d'aubaine pour le Contrat d'Apprentissage, 12 % pour le Contrat de Qualification et 16 % pour le Contrat Initiative Emploi. C'est pourquoi nous avons transformé en cette exonération forfaitaire l'embauche du premier salarié.
Faut-il aller plus loin, la supprimer ? Nous pouvons difficilement aller au-delà. Je suis hésitante, car le passage à l'embauche du premier salarié est toujours difficile. La personne qui est seule avec son époux ou son épouse à travailler, par exemple dans un commerce ou une toute petite entreprise hésite, non seulement parce qu'elle s'engage vis-à-vis de quelqu'un d'extérieur à le payer, mais également en raison de toutes les démarches. Je ne suis pas encore convaincue qu'il faille aller au-delà et la supprimer, mais l'avis de votre Commission me sera tout à fait utile, car je n'ai pas de conviction définitive.
Sur les aides territorialisées, nous avons des travaux d'évaluation de l'IGAS et de l'Inspection Générale des Finances sur ces aides, à savoir les zones de revitalisation rurales et urbaines et les zones franches. Les travaux d'évaluation démontrent une faible efficacité en termes de création d'emplois.
Dans ces aides, nous visons deux objectifs : certes, si possible, des créations nettes d'emplois mais surtout des localisations différentes d'emplois par rapport à celles qui auraient eu lieu par ailleurs. C'est autant un élément d'aménagement du territoire et de lutte contre l'exclusion dans les quartiers ou dans des zones rurales qui est objectivement recherché, qu'une création nette d'emplois.
Parce que nous avons une zone franche, aucune entreprise ne se dira : « Il y a une zone franche, je vais créer des emplois ». En revanche, une entreprise qui aurait créé des emplois peut envisager de se placer dans cette zone franche en raison des aides complémentaires.
Donc, pas d'effet sur la création d'emplois mais, très certainement, une aide à l'affectation à la localisation vers des lieux qui en ont besoin.
A partir de là (je tiens à dire que nous travaillons avec Claude Bartolone sur ces aides), il n'a jamais été dans notre esprit - contrairement à ce que j'ai pu entendre - de les supprimer, mais d'éviter les effets d'aubaine de certaines d'entre elles.
Je me permettrai de vous donner un exemple personnel. Nous avons à LILLE une zone franche et, la plupart des terrains disponibles appartenant à la ville et ayant l'opportunité de dire oui ou non à une entreprise pour qu'elle s'installe, nous avons décidé d'être beaucoup plus stricts que la loi et, au lieu de considérer que seuls 10 % des embauches devaient se faire chez les habitants du quartier nous avons fixé un minimum de 50 % et nous sommes arrivés à 90 %. Nous avons refusé toutes les délocalisations qui ne créaient pas un minimum de 20 % d'emplois supplémentaires.
Pour quelqu'un qui était au coeur de LILLE et venait s'installer dans la zone franche uniquement pour avoir les avantages, nous les avons supprimés ; nous avons également effectué une chasse aux boîtes aux lettres puisque la mairie de LILLE a envoyé, tant au fisc qu'à l'URSSAF, la liste des noms des entreprises, que nous avons relevés, et qui n'avaient qu'une simple boîte aux lettres et non pas une réelle activité sur le quartier.
Cette action qui nous a permis d'être une des villes qui a créé le plus d'emplois pour les habitants des quartiers, doit pouvoir être étendue dans la loi, en imposant un plus grand montant des emplois créés pour les personnes du quartier et, mon souhait - que d'après moi Claude Bartolone partage - est que les élus locaux puissent avoir un avis plus important à donner, car c'est bien localement que l'on sait si telle entreprise bénéficie uniquement d'un effet d'aubaine ou a une réelle activité et crée des emplois.
C'est autour de ces réflexions que nous travaillons actuellement avec l'idée que, dans ces domaines, il nous faut développer des partenariats locaux. C'est essentiellement autour des élus locaux en partenariat avec les entreprises, les associations et le service public que nous pourrons parvenir à avoir des démarches positives.
M. Pierre Méhaignerie.- Est-il possible d'expérimenter ce conseil d'orientation autour de l'ANPE et des forces locales dans les deux ans qui viennent avec 7 ou 8 expériences qui permettraient d'en voir l'efficacité ?
Mme Martine Aubry.- Cela existe déjà. Quand un élu entre dans cette démarche, il est possible de réfléchir à des expérimentations plus formelles et de proposer à un certain nombre d'élus d'entrer dans cette logique. Certains le font déjà et c'est totalement efficace.
De plus, une mission parlementaire a été confiée à Chantal Robin-Rodrigo et Pierre Bourguignon qui doivent nous remettre dans quelques jours le rapport sur les aides ciblées géographiques.
M. Gérard Bapt.- Monsieur le Président, concernant l'abattement de cotisations pour le temps partiel dont les répercussions sociales posent des interrogations, il existe sûrement des divergences de point de vue, notamment entre M. Jacques Barrot et moi-même, sur l'opportunité de conserver ou de supprimer cet abattement pour le temps partiel, concernant un temps partiel qui est largement subi quand il s'agit de salariés chefs de famille, ce qui revient à les faire vivre à la limite de la pauvreté.
Quelle est votre opinion, ou votre intention, sur cette mesure qui coûte 2,8 milliards de francs de perte de recettes pour le régime général ?
M. Jacques Barrot.- Je me permets, pour être bien clair, de préciser que, me concernant, je suis pour le maintien de l'aide, mais en partageant le bénéfice entre l'entreprise et le salarié. C'est une nuance. Je reconnais que le système qui ne bénéficie qu'à l'entreprise n'est pas satisfaisant.
