3.- AUDITION DE MM. GILBERT HYVERNAT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA) ET JEAN-FRANÇOIS DANON, DIRECTEUR FINANCIER

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 8 avril 1999)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Gilbert Hyvernat et Jean-François Danon sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses. Il donne ensuite la parole, pour une première question, à M. Jacques Barrot, rapporteur spécial des crédits de la formation professionnelle.

 M. Jacques Barrot, rapporteur général : Monsieur le président, je serai bref. Pour l'intérêt de l'audition de M. Hyvernat, il serait peut-être utile de se donner une sorte de grille et de lui demander d'abord si, à son avis, l'AFPA ayant connu une histoire mouvementée dans un paysage de la formation professionnelle qui a beaucoup évolué, est vraiment aujourd'hui au clair pour son rôle et ses missions. Quel est, dans l'ensemble de notre appareil de formation professionnelle, le rôle spécifique de l'AFPA ? Qu'est-ce qui justifie aujourd'hui le rattachement direct à une association nationale d'un tel ensemble de moyens ? En fonction de ses missions, l'AFPA s'est-elle dotée des outils lui permettant d'évaluer si elle a atteint correctement ses objectifs ?

 La deuxième question porte sur la gestion des moyens eu égard à ces missions. L'AFPA dispose d'un personnel relativement important. Sa gestion n'est-elle pas caractérisée par un excès de rigidité qui vient justement de l'organisation centralisée de l'association ? N'a-t-on pas vu dans le passé, se développer dans cette gestion un certain nombre de pratiques qui donnent le sentiment, parfois, que le personnel de l'AFPA bénéficie d'un statut relativement favorable, sans que, peut-être, ne soient consentis en contrepartie les efforts nécessaires pour s'adapter à des besoins constamment changeants ?

 Quels sont les outils de gestion ? En particulier, comment M. Hyvernat voit-il évoluer peu à peu une gestion interne des personnels qui - la vérité m'oblige à le dire - n'a pas toujours été facile, en raison d'un contexte syndical parfois tendu?

Ensuite, un troisième regard porte sur les liens entre l'AFPA et l'ANPE. On peut se demander si, dans les contrats de progrès à venir, il ne faudrait pas instaurer des rapprochements, avec l'ANPE par exemple. Par ailleurs, l'AFPA s'est-elle bien adaptée à la régionalisation de la formation professionnelle ? Sans vouloir plaider pour la régionalisation de l'AFPA, une véritable coordination ne serait-elle pas nécessaire pour optimiser les moyens et faire en sorte que l'AFPA prenne sa place aux côtés de tous les outils dont les régions disposent et dont les entreprises bénéficient par le biais des OPCA ?

 Monsieur le Président, je n'ai pas tout à fait répondu à votre désir de poser des questions très précises. J'attends, en bref, de M. Hyvernat des réponses sur trois points : les missions de l'AFPA, aujourd'hui, sont-elles suffisamment claires et évaluées dans leurs résultats ? Les moyens et la gestion des personnels sont-ils assez mobiles et leurs rémunérations suffisamment adaptées au rôle qu'ils remplissent ? Quel regard peut-on porter sur la liaison AFPA-ANPE et quels liens se créent entre les structures de l'AFPA, sur le plan régional, et les politiques dont les régions sont maintenant les chefs de file ?

 M. Gilbert Hyvernat : Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Monsieur le Ministre, que j'ai plaisir à saluer, je vous remercie de ces questions qui me permettent de traiter d'entrée des thèmes plus globaux et plus politiques sur l'AFPA, association de droit privé, mais fonctionnant dans le champ public, dans une ambiguïté relevée par le rapport de la Cour des comptes.

 Je ne suis que depuis quelques mois de retour dans cette maison, où j'ai été moniteur pendant dix ans, puis formateur de formateurs pendant six ans. Je la connais bien de l'intérieur et j'y reviens, en qualité de directeur général; en l'ayant totalement parcourue. Il est vrai que j'exerçais, quand j'étais à l'intérieur, des critiques et, maintenant que j'en suis directeur général, je retrouve les mêmes sujets, mais avec un angle d'attaque différent.

 L'un des événements particuliers et nouveaux qui a marqué mon arrivée est la signature d'un nouveau contrat de progrès pour cinq ans. Ce contrat de progrès, totalement différent du précédent, marque fortement la stratégie de l'AFPA. Il en change totalement le positionnement à l'intérieur du champ de la formation professionnelle. En résumé, il dispose l'AFPA à s'occuper essentiellement des demandeurs d'emploi adultes, dans le champ de la formation professionnelle qualifiante, le Gouvernement ayant souhaité que les moyens donnés à l'association soient fondamentalement consacrés à une tentative de résolution du problème du chômage de longue durée. Le contrat de progrès est extrêmement précis sur ce calage.

 Deuxième élément, le gouvernement a souhaité que la mission de l'AFPA soit désormais beaucoup plus dédiée qu'elle ne l'était à l'accueil, à l'orientation, au conseil, à l'accompagnement dans des parcours de réinsertion professionnelle. Cette mission n'était pas vivante à l'AFPA.

 La fonction d'orientation, qui existait auparavant au sein de l'AFPA, était essentiellement destinée à l'alimentation de son propre dispositif de formation avec ses 45.000 ou 46.000 places. Compte tenu de l'investissement fait par l'État, il était nécessaire de garantir la meilleure réussite possible au sein d'un parcours, de limiter au maximum les échecs très onéreux pour l'État. Pour ce faire, était mise, en amont du parcours de formation, une structure d'orientation ou, plus proprement de sélection.

 Le Gouvernement, dans le deuxième point du contrat de progrès, indique que, désormais, l'AFPA doit consacrer ses capacités professionnelles d'orientation, non plus seulement à son propre dispositif, mais aux dispositifs et organismes de formation qui l'environnent. De ce fait, elle a mission de recevoir un flux très important de demandeurs d'emploi en situation d'incertitude quant à leurs qualifications, marqués par le chômage en raison de déficits de qualification, de les accueillir, de les conseiller et de les accompagner tout au long d'un parcours.

 Cet élément décisif s'articule avec le troisième en ce que ce flux de demandeurs d'emploi doit transiter par l'ANPE. On ne vient pas à l'AFPA parce qu'il y a de la lumière, mais on entre dans une logique de prise en main par l'ANPE. Lorsque l'ANPE, parmi les millions de gens qu'elle rencontre, en particulier le million de chômeurs de longue durée, repère que le déficit de qualification est un empêchement majeur à la réussite d'une réinsertion, l'AFPA est l'outil public destiné à apporter réponse au citoyen mis en difficulté.

 Les indications chiffrées du contrat en disent long sur cette évolution. Si, aujourd'hui, nous recevons 80.000 à 100.000 personnes par an en orientation, à échéance du contrat de progrès, dans cinq ans, ce seront 250.000 personnes qu'il nous faudra recevoir dans notre structure, soit pour les orienter vers nos propres services, soit pour leur proposer une évolution dans d'autres organismes de formation, qu'ils soient conventionnés avec nous, ou relèvent des chambres de commerce, des chambres des métiers, etc. J'insiste sur ce point : le dispositif de formation qualifiant est un dispositif lourd.

 Les moyens attribués pour ces missions apparaissent clairement dans l'annexe 1 - la première de cinq - de ce simple contrat de progrès, lisible et très facile à saisir. Le ministère du Budget, en opposition à ses pratiques habituelles, s'est avancé sur une logique de développement, notamment dans le champ de l'orientation, en posant le principe que le développement de la commande publique, dans le monde de l'orientation, serait accompagné d'un développement de moyens à apprécier, année après année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances. Ceci permettra à l'AFPA de conduire un développement maîtrisé et rationnel par rapport à une mission nouvelle.

 L'évaluation apparaît en pointillés dans le contrat de progrès. Le problème est de donner à tous ceux qui le souhaiteraient la capacité d'évaluer ses acquis, de faire le point sur son métier avant d'entreprendre une formation ou un changement d'activité. La France recherche des solutions et un large débat a eu lieu dans la presse, pour savoir s'il fallait passer par une recherche de certification de compétences, de qualification. Le débat n'est pas uniquement sémantique, il est autrement politique. Mme Nicole Péry, secrétaire d'État à la formation professionnelle, a indiqué clairement - cela apparaît également dans le livre blanc - qu'elle souhaitait que l'AFPA puisse participer à la mission d'évaluation pour tous ceux qui pourraient le souhaiter, dans le champ de ses compétences et en tant que service public et gratuit.

 Le contrat pointe une autre mission, qui aujourd'hui n'existe pas au sein de l'AFPA, sauf pour ses propres populations : ouvrir sa compétence en matière d'évaluation des qualifications en direction de publics variés. En soulignant ce changement, monsieur le ministre, je réponds à votre première question sur le recentrage de cette maison. Le contrat de progrès est un élément absolument décisif qui met en jeu la part de responsabilité prise par l'AFPA, dans le champ public, pour la réduction du chômage de longue durée et la lutte contre l'exclusion.

 L'AFPA, aujourd'hui, ce sont environ 220 centres de formation et 180 centres d'orientation. Dans mon jargon, je dis que tout citoyen devrait trouver, grâce à un maillage assez fin, une gamme de services dans chacun des centres AFPA proches de sa région, de son département, de son domicile. Il doit y avoir un désenclavement. La donne du nouveau contrat de progrès nous oblige à rentrer dans une logique de services au public totalement ouverte, déployée et qui n'a plus rien à voir, à mon sens, avec l'AFPA des années antérieures.

 La seconde question est d'une grande difficulté et assez passionnante. Je sors d'une réunion du comité central d'entreprise de l'AFPA, qui comprend environ soixante personnes autour de moi. Il représente un partenariat social extrêmement vigoureux à l'intérieur de la maison, historique - cette maison a 50 ans - et qui s'est opposé hier, très clairement, au projet, que Jean-François Danon et moi conduisons, de mise en place du contrôle interne, appelé par les voeux de nos tutelles depuis au moins dix ans.

 Nous nous y sommes enfin décidés et avons mis au vote hier, lors du comité d'entreprise, ce projet de réforme profonde de la gestion interne. Il y a eu un vote négatif de l'ensemble des partenaires sociaux, qui ne supportent pas l'idée que l'on puisse revoir, à l'intérieur de la maison, le dispositif de comptabilité, de gestion et d'ordonnancement des dépenses. Il est inacceptable que cela dure. Nous ferons donc avancer le projet, mais quand nous rentrons dans une logique de gestion des personnels, les choses sont alors moins faciles qu'il pourrait y paraître.

 Cela dit, des progrès considérables ont été faits depuis la dernière visite de la Cour des comptes et sous la pression des ministres de tutelle successifs. Ils ont porté en particulier, sur un point statutaire fondamental. L'AFPA disposait d'un statut hybride et ambigu, avec un rattachement très fort aux arsenaux militaires, qui remonte à l'année 1968 et qui implique une indexation automatique de la valeur du point de salaire et des avantages sociaux divers. Dès 1996 et 1997, un changement fut engagé au sein de l'institution et le précédent directeur général, avec un grand courage, réussit à casser ce système pour le remplacer par un autre, plus propre à notre époque, dans lequel on repérera deux choses : tout d'abord, il y a désormais une négociation salariale annuelle, au mois de mars, et l'évolution des salaires se discute comme dans tous les établissements publics aujourd'hui, sur les mêmes bases...

 M. Jean-Jacques Jegou : Vous n'êtes pas un établissement public. Vous parlez de comité central alors que vous êtes une association loi 1901... N'est-ce pas déjà une première contradiction ?

 M. Gilbert Hyvernat : Ce n'est pas une contradiction, mais permettez-moi de souligner que j'ai dit « comme ».

 M. Jean-Jacques Jegou : Non, vous avez dit « dans un établissement public... »

 M. le Rapporteur spécial : Vous avez bien dit « comme dans un établissement... »

 M. Gilbert Hyvernat : J'ai dit que nous rentrions dans des discussions salariales, puisque la seconde question posée concernait la gestion des personnels. Comme dans toute grande entreprise, nous la gérons avec un encadrement salarial, mais en fonction de normes et de règles qui nous sont largement imposées par le règlement des tutelles. L'époque du lien avec le secteur des arsenaux est totalement terminée aujourd'hui. Nous avons une négociation salariale interne.

 Par ailleurs, la gestion du personnel a été largement déconcentrée. Les effectifs sont d'environ 10.800 aujourd'hui en équivalent temps plein, soit une stabilisation, pratiquement, depuis quatre ans, mais dans une logique totalement inversée par rapport à celle des années antérieures. En effet, désormais, à la différence de l'ANPE, la gestion du personnel de l'AFPA ne part pas d'une attribution de moyens en effectifs, mais du volume de la commande publique et de son prix. C'est à l'AFPA de décider de la façon dont et avec quels types de personnels elle va remplir sa commande publique.