M. Martine Aubry.- Si vous ne l'avez pas fait, Monsieur le ministre, c'est que vous savez que c'est difficile à réaliser. Nous pouvons y parvenir avec la baisse des charges sociales. Nous avons modifié un certain nombre de dispositifs sur le temps partiel l'année dernière, puisque nous avons réservé les exonérations sur les temps partiels aux entreprises qui ont signé un accord définissant les modalités qui garantissent que le temps partiel est pratiqué à la demande du salarié.
L'esprit est d'aller vers le temps choisi et non pas d'aider ces entreprises qui imposent ce temps aux salariés. Nous avons relevé le plancher d'heures ouvrant droit à l'aide, de 16 à 18 heures et nous avons supprimé l'avantage excessif qui cumulait la ristourne Juppé et la ristourne temps partiel car, auparavant, pour un mi-temps à deux SMIC horaires cumulant la ristourne avec l'abattement temps partiel, l `exonération atteignait 90 % des cotisations patronales de Sécurité Sociale.
Le sujet du temps partiel sera traité dans les deux lois, la deuxième sur la RTT ainsi que celle sur les charges sociales.
Je ne vous en donnerai pas aujourd'hui le détail, car nous sommes en pleine concertation et nous n'en sommes pas arrivés à ce point. Je peux néanmoins vous en donner deux axes majeurs. Il nous semble qu'il faut aller vers une définition du temps partiel, qui soit celle de tous les autres pays européens et accroisse la clarté et simplicité, à savoir que « le travailleur à temps partiel est celui qui est au-dessous de la durée collective affichée dans l'entreprise ».
Nous devons favoriser au maximum ce temps choisi. A cet égard, il existe de nombreux accords de passage aux 35 heures extrêmement intéressants concernant le temps partiel. Non seulement parce que certains temps partiels ont pu augmenter, en passant du temps subi faible à du temps plus élevé, mais également parce que de nombreuses modalités laissent le choix de passer du temps plein au temps partiel et inversement, de manière beaucoup plus souple qu'auparavant. Nous devons nous appuyer sur ces accords extrêmement intéressants.
Nous devons entrer dans une logique où les charges sociales et leur réduction soient proratisées au niveau du temps partiel. Compte tenu que nous allons avoir une baisse des charges sociales globales, le pourcentage de la baisse de charges sociales devra correspondre, pour l'employeur, à la durée du travail. Ma conviction profonde est que le but de la réforme des charges sociales que nous engageons (dont je rappelle que le montant excède largement le coût de la durée du travail, avec une baisse de ces charges sociales, notamment pour les bas salaires) est d'avoir un double objectif : un objectif de création d'emplois, mais aussi un objectif de traiter les problèmes des bas salaires dans un certain nombre de professions.
Je crois qu'un certain nombre d'entre elles, celles qui utilisent beaucoup de temps partiel, attendent cette réforme des charges sociales pour traiter les deux problèmes conjointement.
M. Jean-Jacques Jégou.- Sur le problème du temps partiel subi, un certain nombre d'entreprises n'ont pas l'utilité de salariés à temps complet. Dans des entreprises que je connais dans mon secteur, s'est mis en place « le temps partagé » avec des cadres d'un certain âge qui retrouvent du travail entre deux ou trois entreprises et, d'après moi, l'aide pourrait être accentuée dans ce domaine. Ce processus a été long à démarrer, car il n'est pas dans la culture de notre pays mais il est avantageux de pouvoir redonner du travail à des cadres de haut niveau que certaines PME n'ont pas la possibilité d'employer à temps complet, soit parce que la charge de travail n'est pas suffisamment importante, soit parce que c'est hors de leurs moyens.
Il faut se méfier, sur un autre sujet, du travail en entreprises temporaires qui est une possibilité d'avoir accès de nouveau à l'emploi, mais je pense à ces créations d'entreprise où il existe de nombreuses demandes qui pourraient être accélérées en favorisant ce temps partagé dans certains postes de haut niveau et de cadre.
M. Pierre Méhaignerie.- Vous avez dit que les 35 heures pouvaient améliorer l'image de certains emplois où les jeunes ne veulent pas aller. Je partage cet avis. Cela supposerait que la démarche sur la fonction publique n'aille pas vers 35 ou 32 heures en plus des autres avantages car, dans ce cas, l'affluence sur le secteur public ne serait encore que renforcée. C'est la question de la différenciation comme élément de justice.
Vous avez également déclaré que la baisse du coût du travail dans le cadre des 35 heures, SMIC, jusqu'à 1,8, excédera le surcoût du travail 35 heures. Or, le calcul que nous avons ne compense que 6,5 % du surcoût de 11,4 %, si nous y ajoutons les 4 000 F, plus ce qui est prévu et qui reste en pointillé.
Un problème de mot se pose. Soit il ne convient pas d'appliquer le mot « baisse des charges » s'il s'agit d'une compensation partielle, soit en effet, si nous allons plus loin, nous pourrons accepter le mot de baisse des charges, mais dans le cas présent, nous restons dans l'ambiguïté.
Mme Martine Aubry.- J'ai oublié de dire que nous pensons qu'il faut que le temps partagé non seulement existe mais soit développé, ce qui est déjà le cas. Une bonne façon d`y parvenir est aussi de rendre plus facile les groupements d'employeurs. J'avais demandé un rapport à M. Praderie qui m'a été rendu.