 Ceci fait que nous pourrions être amenés à pratiquer des plans sociaux. En effet, en fonction de l'évolution de la commande publique, l'effectif devra bouger pour s'adapter, c'est tout à fait évident. En observant les recettes de l'AFPA, trois-quarts venant de l'État et un quart du champ déconcentré (collectivités territoriales et entreprises), on voit que l'équilibre de cette " entreprise " tient maintenant à sa production. Il n'y a plus aucun lien inébranlable entre des structures externes et la quantité de ses effectifs. Ils sont désormais reliés à la qualité et à la quantité de la production propre de l'AFPA.

 La désindexation, selon les indications que le directeur financier me donnait, hier soir encore, représente, pour l'AFPA, une économie pour le budget de l'État d'environ 60 à 70 millions par an. Depuis trois ans ce sont donc près de 200 millions que l'AFPA a dépensés en moins dans la gestion de ses salariés.

 Les liens entre l'AFPA et l'ANPE prennent désormais la forme d'une relation structurée qualifiée par le contrat de progrès, à la demande des ministres de tutelle, de services intégrés entre l'ANPE et l'AFPA. Cette relation avec l'ANPE va toucher deux volets majeurs : l'accueil pour l'orientation vers la qualification de demandeurs de l'emploi qui le nécessitent, et le placement de tous ceux et celles qui viennent se former dans les centres de l'AFPA - qui ne sont pas en fonctionnement simplement local, mais parfois interdépartemental, voire régional ou national - et pour lesquels l'appui de l'ANPE pour renforcer l'utilité de la formation et réussir le placement, est évidemment à consacrer contractuellement.

 Les deux établissements restent totalement autonomes et indépendants quant à leur statut et leurs modalités de direction, mais désormais des conventions, supervisées par notre ministère de tutelle, nous lient à travers l'activité de production.

 La régionalisation de la formation professionnelle pose problème pour notre relation avec l'ANPE. L'ANPE représente environ huit cents agences locales pour l'emploi, distribuées de manière assez fine sur le territoire et en fonction des problématiques d'emploi. La structure de l'AFPA, historiquement, n'a pas été distribuée ainsi, mais beaucoup plus en fonction de paramètres autres que ceux mêmes de l'emploi, sauf quand ces critères d'emploi ont été pris en compte pour répondre aux besoins particuliers d'une région. Certains départements comptent plusieurs centres de l'AFPA, d'autres, aucun. Le dialogue avec l'ANPE peut s'avérer, dans telle ou telle région, plus difficile que dans d'autres parce que les représentations ne sont pas harmonisées.

 La question des financements de la formation professionnelle dans le champ décentralisé-déconcentré pousse plus loin. Nous sommes persuadés que l'évolution de la maison se fera, non seulement par rapport au développement de la commande publique nationale, mais surtout par rapport au développement de la commande régionale et locale. Trois types de commandes lui sont passés au niveau décentralisé-déconcentré.

Les services publics déconcentrés de l'État, autour du DRTEFP et du préfet, peuvent impliquer l'AFPA dans la mise en place de stages CIF ou d'actions concertées à l'intérieur de la politique de globalisation.

 Des conseils régionaux, jusqu'alors prudents par rapport à l'AFPA et qui participaient de manière inégale à la subvention de ses investissements, nouent aujourd'hui ici ou là des partenariats pour la formation de demandeurs d'emploi ou pour le conseil et l'orientation.

 La Cour des comptes avait enfin présenté des observations sur le développement des activités sur le marché privé de la formation professionnelle. C'était l'axe politique de la précédente direction générale, mais l'objectif n'avait pas réussi à être atteint. Les entreprises représentent, aujourd'hui, environ 500 millions de francs dans les recettes de l'AFPA sur un total de 5 milliards. De ces 500 millions, seuls 150 millions sont liés aux plans de formation des entreprises, le solde étant lié aux contrats de qualification et aux congés individuels de formation, qui sont des mesures sur lesquelles le champ public peut s'investir normalement.

 Nous avons essayé de ralentir, voire même de faire cesser, le développement d'activités dans le champ privé de la formation professionnelle continue. Nous avons à travailler avec le secteur des entreprises et des branches, mais sans aller au-delà de notre utilité et nous devons certainement - c'est ma décision - ne plus rentrer dans des logiques de concurrence. A mon sens, notre maison n'est pas équipée pour agir dans la transparence et la clarté entre des crédits d'État, d'une part, et des crédits qui viendraient d'entreprises finançant leurs actions de formation professionnelle, d'autre part.

 M. Didier Migaud, Rapporteur général : Notre sentiment est que les résultats, en matière de formation professionnelle, ne sont pas à la hauteur des crédits qui lui sont affectés. Il a été conforté par les rapports de la Cour des comptes et par les auditions auxquelles nous procédons depuis quelque temps.

 Vos premiers propos nous confortent également dans l'impression d'une contradiction extraordinaire. Ceux qui sont chargés de l'évaluation des autres sont, semble-t-il, incapables d'évaluer eux-mêmes leur propre fonctionnement, ce qui pose, pour les parlementaires que nous sommes, une question redoutable.

 Même si j'ai le sentiment qu'un certain nombre de progrès ont pu être réalisés depuis le dernier rapport de la Cour des comptes, les informations les plus récentes dont nous disposons font apparaître une dégradation inquiétante de la position de l'AFPA dans le système public de la formation professionnelle. Les chiffres sont nets : vous aviez formé 24 % des stagiaires en dispositif public en 1986, vous en avez formé 14 % en 1994. Parallèlement, les frais de mission ont doublé pendant cette période. Par conséquent, de moins en moins de personnes sont formées, mais par contre, les frais de fonctionnement de la structure augmentent de façon importante. Comment expliquez-vous cela ?

 Vous êtes-vous doté des moyens pour évaluer votre propre efficacité, le coût moyen des stages ? Vous avez dit n'être pas dans un système de concurrence, mais il est bon d'avoir des éléments de comparaison. Quel est le coût horaire d'une formation dispensée par l'AFPA ? Avez-vous des éléments vous permettant d'apprécier mieux l'efficacité de votre propre structure ? Nous ne cherchons pas à faire des économies « bêtes », mais à savoir si l'argent public est bien utilisé, conformément aux objectifs définis, et si on ne pourra pas faire aussi bien avec moins de crédits.