Dans la loi sur la durée du travail nous souhaitons rendre plus facile les groupements d'employeurs qui sont une facilité pour les salariés, car un certain nombre de petites entreprises pourraient voir dégager le chef d'entreprise de tâches comptables et administratives en partageant à plusieurs un comptable ou un commercial. Nous comptons faciliter et favoriser la mise en place de ces groupements d'employeurs.
Un mot sur les charges sociales, pour dire que je ne vous donnerai pas aujourd'hui la totalité des dispositifs, car nous sommes en pleine concertation sur ce dispositif.
Monsieur le ministre, quant j'utilise des mots, j'essaie de faire en sorte qu'ils soient conformes à la réalité. Quand je dis que c'est bien un allégement des charges sociales auquel nous parviendrons, c'est bien évidemment pour les salariés non qualifiés, et principalement les bas salaires, que la réduction des charges sociales qui sera proposée par le gouvernement ira au-delà du coût du travail pour ces bas salaires.
C'est la raison pour laquelle l'UPA, la dernière organisation que j'ai rencontrée, mais aussi certaines fédérations appartenant au MEDEF avec qui nous avons commencé à débattre de ce barème, se réjouissent de cette réforme. J'espère que vous me croirez sur parole qu'il est évident que nous ne baissons pas les charges sociales pour ne pas les baisser. Nous les baissons pour les baisser, pour les bas salaires.
M. Pierre Méhaignerie.- Dans le cadre des 35 heures.
M. Didier Migaud.- Ont été mis en place dans les différents pays de la Communauté Européenne des plans d'action nationaux pour l'emploi. Quel enseignement pouvons-nous tirer de la surveillance multilatérale de ces plans d'action nationaux institués au niveau communautaire, quant à l'efficacité réelle des différents modèles nationaux de politique de l'emploi ?
Mme Martine Aubry.- Monsieur le député, je pense que ces plans nationaux d'action pour l'emploi sont une innovation tout à fait positive. Quand le Premier ministre, à son arrivée, les avait demandés au Conseil Européen de Luxembourg pour l'emploi, tout le monde - et peut-être nous-mêmes - était assez sceptique sur ce à quoi nous pouvions arriver. Pour avoir assisté à de nombreux conseils des ministres des Affaires Sociales, derrière mon ministre, ou en tant que ministre, depuis 20 ans c'est la première fois que nous arrivons à traiter de manière précise et quantifiée des objectifs en matière d'emploi au niveau européen.
Je considère que ces plans nationaux d'action pour l'emploi, qui doivent beaucoup au travail effectué par le Président en exercice du Conseil, qui était le Premier ministre du Luxembourg, au moment où ils ont été adoptés et qui n'a pas accepté que nous restions dans des formulations générales mais que chaque gouvernement s'engage sur des objectifs quantifiés et vérifiables, sont des éléments essentiels dans plusieurs domaines, à la fois sur le nouveau départ (car c'est ainsi que cela a été appelé pour les jeunes sans qualification et les chômeurs de longue durée), sur le travail que nous pouvons être amenés à faire pour les personnes handicapées, sur la meilleure intégration des femmes sur le marché du travail mais, au-delà, sur la surveillance multilatérale et l'échange de bonnes pratiques.
Nous n'en sommes qu'au début et je ne peux pas vous dire aujourd'hui : « C'est formidable, nous avons tout appris des uns et des autres », mais nous commençons à échanger sur ce que nous faisons.
Nous concernant, les emplois jeunes ont beaucoup intéressé nos voisins : Tony Blair a mis en place cette disposition dans le cadre de son « new deal », en partie, les Hollandais également et, aujourd'hui nous sommes questionnés par les Espagnols et les Italiens sur ce programme.
A l'inverse, je suis extrêmement intéressée de comprendre et de voir ce qui se passe en Italie sur le développement local, où les Italiens ont réussi à faire travailler en réseau les PME, les secteurs bancaire et industriel autour de démarches qui ne sont pas éloignées de celles que soulevait M. Pierre Méhaignerie, à savoir une mise en cohérence dans les bassins d'emplois entre les collectivités locales, le secteur financier et les entreprises.
Nous savons très bien que notre pays centralisé, peut-être au niveau de l'État mais tout autant au niveau des banques et des grandes entreprises, est aujourd'hui un frein au développement local et à celui des PME alors que c'est là où se trouve l'emploi de demain.
Je pense que le MEDEF a un rôle important à jouer en la matière et quand nous voyons que la grande distribution serre de manière extrêmement forte les petites et moyennes entreprises, que les grandes entreprises françaises ont toujours des délais de paiement extrêmement élevés par rapport à leurs sous-traitants, que le secteur bancaire français s'intéresse beaucoup moins au développement régional et local peut-être parce que nous avons moins de banques régionales et locales, ce n'est pas par hasard que les banques installées régionalement, aident aujourd'hui au développement des PME
Si le MEDEF a un rôle à jouer, c'est aussi de voir au sein des entreprises comment effectivement aider à leur développement et non pas à leur étranglement comme c'est le cas actuellement dans certains secteurs.
Ce qu'on fait les Italiens en la matière nous intéresse profondément. De la même manière, nous regardons les Pays-Bas - non pas pour sortir, comme ils l'ont fait, des centaines de milliers de personnes du chômage pour les nommer « handicapées », car c'est une réduction du chômage qui ne me paraît pas extrêmement saine- et nous tentons à l'inverse de faire que ceux que l'on appelle des « handicapés sociaux » et que je ne me résous pas à considérer comme devant rester dans l'assistance, entrent au coeur du marché du travail.
En revanche, autour du travail à temps partiel, nous avons vu, sur le développement d'un temps choisi, des éléments intéressants aux Pays-Bas qui peuvent nous interpeller.
J'ajoute que le Premier ministre part au Danemark, demain et après-demain, pour regarder les exemples danois en matière de créations d'emplois où des expériences peuvent nous être utiles. Je ne pense pas pouvoir dire que les plans nationaux d'action pour l'emploi nous ont permis d'aller très loin en la matière mais qu'une dynamique commence.
M. Gérard Bapt.- Nous passerons au problème de l'allégement des cotisations patronales, sachant que vous ne pourrez pas répondre à toutes nos interrogations sur des questions en cours de réflexion et d'arbitrage au sein du gouvernement pour être ensuite examinées par le Parlement.
A été annoncée la réforme de la ristourne unique dégressive avec l'augmentation à 1,8 fois le SMIC du plafond de salaire auquel cette ristourne nouvelle mouture s'appliquera. Pourriez-vous donner quelques informations à cet égard ?
De plus, à l'occasion de l'examen du rapport sur le problème de la réforme du prélèvement social de l'entreprise, il a surgi ici - et je parle sous le contrôle de mes collègues de l'opposition - un consensus pour une réforme qui aurait pris en compte la référence à la valeur ajoutée dans ce prélèvement social.
Des interrogations se posent, concernant le type de financement de cette mesure - quelque 20 milliards de francs - s'agissant soit d'une recette quelque peu aléatoire, la base de l'impôt sur les sociétés, qui par ailleurs peut être considérée comme pouvant donner lieu à délocalisation de la part de groupes multinationaux et d'autre part, l'assiette éco-taxe qui semble ne pas être très adaptée à l'idée de pérennité de la ressource de la protection sociale concernant une taxe qui vise à limiter l'effet de pollution et de production de CO².
M. Augustin Bonrepaux, Président.- Il faut tout d'abord en rester à notre rôle d'évaluation et de contrôle et passer ensuite aux questions qui peuvent vous intéresser.
Madame la ministre, il conviendrait que vous nous indiquiez quels sont les défauts des mécanismes qui existaient jusqu'à présent, en particulier de ceux de la ristourne dégressive qui appelle des corrections, et ce que vous envisagez de faire pour la corriger.
Cela nous avait conduits à soumettre ces questions des aides à l'emploi à une étude dans le cadre de l'Office, car nous ignorions quels étaient les effets de cette ristourne.
Pouvez-vous nous dire les effets de cette réforme et les défauts du mécanisme qui appellent des corrections ?
M. Philippe Auberger, co-Président.- Vous avez raison, Monsieur le Président, il faut recadrer notre débat. Nous sommes une Mission d'Evaluation et de Contrôle. Nous n'avons pas à nous saisir des projets qui ne sont pas élaborés par le gouvernement.
Quand vous êtes venue, Madame Aubry, à différentes reprises devant la Commission des Finances, vous nous aviez dit que vous vous posiez des questions sur la ristourne Juppé que vous trouviez coûteuse, qu'elle conduisait à des effets d'aubaine et que les chiffres de créations d'emplois qu'elle avait pu générer étaient sans doute faibles.
C'est le constat que je croyais avoir entendu les années précédentes.
Nous n'avions pas d'éléments précis et je crois que nous n'en avons toujours pas, pour savoir si nous pouvons partager ce jugement ou pas. Nous souhaiterions savoir, alors que vous allez réutiliser - si nous avons bien compris ce que nous a expliqué hier M. Dominique Strauss-Kahn - en quoi ces 43 milliards de francs sous une autre forme de ristourne qu'il a dénommée la « ristourne Aubry »
En quoi la ristourne Aubry/Strauss-Kahn sera-t-elle différente de la ristourne Juppé et permettra-t-elle de remédier aux défauts que vous aviez décrits concernant cette dernière ?
M. Jean-Jacques Jégou.- Sur l'expression de recyclage qui a été employée par le ministre en Commission de Finances hier, je suis tout à fait d'accord avec les propos du Président Auberger sur le fait que notre mission d'évaluation et de contrôle est de voir la façon dont varieront les aides et quels sont les changements qui peuvent advenir sur l'utilisation de l'argent public.
Mme Martine Aubry.- J'ai été amenée à plusieurs reprises à parler de ce problème des bas salaires et j'aimerais, Monsieur Auberger, que vous vous reportiez à ce que j'ai dit et écrit.
J'ai écrit deux livres qui comportent chacun un chapitre sur ce sujet et nous avons eu un débat extrêmement important lors de la proposition de loi présentée par M. Barrot sur les charges sociales, l'année dernière au mois de décembre. Je n'ai jamais dit que la ristourne dégressive était trop coûteuse et avait entraîné des effets d'aubaine. Je lui ai fait d'autres critiques que je rappellerai.
Je vous cite ce que j'ai déclaré le 30 janvier 1998 lors de la discussion de cette proposition de loi : « Que ce soit au moment de la discussion du budget ou lors de l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale, ou tout au long des derniers jours, j'ai toujours dit très clairement que nous estimions nous aussi dans notre grande majorité qu'il y avait dans notre pays un véritable problème des charges pesant sur les bas salaires ».
J'ai repris les critiques que j'apportais aux systèmes qui avaient été mis en place.