 On constate que chaque année, des crédits nouveaux vous sont affectés ; mais, dans le même temps, depuis quelques années, le montant de vos placements financiers dépasse 500 millions de francs, ce qui n'est pas une modeste somme. Ce constat pourrait susciter la question suivante : n'appelez-vous pas plus d'argent qu'il ne vous est nécessaire pour remplir les missions qui sont les vôtres ?

 M. Gilbert Hyvernat : Sur la question du contrôle de l'AFPA, que la Cour des comptes avait également soulignée, je vous donne deux éléments. Tout d'abord, désormais, depuis quatre à cinq ans, le contrôle de l'État porte sur l'exécution de la commande qu'il passe. Je rappelle que cette commande décrit avec une extrême précision les productions attendues : formation, orientation, validation et accompagnement... Elles sont repérées une par une, chiffrées unitairement, déterminées en volume une année à l'avance, en fonction des exercices précédents ou des volontés politiques nouvelles. L'exécution de la commande publique fait l'objet d'un examen très attentif de nos tutelles, que ce soit Bercy ou le ministère de l'Emploi.

 Nous sommes donc dans un champ un peu différent de celui d'il y a quelques années. Nous sommes dans le champ de l'exécution d'une commande avec tous les contrôles qui s'y rapportent. L'exécution du budget fait partie de la préoccupation mensuelle. Nous procédons désormais à un relevé mensuel, avec des indicateurs précis de la production correspondant à la commande publique. Notre objectif est de pouvoir rendre compte au franc près de l'exécution de la commande publique.

 L'AFPA étant une association, elle a, d'une part, ses propres organes délibérants auxquels participent les tutelles et où la puissance publique dispose d'un pouvoir de veto classique dans tout système associatif. D'autre part, comme elle est largement subventionnée par l'État, l'AFPA est soumise, pour ses marchés, aux règles de gestion des finances publiques. Son comptable est assimilable à un comptable public, de plus en plus proche de la gestion et du suivi de tout ce qui tient à la gestion financière et comptable de cette maison.

 Nous avons un contrôleur d'État et un commissaire du gouvernement et enfin, nous sommes soumis à un contrôle financier que la tutelle provoque quand elle le souhaite. Cela m'a fait dire tout à l'heure que nous étions maintenant très proches du modèle de fonctionnement du système public. Nous sommes également soumis au contrôle de l'IGAS, de l'inspection générale des Finances, il y a quatre ans, de la Cour des comptes, il y a deux ou trois ans. Les organismes de contrôle ont accès à l'AFPA, légitimement, et ne se privent pas, par missions successives, d'examiner ce qui se passe au sein de l'AFPA et d'en faire des rapports.

 M. Francis Delattre : ... Qui ne sont pas vraiment suivis d'effets.

 M. Gilbert Hyvernat : La critique de la Cour des comptes, dans son dernier rapport, portait fondamentalement sur des éléments de gestion. On peut répondre point par point. Prenons l'exemple des frais de mission. Ceux-ci ont été stabilisés à hauteur de 120 millions par an, depuis pratiquement quatre ans. La dérive observée - on peut même dire la gabegie car, à une époque, il est vrai que cela a été mal géré - a été totalement stabilisée. Pour autant, la question des frais de mission n'est pas réglée...

 M. Jean-Jacques Jegou : La gabegie...

 M. Gilbert Hyvernat : J'ai osé le dire. Cela fut probablement le cas, mais j'ai le sentiment qu'aujourd'hui nous les tenons mieux. Ces frais de mission sont un budget particulièrement délicat à observer, car ils recouvrent notamment l'activité des 300 ou 350 personnes qui assurent notre propre système de remplacement interne : c'est un élément important de pondération. Nous sommes également une maison en réseau.

 M. Francis Delattre : Comment pouvez-vous dire que les choses vont mieux puisque vous nous avez dit, tout à l'heure, que vous aviez du mal à mettre en place votre contrôle interne ?

 M. Gilbert Hyvernat : Nous le mettons en place durement, mais nous le mettons en place. Je voulais, tout à l'heure, indiquer une tonalité sociale.

 Le Président Augustin Bonrepaux : Ces oppositions qui se sont exprimées contre un contrôle interne sont difficilement compréhensibles. Quelles en sont les raisons ?

 M. Gilbert Hyvernat : La résistance tient au fait que le projet est global et impacte entre 1.200 et 1.500 personnes. Cette maison, connue pour être répartie en petites unités très fines, a développé un système de comptabilité et d'ordonnancement qui ne convient plus à notre époque. Une sorte de dispersion s'est faite par agrégation d'un ensemble d'environ six à sept cents comptables, dont le rôle n'est pas clair, et il convient de revenir sur ce sujet.

Nous allons donc impacter les personnels. Nous dirons probablement qu'il y a trop de comptables et que certains d'entre eux ne font pas ce pour quoi ils sont destinés. On peut ajouter que certains parmi eux sont de bien mièvres professionnels. Cela impacte donc durement le personnel et évidemment, la réaction s'est portée sur la résistance à ce changement.

 Le Président Augustin Bonrepaux : Que pouvez-vous nous dire sur les comparaisons des coûts horaires, votre propre évaluation et vos placements financiers ?

 M. Gilbert Hyvernat : Je demanderai à Jean-François Danon de répondre sur les placements financiers car les événements ont été relativement cadrés.

 La maîtrise de nos coûts va progresser dans les années à venir. C'est dit implicitement dans le contrat de progrès. La réflexion devrait porter sur la limitation de l'évolution des coûts, voire sur leur réduction, en fonction de l'évolution de la formation professionnelle. L'AFPA est une maison lourde, massive et qui a été conçue pour faire des formations qualifiantes, diplômantes, délivrant des titres au nom du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Elle a la charge, pour le ministère, de délivrer ces titres, de les rénover au sein de commissions paritaires et de les faire vivre.

 Cette mission détermine un système de formation particulier dans le champ de la formation professionnelle, en ce sens que l'AFPA est une entreprise de formation qui délivre des formations lourdes, très structurées, avec des tours, des fraiseuses, des murs, des baguettes de soudage, des camions, etc., dans des domaines où les investissements en moyens sont considérables et où les durées de formation sont importantes.

 A l'AFPA, la durée moyenne de formation est d'environ 650 à 700 heures, ce qui est lourd. Ses formations longues, qualifiantes s'appuient sur des infrastructures lourdes. Par conséquent ses coûts sont plus élevés. Je ferai une comparaison avec les GRETA. Très globalement, l'AFPA fait à peu près le même nombre d'heures de formation - 60 à 70 millions d'heures stagiaires - que les GRETA, mais ceux-ci forment cinq fois plus de personnes, c'est-à-dire que les formations, grosso modo, durent cinq fois moins longtemps, plutôt de 150 à 200 heures alors que les formations de l'AFPA sont des formations lourdes.

 La qualification donnée par un appareil de formation très lourd a certes un prix, mais les professionnels de la soudure, aujourd'hui, nous disent que seule l'AFPA n'a pas fermé lors de la crise qui les affectait. Aujourd'hui, la demande de formation qualifiante dans ce secteur est énorme. Or elle coûte très cher, en raison des métaux et matériaux utilisés, si on veut la faire autrement qu'avec un papier et un crayon.

 Nous qualifions donc clairement le coût de chacune de nos formations. L'avenir va être à l'achat ou au non-achat de prestations. Or, pour faire acheter des prestations, il faut pouvoir les qualifier en qualité et en coûts. Aujourd'hui, la maison, très progressivement, y arrive. Nous mettons en place un système de comptabilité analytique, comme nous nous y sommes engagés, et nous avons maintenant les deux premières années de référence. Dès l'année prochaine, nous pourrons proposer, en particulier à la tutelle de Bercy, notre approche de comptabilité analytique, qui est la condition pour déterminer clairement des coûts.

 Les coûts de la formation à l'AFPA vont globalement de 35 francs de l'heure pour des formations d'initiation ou de repérage de potentiel, à plus de 100 francs de l'heure lorsqu'on entre dans des formations pour lesquelles les consommations de matériels ou les amortissements sont beaucoup plus considérables que ceux de papier et de crayons.

 M. Jean-François Danon : Dans le rapport de la Cour des comptes, le point des placements financiers avait été particulièrement souligné. Je répondrai en deux temps. D'abord, la Cour soulignait à l'époque que la situation réglementaire n'était pas claire. Elle est aujourd'hui totalement clarifiée par une lettre de la direction de la comptabilité publique du 13 août 1998 qui tient en deux points. L'AFPA, comme toute association de droit privé, a des comptes bancaires : ceci a été régularisé et la comptabilité publique en a pris acte. Par ailleurs, il nous a été demandé que l'ensemble des placements que nous pouvions être amenés à faire le soient dans le circuit du Trésor, ce qui est aujourd'hui parfaitement le cas. Sur le plan réglementaire, il y a bien eu une suite au rapport de la Cour des comptes.

 En second lieu, la question est de savoir d'où viennent les montants que vous évoquez et si, finalement, l'AFPA a trop d'argent. Je voudrais donner un autre chiffre qui restitue le sujet. Les produits financiers dont vous avez parlé sont en fait les stocks, les valeurs qui atteignent effectivement 500 millions en 1997. Le montant des produits est d'environ 25 ou 25,9 millions, si vous prenez les comptes de 1997, soit moins de 0,5 % de nos recettes qui s'élevaient à 5,4 milliards.

 Ces produits contribuent à l'équilibre financier de la maison. Pour répondre directement à votre question, si nous n'avions pas ces produits - je vous expliquerai d'où ils viennent - il faudrait bien trouver les 25 millions correspondants pour équilibrer notre maison.

 Pourquoi ces placements existent-ils ? Quels sont les flux ? L'AFPA gère deux flux liés à sa production et au paiement du personnel et deux flux, assez importants, correspondant aux missions de service public accomplies pour le compte de l'État : le paiement du FNE et le paiement de la rémunération des bénéficiaires.

 En premier lieu, tous ces flux sont parfaitement contrôlés par les autorités de tutelle. Les appels mensuels auxquels ils donnent lieu sont parfaitement suivis. Il y a un lien permanent entre l'AFPA et les autorités de tutelle qui peuvent apprécier les versements. En second lieu, une partie des produits financiers de ces placements viennent des versements liés à la rémunération des bénéficiaires ou au FNE. Ce sont des flux importants pour l'AFPA, notamment ceux qui correspondent à la rémunération des bénéficiaires. C'est également un service de proximité.

 M. Didier Migaud, rapporteur général : Je ne suis pas satisfait de votre réponse parce que, ouvertement, je ne l'ai pas bien comprise. Certes, 25 millions sur 5,5 milliards représentent peu, mais pouvoir placer 500 millions sur 5,5 milliards, ce n'est pas si mal.

 M. Jean-François Danon : Sur 8 milliards.

 M. Didier Migaud, rapporteur général : Même... Si vous êtes en mesure de placer 500 millions, la subvention de l'État doit-elle être aussi importante, au moins pour une année donnée, ce qui vous permettrait de placer un peu moins ? Il est certain que cela vous rapportera moins, mais cela peut s'ajuster. Comment arrivez-vous à placer 500 millions de francs ?

 M. Jean-François Danon : Il a pu arriver que des fonds, correspondant notamment au FNE soient versés, à un certain moment, plus rapidement que nécessaire. De tels versements donnent des possibilités de trésorerie, mais sans la subvention, nous aurions un problème d'équilibre. Actuellement, chaque appel de fonds mensuel, aussi bien sur le FNE que sur la rémunération des stagiaires ou la commande publique, fait l'objet d'un contrôle. Je n'ai pas les chiffres sur la fin de l'année. Le chiffre de 500 millions a pu exister, mais n'est pas récurrent dans la maison.

 M. Jean-Jacques Jegou : J'ai bien entendu, comme mes collègues, votre plaidoyer pour l'association que vous dirigez depuis quelques mois. Il n'est pas question de vous faire porter le poids de l'ensemble des turpitudes de l'AFPA car vous êtes certainement d'une grande bonne volonté pour y mettre fin. L'ancien rapporteur spécial que je suis ne reviendra pas sur les rapports qui ont dénoncé cet état de fait : comme le rappelaient l'un de nos collègues ainsi que le rapport de la Cour des comptes de 1997, il n'a pas été réellement mis fin à ces errements.