Il existe un problème de coût du travail sur les bas salaires, les emplois non qualifiés dans notre pays. Nous ne sommes pas les seuls, l'ensemble des pays de l'OCDE, ont plus ou moins été confrontés à cette question, l'Allemagne et les Pays-Bas, ces derniers ayant baissé les charges sociales. L'Allemagne a des salaires réels trop élevés et nous-mêmes avons une part des charges sociales (et non pas un salaire de base) élevée, qui entraîne un coût du travail des salaires non qualifiés aujourd'hui important, pose problème au moment de l'intensification de la concurrence internationale et doit nous amener à y réfléchir.
La réponse que nous souhaitons apporter n'est pas celle de certains pays anglo-saxons, à savoir de baisser le salaire réel et d'avoir une flexibilité du salaire versé au salarié vers le bas, mais de s'intéresser au financement de la Sécurité Sociale et aux charges sociales qui portent sur les salaires dans notre pays.
C'est, d'après moi, le même raisonnement qui a entraîné le gouvernement précédent à mettre en place la ristourne dégressive. Je n'en conteste pas les objectifs ni le diagnostic puisque nous avons fait le même. Je ne dis pas qu'il soit trop coûteux, car je m'apprête à le multiplier par 2,5 et je ne dis pas, non plus, qu'il a donné lieu à des effets d'aubaine car, autant quand nous instituons un dispositif du type initiative emploi nous mesurons le nombre de chômeurs de longue durée de plus, qui sont embauchés par rapport à la période antérieure autant, quand il s'agit d'exonération de bas salaires, il est extrêmement difficile d'en mesurer la part dans les créations d'emplois qui auraient lieu par la suite.
Tous les économistes nous disent qu'effectivement sur le moyen et le long terme, nous sommes capables de mesurer l'effet en termes de créations d'emplois d'une baisse des charges sociales sur les bas salaires. C'est l`élément qui nous intéresse aujourd'hui.
Concernant la ristourne mise en place par les gouvernements Balladur et Juppé, les économistes et les études qui ont été réalisées démontrent que la création d'emplois liée à ces 45 milliards de francs de ristourne dégressive est de l'ordre de 40 000 chaque année pendant 5 ans. Ces chiffres peuvent paraître faibles.
Un million de francs par emploi, par rapport à la RTT ou aux emplois jeunes, c'est beaucoup plus cher. Mais j'ai dit moi-même -Monsieur Auberger, et je vous demanderai d'avoir la gentillesse de vous reporter à ce débat- que je ne considérais pas qu'il fallait s'appuyer sur ces chiffres pour estimer qu'il ne fallait rien faire, car nous étions dans une période de crise.
On n'embauche pas parce qu'on a moins de charges sociales mais quand on a des besoins et, dans une période où la consommation était très basse, les années précédentes, où la croissance n'était pas là, ce n'est pas le fait de baisser les charges sociales qui génère de l'embauche.
Ma conviction profonde est qu'il y aura des créations d'emplois ou des emplois préservés et je crois qu'il faut le dire aujourd'hui alors que notre pays traverse sur le textile et l'habillement une crise majeure liée au fait, non pas seulement des compétiteurs extérieurs, de la Corée ou autres, mais que des pays comme la Turquie et le Portugal ont été aidés par les fonds de la Communauté Européenne pour se moderniser et nous font une concurrence effrénée y compris sur des produits de qualité.
J'ai traité ce sujet avec M. Van Miert car le plan Borotra était considéré comme illégal mais, en même temps, on ne peut pas aider d'autres pays de l'Union Européenne à se développer et à nous faire concurrence par d'autres biais, si nous n'avons pas le droit d'aider nos entreprises. Ce débat est clair.
Pour les secteurs exposés à la concurrence internationale, préserver les emplois en FRANCE et éviter les délocalisations, c'est aider à la baisse des charges sociales. De la même manière, pour beaucoup d'entreprises du commerce et de l'artisanat, les services aux personnes et les services de l'environnement, nous devons baisser le coût du travail, notamment non qualifié, et des bas salaires si nous souhaitons voir développer l'emploi plus rapidement que ce qui aurait lieu normalement.
Je pense à tous les problèmes des services aux personnes et de l'environnement. Ma conviction profonde est que nous devons faire cette réforme. J'ai critiqué la méthode qui a été utilisée par le précédent gouvernement sur les modalités et le mode de financement et non pas les objectifs.
Sur les modalités, parce que je crois au contraire que cette réforme était la moins coûteuse par rapport aux effets qui ont été entendus. La mise en place de cette pente extrêmement brutale a fait que l'on pouvait afficher une baisse du coût du travail jusqu'à 1,3 SMIC, mais la vérité est qu'il baissait véritablement entre le SMIC et 1,1 SMIC. A 1,2 SMIC, c'était négligeable et à 1,3 SMIC on était pratiquement à zéro.
Les baisses ont été concentrées, pour en limiter le coût, en bas de l'échelle des salaires, ce qui a eu sans doute un effet en matière d'emploi et nous le mesurerons dans l'avenir, mais également un effet social extrêmement lourd qui est un effet de trappe à bas salaires ainsi que de pousser les entreprises à rester avec des bas salaires afin de pouvoir bénéficier de ces réductions de charges sociales.
J'ai critiqué les modalités choisies et nous travaillons au contraire sur une courbe lissée qui n'entraîne pas cet effet de rupture et ce cassage qui est une trappe à bas salaires dans notre pays.