 Vous avez dit vous-même avoir stabilisé certains frais... J'avais à l'époque listé la vie assez heureuse que permettaient les frais de fonctionnement et diverses manifestations coûteuses. En fait, je voudrais revenir sur le statut. Trouvez-vous normal de présider une entreprise dont le statut hybride n'a aucun équivalent ? D'autres sociétés ou organismes parapublics peuvent être apparentés, mais dans le cas présent, nous sommes devant une association de la loi de 1901, employant 10.800 salariés, avec un budget de 8 milliards dont 5 milliards de subventions !

 Je voudrais que l'on entre un peu plus dans le détail. Il est normal que la mission d'évaluation et de contrôle vous demande quel usage est fait de l'argent public et des subventions.

 Puisque le régime statutaire a été dénoncé et que les négociations salariales ont lieu maintenant chaque année, pourriez-vous nous donner le salaire moyen d'un agent de l'AFPA ? Même s'il n'est plus aligné automatiquement sur le statut des arsenaux, il reste néanmoins une rémunération assez curieuse. Un jour, je m'en souviens, votre prédécesseur avait été appelé par l'un de ses directeurs régionaux, qui lui demandait l'autorisation d'embaucher un collaborateur extérieur qui acceptait d'être rémunéré 25 ou 30 % au dessous du salaire statutaire.

 Parmi les propositions que j'avais faites, sous le ministère de Jacques Barrot, en tant que rapporteur spécial, figurait la fusion de l'AFPA et de l'ANPE. J'ai l'impression d'avoir entendu, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, Mme Martine Aubry reprenant cette idée que je trouve excellente et que vous avez vous-même d'ailleurs justifiée. Pouvez-vous préciser votre position sur ce point ?

 Nous nous préoccupons également du niveau du personnel. Le rapporteur spécial, Jacques Barrot, a indiqué que les 5 milliards versés par l'État étaient essentiellement une subvention de fonctionnement. Vous avez vous-même souligné que maintenant, elle variait en fonction de la commande publique. J'ai d'ailleurs noté que, dans la loi de finances, elle avait encore un peu augmenté.

 Concernant les résultats, quel est le rapport entre le nombre de stagiaires que vous recevez et les coûts de formation ? Nous, mission d'évaluation et de contrôles, nous devons connaître le coût exact par stagiaire.

 Vous avez pris l'exemple de la soudure. C'est l'exemple extrême par excellence. Peut-on avoir, pour un certain nombre de formations, les chiffres de pérennisation exacts ? On ne peut pas dire qu'une fois passé par l'AFPA, on a un emploi à vie. Y a-t-il emploi après la formation qualifiante ? J'ai été très intéressé de savoir que vous êtes en mesure de former les personnes que recherche l'ANPE. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises recherchent des formations qu'elles ne trouvent pas et que vous pouvez apporter.

 M. Gilbert Hyvernat : Le taux moyen de salaire d'un salarié de l'AFPA est de 19.000 francs par mois, bruts, hors charges patronales.

 M. Jean-Jacques Jegou : Je vois que cela n'a pas beaucoup baissé, cela aurait plutôt augmenté.

 M. Gilbert Hyvernat : L'ensemble du personnel est rémunéré 39 heures par semaine. Les formateurs, sur les 39 heures, disposent de quatre heures dites de préparation de l'enseignement. Ils sont donc en position d'enseigner auprès des stagiaires sur une durée moyenne d'environ 35 heures actuellement par semaine. Ils bénéficient d'une semaine de congés supplémentaires dite d'interstage, coupure entre le stage qui se termine et le stage qui reprend. Ils disposent par ailleurs, comme les uns et les autres, de différents ponts et d'accès à quelques départs anticipés.

 M. Jean-Jacques Jegou : Combien de stagiaires y a-t-il en moyenne par formateur ?

 M. Gilbert Hyvernat : Le taux d'encadrement par formateur varie selon les formations. Il va de 10 à 15 dans les sections dites de techniciens. C'est un paradoxe que l'évolution des nouvelles technologies devra casser. Les formateurs de formations de niveaux 3 et 4 ont moins de personnes en face d'eux. Ce sont les chiffres à l'entrée. La question de M. Jegou évoquait la situation suivante : nos formations sont longues - sept ou huit mois, voire plus - le zapping est un fait établi, le découragement peut prendre tel ou tel demandeur, les modèles de formation pratiquent à leur façon l'exclusion, c'est-à-dire qu'en cours de route, nous avons de l'évaporation avec le départ de certaines stagiaires. De ce fait, il est difficile d'établir un résultat net. Le formateur étant toujours rémunéré pour ce qu'il est, les installations et les frais fixes restant les mêmes, il peut arriver qu'une formation démarrant à quinze se termine à douze, voire dix. Cela change beaucoup les choses.

 L'une de nos préoccupations est d'imaginer comment adapter notre offre de service pour pouvoir, le cas échéant, lorsqu'un stagiaire quitte une formation, le remplacer immédiatement par un autre. C'est l'une des questions fondamentales de la maison car, à terme, sa productivité en est extrêmement entachée.

 Le taux des rémunérations est maintenant stabilisé grâce à une négociation salariale qui a lieu chaque année. Il comporte une part de rémunération fixe et une part de rémunération variable en fonction des résultats, ce qui est nouveau. Nous ne sommes plus sur les grilles de l'ancien temps. Le régime nouveau a fait voler en éclats des grilles qui provoquaient l'effet que vous mentionnez, à savoir l'impossibilité d'une première embauche dans une catégorie en dessous du salaire fixé pour celle-ci. Maintenant, des éléments permettent de rentrer dans des logiques promotionnelles et d'embaucher à des tarifs différents. De plus, le régime des congés des salariés de l'AFPA, dont les particularités s'expliquent par son histoire, a été touché. Par exemple, il faut attendre la fin des cinq premières années d'exercice pour pouvoir bénéficier de la semaine de vacances dite de Noël.

 Cet élément a été probablement pris en compte dans la négociation sur la réforme du statut, qui a permis d'aboutir à la réduction d'un certain nombre d'avantages automatiques et de lier désormais ces avantages à des progressions à l'intérieur de l'établissement, de manière plus normale.

 M. Jean-Jacques Jegou : Je considère que la réponse est close sur le plan du statut. Ne pensez-vous pas que votre entreprise a plus un aspect d'établissement public que d'association loi 1901 ?

 M. Gilbert Hyvernat : Vous avez raison. Votre question est une question clé. Notre organisme a un statut un peu hybride. Dire qu'il en existe quelques autres de cette nature, n'est pas pour autant une réponse suffisante. Notre gouvernement est entré dans une certaine logique, et c'est ainsi qu'il m'a confié mission de ne pas aller vers une réforme du statut, mais plutôt vers une réforme de la production de services et de partenariats dans le champ de la formation professionnelle, notamment par le rapprochement avec l'ANPE et d'autres organismes périphériques.

 Par conséquent, cette maison, désormais, n'est plus un bastion isolé avec ses financements publics et son statut hybride, mais un organisme de formation professionnelle, fonctionnant sur mission d'État et répondant tant aux incitations de l'ANPE qu'à celles d'un certain nombre d'organismes périphériques. C'est une révolution culturelle fondamentale.

 Est-ce un chemin pris pour aller vers d'autres évolutions ? Je ne saurais le dire et je n'ai pas à le dire à mon niveau. Mais de manière solide et pragmatique, plutôt que d'affronter une question de statut qui reste une question très difficile, car elle suppose l'intervention de la loi, nous sommes rentrés dans une logique qui est de modifier le fonctionnement même et l'utilité de la maison, dans ses relations avec des partenaires et dans les objectifs qui lui sont attribués.

 Les différents rapports établis par la Cour des comptes et par des personnes consultées à des titres divers, montrent bien, effectivement, que nous sommes tellement proches d'un fonctionnement public dans le contrôle, l'attribution des moyens, la gestion de la commande publique et la gestion des marchés publics, que l'on peut se demander pourquoi ne pas aller au bout. C'est la question posée. Pourquoi ne pas faire le chemin plus loin ? C'est une question politique à laquelle je ne m'affronte pas. Je sais, par contre, qu'il existe un certain nombre de résistances et de blocages extrêmement forts à l'intérieur de la maison, mais aussi peut-être à l'extérieur, chez ceux qui la supervisent dans les départements, dans les régions. Leur question, au fond, est la suivante : faut-il aller vers un statut différent du statut actuel qui, bien utilisé, bien appliqué en termes de missions et bien contrôlé, peut apporter tous les services que la nation est en droit d'attendre de cette maison ?

 Une ambiguïté demeure, dans le débat interne, entre une vision technique qui conduirait à cette sorte d'évolution naissante et une vision plus rationnelle qui se demanderait ce que l'AFPA gagnerait à aller vers un EPIC ou un EPA ? C'est encore un débat très vif.

 La position du directeur général est assez simple : ma mission est de faire travailler cette maison dans de bien meilleures conditions de transparence, de clarté et de production qu'elle ne l'a fait jusqu'alors. Nous verrons si, in fine, la question du statut est posée par les politiques et s'ils viennent provoquer une révolution dans ce domaine, à savoir un changement de statut.

 Ma mission est bordée par le contrat de progrès pour les cinq années qui viennent, de façon que cette maison fonctionne mieux et dans la transparence, avec d'autres, et dans le champ de la commande publique étalonné et vérifié. C'est mon champ de référence actuel, mais je n'ignore pas que la question du statut pourrait se poser à terme pour cette maison.

 M. Jean-Jacques Jegou : Vous n'avez pas vraiment répondu à M. Migaud. Que pensez-vous exactement de la productivité actuelle ? Je m'inquiète même de vos propos liminaires, suite aux questions de M. Jacques Barrot, dans lesquels vous parliez d'un changement radical. Des 80.000 stagiaires annuels, le contrat de progrès parle de passer à 250.000. Des moyens nouveaux vont donc être nécessaires. On vous dit ici que vous dépensez déjà trop d'argent, mais allez-vous nous en redemander ?

 M. Gilbert Hyvernat : Il n'est pas totalement faux de dire que nous irons peut-être demander quelques moyens supplémentaires. On a évoqué le rapprochement avec l'ANPE. Aujourd'hui, on ne peut parler de fusion dans la mesure où les deux maisons ont des statuts totalement différents, et des institutions différentes. Ce serait un sujet politique de grande ampleur que d'envisager le rapprochement de ces deux maisons en termes de fusion.

 Par contre, il nous a été demandé, à Michel Bernard, qui a dirigé pendant cinq ans l'ANPE et a contribué à l'amélioration constatée aujourd'hui, et à moi-même, de nous interroger sur la cohérence et sur la synergie. Les entreprises sont toujours à la recherche de rapprochements et de synergie. La question posée est de savoir si nous sommes capables d'établir des cursus continus pour des demandeurs d'emploi, à moindre coût de temps et engagement de l'argent public.

 La deuxième question que vous évoquez est celle du développement. Peut-on faire un développement sans moyens supplémentaires ? Serons-nous capables de modifier considérablement notre gamme de services et la quantité de production effectuée en nombre de personnes ayant bénéficié d'actions de formation professionnelle, d'orientation ou d'évaluation, tout en restant dans la commande publique telle qu'elle est aujourd'hui ? Est-ce dans notre compétence et notre savoir-faire ? Nous prenons l'hypothèse que la capacité de redéploiement interne est forte.

 Lorsque j'évoquais tout à l'heure le problème de nos mille et quelques comptables, se posait la question de savoir si chacun, dans cette maison, est affecté aux tâches qui conviennent, à savoir rendre des services à des demandeurs d'emploi en termes de formation, c'est-à-dire au métier lui-même ? Le risque souligné hier était que cette maison, ayant souffert d'une certaine forme de bureaucratie au fil des années, a généré dans son personnel un double panel de compétences : le panel de compétences qui traite de la demande d'emploi et de la formation et, avec un risque de phénomène bureaucratique, tout un ensemble de gens censés l'accompagner.

 Le vrai problème de la maison est de rééquilibrer les moyens dont elle dispose plutôt que d'aller vers leur augmentation. C'est la définition retenue au sein du contrat de progrès. C'est ce que nos amis de Bercy appelleraient la recherche de nouvelles productivités...

 On peut en prendre un exemple. Aujourd'hui un formateur forme quinze personnes en mille heures. Demain, pourra-t-il en former trente en cinq cents heures ? La durée de mille heures correspond-elle aux besoins de la personne ? Dans le monde où nous vivons, où la formation est un accompagnement tout au long de la vie, nous savons qu'il existe non seulement des besoins de reformation et de requalification très lourds, mais également des besoins qui peuvent se résoudre de manière beaucoup plus courte et apporter des réponses en deux ou trois cents heures. Cela doit être notre talent. Ainsi, notre dispositif aura une capacité de réponse et de service au public infiniment différente de sa position actuelle.