Nous en avons critiqué le mode de financement puisque cette ristourne dégressive de 45 milliards de francs a été financée par une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée qui en a limité les effets, car l'augmentation de la TVA est supportée par les ménages et, dans une période où il était nécessaire de relancer la consommation, on a « tapé » sur la consommation. Cela n'a pas été financé par les entreprises, vous l'avez suffisamment dit pour que cela puisse être repris, mais quand ce ne sont pas les entreprises, ce sont les ménages.
M. Philippe Auberger, co-Président.- Les analyses démontrent que les payeurs définitifs de la T.V.A. sont pour partie les ménages entre la moitié et les deux tiers, pour partie les administrations et pour partie un certain nombre d'entreprises qui n'ont pas la possibilité de déduire la T.V.A. et sont encore nombreuses : la banque, l'assurance et autres où la T.V.A. n'est pas généralisée. Le partage est un peu différent.
Mme Martine Aubry.- Je ne veux pas engager de polémique dans un travail aussi sérieux. 95 % ont été payés par les ménages mais, à court terme, c'est la consommation qui en a subi les conséquences et ce n'est pas un hasard si nous nous sommes trouvés à 0,5 % au-dessous de la moyenne en termes de taux de croissance par rapport aux pays européens, alors que, depuis, nous avons relancé la consommation en arrêtant de pénaliser les ménages et, notamment, ceux qui consomment beaucoup.
En effet, ceux qui sont d'abord touchés par la T.V.A. sont les ménages qui ont une propension à consommer très élevée et dépensent tout ce qu'ils gagnent, à savoir ceux qui ont les revenus les plus bas. C'est bien un des éléments qui a contribué au fait que la consommation soit faible dans notre pays et que le taux de croissance soit inférieur à celui de nos voisins alors qu'avec la politique inverse, nous avons aujourd'hui un taux de croissance supérieur de 0,5 % à la moyenne européenne.
C'est bien parce que nous ne voulons pas agir ainsi que nous prévoyons de financer autrement cette baisse des charges sociales et ce avec trois principes :
· Une réforme qui mobilisera des moyens importants autour de 110 milliards de francs, 2,5 fois plus que la ristourne Juppé, ce qui prouve que je ne considérais pas que le montant global était trop élevé.
· Une réforme qui ne fera pas appel aux ménages, mais qui procédera par rééquilibrage entre entreprises, entre les entreprises capitalistiques et les entreprises de main-d'oeuvre dans un objectif d'aider les PME, les entreprises de main-d'oeuvre et les entreprises créatrices d'emplois.
· Une réforme qui supprimera la trappe à bas salaires.
A partir de là, je pense que votre commission peut être, je l'espère, dans sa totalité d'accord avec ce que je dirai, car vous tentez d'examiner la bonne utilisation des fonds publics.
Quand on met 1 F d'aide aux entreprises, est-on certain que cela a un effet ? Vous comprendrez pourquoi nous avons voulu lier cet élément aux 35 heures. Nous pensons que pour s'assurer que cette réduction des charges sociales ait une contrepartie, nous devons nous mettre dans une logique de l'affecter aux entreprises qui entrent dans une démarche favorable à l'emploi.
C'est parce qu'il n'est pas possible - et nous le savons tous - de mesurer un effet positif en matière d'emplois que nous ne pouvons pas lier la réforme des charges sociales aux seules entreprises qui créeraient de l'emploi. Ce serait aberrant, car nous serions amenés à aider les entreprises qui sont sur les marchés porteurs comme la téléphonie et à ne pas aider l'habillement qui se bat pour rester dans notre pays pour créer et préserver des emplois. L'indicateur création d'emplois n'est pas à lui seul le bon indicateur.
Il nous faut en revanche aider les entreprises qui se mettent dans une démarche favorable à l'emploi pour les préserver comme pour les créer.
C'est la raison pour laquelle nous avons pensé que l'accroche aux 35 heures, à savoir à des entreprises qui, de toutes les façons vont créer ou préserver de l'emploi dès lors qu'elles passent de 39 heures horaire collectif à 35 heures, était le meilleur moyen de nous assurer d'une contrepartie en matière d'emplois, qu'ils soient préservés ou créés.
Il existe un grand débat dans notre pays sur le fait que les emplois préservés ne sont pas des emplois. Parlez-en à ceux qui vont être licenciés et s'inscrivent à l'ANPE Ils considèrent que quand ils gardent leur emploi, cela a un effet sur l'emploi.
C'est bien pour cette raison que nous avons souhaité raccrocher cet élément aux 35 heures. Nous sommes là pour parler du passé et non pas de l'avenir, mais cela me permet de le dire : si nous accrochons cette baisse des charges aux 35 heures, ce n'est pas essentiellement pour compenser le coût des 35 heures, mais pour aller au-delà, et l'accroche aux 35 heures vise essentiellement notre volonté d'apporter cette baisse de charges sociales aux entreprises qui entrent dans une démarche de création ou de sauvegarde d'emplois par les 35 heures.
Financer le surplus au-delà du coût de la durée du travail, 25 milliards de francs en partie par l'impôt sur les sociétés et en partie sur une éco-taxe, me paraît aller en partie dans le sens que M. Gérard Bapt proposait, qui était de l'asseoir sur la valeur ajoutée qui implique les salaires, les impôts, et l'amortissement (ne pas taxer les impôts et l'amortissement ne paraît pas poser de problème) et les résultats, à savoir les profits, les résultats financiers et les placements qui peuvent être utilisés à l'investissement ou distribués ou placés.
C'est sur cette partie que nous allons financer pour la moitié la réduction complémentaire des charges sociales, uniquement pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.
Cela signifie - et je reviens à la valeur ajoutée -, que nous touchons là une partie de la valeur ajoutée qui n'était pas jusqu'à présent sollicitée pour financer la Sécurité Sociale. C'est la partie qui nous intéresse car, dans le fond, avec une assiette valeur ajoutée (un prélèvement de 1 % fait 55 milliards de francs), les 12,5 milliards de francs dont nous parlons équivalent à un peu plus du tiers des 55 milliards de francs de l'assiette valeur ajoutée. Puisque les salaires font 60 % de la valeur ajoutée, nous sommes dans la même logique.
Quant à l'éco-taxe, dont le ministre de l'Economie et des Finances s'occupe et même si je ne parle pas sur les dossiers de mes collègues qui les suivent particulièrement efficacement, je note que de toutes les façons, nous l'aurions eue, car elle sera une obligation au niveau européen. Les Allemands et les Anglais l'ont déjà mise en place et les Italiens s'y emploient.
Nous n'avons pas souhaité, comme les Allemands ou les Italiens, en faire seulement une contribution complémentaire sur les entreprises, mais affecter le produit de cette contribution, que nous aurions de toute façon faite, à la baisse des charges. Nous la redistribuons donc au sein des entreprises. Globalement, il n'y aura pas de prélèvement supplémentaire sur les entreprises, mais bien un transfert par cette éco-taxe et l'impôt sur les sociétés des grandes entreprises capitalistiques, vers les petites entreprises ou les entreprises de main-d'oeuvre.
M. Gérard Bapt.- Concernant le problème de forme sur laquelle je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais insiste sur la visibilité budgétaire concernant la façon dont un fonds d'affectation spéciale pourrait être créé et, de ce fait, sortirait du budget Travail et Emploi. Sans doute pourrons-nous en reparler dans le débat de la loi de finances ?
Avec la question de l'aide pérenne que M. Jégou, souhaite soulever, nous vous demandons de préciser si cette aide sera réservée aux entreprises qui sont entrées dans la loi d'orientation et d'incitation et sera la continuation des aides incitatives déjà données, ou si elle aura vocation à aller à toutes les entreprises et à être un complément d'allégement général des charges sociales, si elle est destinée à toutes les entreprises qui respecteraient ce qui sera la loi, à savoir le passage aux 35 heures de la durée hebdomadaire légale.
Mme Martine Aubry.- Nous décomposons aujourd'hui le problème puisqu'il existe des modes de financement différents. Pour l'entreprise, il y aura une annonce d'un barème général d'abaissement des charges sociales qui additionnera les 45 milliards de francs de la ristourne Balladur Juppé, les 40 milliards de francs de l'aide structurelle et les 25 milliards de francs de l'aide complémentaire : l'ensemble, 110 milliards de francs environ, donnera lieu à une baisse des charges sociales qui ira entre le SMIC et 1,8 fois le SMIC pour se terminer par l'aide structurelle de l'ordre de 4 000 F.
C'est bien un dispositif que nous mettons en place et qui sera réservé dans sa globalité aux entreprises qui seront passées à 35 heures. C'est un accompagnement de la loi mais, de toutes les façons, elles auront passé un accord sur les 35 heures.
M. Philippe Auberger, co-Président.- Elle peuvent faire 37 h ou 38 heures.
Mme Martine Aubry.- Elles ne le peuvent pas. Nous connaissons ce problème par coeur.
M. Philippe Auberger, co-Président.- M. Strauss-Kahn nous a dit le contraire.
Mme Martine Aubry.- Il vous a peut-être parlé d'une phase de mise en place.
M. Philippe Auberger, co-Président.- Hier, peut-être sur une question de M. Méhaignerie ou de moi-même, M. Strauss-Kahn nous a dit qu'il n'y aurait pas de conditions nouvelles imposées à la ristourne Juppé et qu'elle ne serait pas liée aux 35 heures.
Mme Martine Aubry.- La ristourne Juppé perdure pour tous ceux qui ne passent pas à 35 heures. Nous ne revenons pas en arrière. M. Strauss-Kahn a eu raison de s'exprimer ainsi, mais la réforme que nous mettons en place, à savoir l'allégement bien plus important des charges sociales, s'appliquera aux entreprises qui réduisent la durée du travail à 35 heures. Elles peuvent faire quelques heures supplémentaires, mais ne peuvent pas dire : « Je passe un accord à 35 heures et je me place à 37 heures ou 38 heures tout au long de l'année ».
Toutes les aides qui existent depuis 1981 sur les CES, durée du travail, l'aide incitative que nous avons mise en place, nous amènent à vérifier que l'entreprise ne dit pas : « Je signe formellement un accord à 35 heures et je me mets à 37 ou 38 heures ». Au-delà de ce point, il n'y aura pas de conditions complémentaires. C'est un accompagnement qui vise bien évidemment à aider et à inciter les entreprises à passer aux 35 heures, mais c'est un accompagnement qui va au-delà du coût de la RTT
M. Pierre Méhaignerie.- Cette politique peut être intéressante dès lors que conjointement l'État parvient à assurer une maîtrise des dépenses publiques. Cette politique peut être parfaitement valable et justifiée dès lors que nous n'appliquons pas la même politique à tout le secteur public avec les conséquences qu'il y aurait sur la dépense publique.
Mme Martine Aubry.- J`entends votre remarque, mais je ne réponds pas à une question qui n'est pas encore arbitrée et, compte tenu que je m'occupe essentiellement du régime général, je préfère limiter mes réponses à ce champ.
M. Philippe Auberger, co-Président.- J'ai une question que peut-être le rapporteur spécial n'a pas osé poser, mais qui résultait de ce qui a été dit hier par M. Strauss-Kahn : sur les trois parties du financement (les 43 milliards de francs de la ristourne Juppé, les 25 milliards de francs des deux nouvelles mesures fiscales et environ 45 milliards de francs improprement appelés « recyclage »). Dans ce montant, si nous avons bien compris, une partie concerne l'UNEDIC, une autre la protection sociale, et une troisième le budget de l'État.
Sur cette dernière, je me permets de vous interroger dans la mesure où vous pouvez nous donner des indications. Votre budget sera-t-il mis à contribution pour cette partie, ou celui des charges communes concernant l'emploi risque-t-il d'être mis à contribution ? Dans l'affirmative, sur quel domaine particulier il y aurait-il « recyclage » de fonds budgétaires ?
Mme Martine Aubry.- Bien évidemment, l'État prendra sa part dans ce recyclage pour la part des entrées en termes d'impôts. De plus, il faut bien le dire, nous aurons des réductions, par exemple de dépenses RMI ou allocation de solidarité spécifique dès lors que le chômage s'améliorera. Cet élément doit être pris en compte dans la clé du recyclage. Nous sommes en pleine discussion avec l'UNEDIC avec qui nous avons de nombreux dossiers à traiter car, depuis quelques années, quantités de contentieux n'ont pas été résolus.
S'il n'y avait que le problème du recyclage à traiter, je m'en tirerai assez bien. Si je n'avais pas d'autres engagements pris et non résolus, ce serait plus facile.
Il aurait été préférable que l'ancien ministre des Finances et l'ancien ministre du Travail ne signent pas une lettre non seulement laissant, de manière définitive, les milliards donnés mais, également, en s'engageant à reprendre un prêt, dans quelques semaines, de 10 milliards de francs. Cet accord a été signé et c'est la première fois qu'un État signe un accord sans y mettre aucune clause de retour à bonne fortune.
C'est dire qu'en évoquant la bonne utilisation des crédits de l'État, il existe d'autres sujets à traiter que ceux dont nous avons parlé ce matin.
M. Augustin Bonrepaux, Président.- Nous observons qu'un certain nombre d'entreprises, dont par ailleurs les résultats ne sont pas négligeables, prévoient de licencier pour améliorer leurs résultats. Dans ces conditions, comment le Fonds National pour l'Emploi se comporte-t-il ? Laisse-t-il les entreprises réduire les emplois et donc améliorer les comptes, ce qui serait finalement au détriment des contribuables ?
Mme Martine Aubry.- Il faut répondre en plusieurs temps. Ainsi que je vous l'ai dit, le Fonds National pour l'Emploi qui finance essentiellement les préretraites et ce, à 80 % par l'État a, dans mon esprit, pour vocation d'aider les entreprises en grande difficulté, ou les régions, ou les secteurs où il existe des licenciements importants avec des personnes qui auraient du mal à retrouver un emploi.
Vous vous souvenez que j'avais eu un petit conflit avec M. Jacques Calvet en 1992 parce que j'avais considéré que le fait que l'État verse 1 milliard de francs par an en préretraites au secteur automobile se justifiait peut-être au moment de la grande crise automobile, mais ne se justifiait plus quand le résultat des entreprises devenait positif.
Cette logique m'a amenée, dès mon arrivée en juin 1997, à prévenir les entreprises automobiles qu'il n'y aurait plus un 17ème et un 18ème plan social en 1998 et 1999 comme c'était le cas depuis 16 ans dans notre pays, et que le milliard versé chaque année en moyenne aux entreprises automobiles, au titre des préretraites, n'avait plus beaucoup de raison d'être au moment où elles affichaient des milliards de résultats.
Cela étant dit, je ne veux pas en tirer pour conséquence qu'un groupe, parce qu'il fait des résultats, ne devrait effectuer aucun mouvement de restructuration en son sein. Il est très possible d'envisager que, dans certains secteurs, des licenciements soient nécessaires pour s'adapter, bien que l'on gagne de l'argent par ailleurs et je ne pense pas que le fait de réaliser des résultats interdise de licencier. Il existe des nécessités de restructuration.
En revanche, ma conviction a toujours été la même : nous devons demander aux entreprises de contribuer à la hauteur de leur situation financière. La qualité du plan social - j'ai écrit à mes Services dès le mois de septembre 1997 - et la négociation entre l'État, ses représentants, la Direction Départementale du Travail et les entreprises sur la qualité du plan social, doivent dépendre de la situation de l'entreprise.
Nous devons être extrêmement sévères pour financer des préretraites si l'entreprise gagne de l'argent et ne fait pas elle-même des efforts pour replacer ses salariés, pour aider des entreprises à revenir dans son bassin d'emplois. C'est cette logique qui est aujourd'hui la nôtre quand nous parlons avec les entreprises.
Cela me semblait néanmoins insuffisant et il fallait aller au-delà.
C'est la raison pour laquelle, ainsi que je vous l'ai dit précédemment, je suis allée parler avec la Commission Européenne d'un nouveau dispositif de départ de retraite qui entraînerait une aide de l'État moins importante et s'appliquerait à des salariés qui auraient du mal à retrouver un emploi s'ils étaient licenciés du fait de leur âge ou de leur usure au travail, où l'État interviendrait de manière moins importante sur le plan financier, car les entreprises seraient susceptibles d'en financer en grande partie le coût.
M. Augustin Bonrepaux, Président.- Je vous remercie, Madame la ministre, des réponses très complètes que vous avez apportées.