 Mme Nicole Bricq : Vous nous avez brossé, en propos liminaires, l'avenir vu à la lueur du nouveau contrat de progrès, qui semble très intéressant. Toutefois, notre mission étant d'évaluer le passé, je vous poserai des questions très précises, en regard de l'information que j'ai et qui provient essentiellement du rapport de la Cour des comptes. Ces questions précises devraient appeler des réponses précises, me semble-t-il.

 La première a trait à l'appréciation des résultats. Êtes-vous en mesure maintenant, comme la Cour le recommandait, de vérifier l'accroissement des taux d'insertion de vos stagiaires et des diplômés, ce qui n'était pas le cas à l'époque des contrôles ?

 Le deuxième point est relatif à la place que l'AFPA occupe sur le marché de la formation professionnelle. J'ai bien noté la réorientation fondamentale, par le nouveau contrat de progrès, vers le public prioritaire, notamment les demandeurs d'emploi et les chômeurs de longue durée.

 Sur le passé, j'ai vu qu'en 1995, les chiffres n'étaient pas bons, on avait fixé des objectifs apparemment trop ambitieux. Êtes-vous capable de nous donner le nombre de demandeurs d'emploi par rapport aux salariés ? L'AFPA fournit également des prestations à des salariés actifs. D'où partez-vous aujourd'hui par rapport à la mission qui sera la vôtre, en termes de demandeurs d'emploi ?

 Le troisième point, un peu particulier, avait été relevé par la Cour des compte : il s'agit du problème des mises à disposition. Quelles mesures correctrices avez-vous utilisées ? La Cour des comptes ne contestait pas, autant que je m'en souvienne, le principe des mises à disposition, mais souhaitait une clarification des postes objets de mises à disposition et de la durée de ces dernières. Avez-vous effectué, dans ce domaine, les redressements nécessaires ?

 M. Gilbert Hyvernat : Nous procédons à une enquête de suivi longitudinale, qui permet de situer à six mois où se trouvent les stagiaires sortis qualifiés de notre dispositif. Nous savons aujourd'hui qu'en 1997, 47 % étaient dans un dispositif professionnel...

 Mme Nicole Bricq : Comme nous sommes en 1999, ce sont les éléments sur les stagiaires de 1997...

 M. Gilbert Hyvernat : Tout à fait, car le rapport 1998 ne sortira que dans un mois et demi. Le rapport 1997, le dernier en notre possession, nous indique que 47 % des stagiaires, sortis à six mois, occupent un emploi qui correspond à la compétence développée au sein de l'établissement. 17 % n'y sont plus ou sont dans d'autres emplois qui ne correspondent plus à leurs compétences. Nous ne savons pas où sont passés les 30 % qui nous manquent. C'est l'état actuel du suivi.

 Par ailleurs, mais cela porte plus sur des actions futures, le précédent contrat de progrès comportait un certain nombre d'indicateurs sur le placement. Le nouveau contrat de progrès est encore plus précis puisqu'il comporte des batteries d'indicateurs ainsi que des enquêtes spécifiques et longitudinales sur le devenir par profession.

 M. Philippe Auberger, co-président : Pour bien comprendre vos propos, vous comptez là les stagiaires en fin de stage. Il y a donc déjà eu le taux de perte dont vous avez fait état tout à l'heure et que l'on peut évaluer environ au tiers...

 M. Gilbert Hyvernat : Non, à environ 15 %. Ce chiffre augmente dramatiquement. Il est passé, en cinq ans, de 12,5 % à 15 %. Notre problème est que les stagiaires, aujourd'hui, après leur orientation, ne restent pas pendant un temps suffisamment long à l'intérieur des formations. C'est un phénomène qui va en s'aggravant.

 Il y a un très fort débat sur la nature des personnes venant à l'AFPA. Les chiffres de 1997 et de 1998 sont les suivants : 104.000 demandeurs d'emploi et environ 50.000 salariés venant d'entreprises, dans des conditions diverses. Toutefois, je rappelle que cette statistique en nombre de personnes ne correspond à rien, puisque les 104.000 stagiaires demandeurs d'emploi ont une présence d'environ 650 à 700 heures en moyenne par personne, alors que les salariés d'entreprises ont souvent des présences d'environ 40 à 80 heures en moyenne.

 S'agissant des mises à disposition, j'ai trouvé une situation très marquée par le rapport de la Cour des comptes sur ce sujet ; il était, qui plus est, question d'emplois fictifs, de personnes mises à disposition mais dont on ne savait plus où elles étaient, ni ce qu'elles faisaient, et à quoi elles servaient. C'est une question à laquelle nous ne devons pas nous dérober. Dès mon arrivée au mois de juin, j'ai demandé un audit de cette situation, qui conduit maintenant aux résultats suivants.

 Ainsi que la Cour des comptes l'a souligné, les mises à disposition sont autorisées par notre tutelle, y compris dans notre commande publique. Nous avons actuellement 116 personnes mises à disposition. Je vous en donne le détail réparti en quatre catégories.

 Cinquante-neuf personnes sont employées dans les COTOREP. Il existe une demande récurrente pour augmenter nos mises à disposition au sein des COTOREP et pour pratiquer des techniques d'orientation pour les publics handicapés.

 Huit personnes sont mises à disposition d'organisations régionales avec lesquelles nous travaillons et dans lesquelles nous avons une sorte de participation croisée, en particulier en matière d'études.

 Quarante-deux personnes sont employées au niveau national, essentiellement au ministère de l'Emploi et de la Solidarité (les GEFP) et au ministère des Affaires étrangères.

 Mme Nicole Bricq : Cette dernière catégorie de mises à disposition est tournée vers les administrations centrales...

 M. Gilbert Hyvernat : Tout à fait. Enfin la dernière catégorie comprend sept mises à disposition au plan national, en particulier dans le cadre d'un partenariat avec le CEREC pour la conduite d'études en commun.

 Ma politique actuelle est de faire en sorte que toute mise à disposition fasse l'objet d'un contrat clair, sur les modalités de rémunération, sur la mission et sur le retour financier qui est attendu de la mise à disposition. De même nous limiterons la durée des contrats de mises à disposition. Actuellement, à l'AFPA, il ne reste plus que 116 cas de mises à disposition contre 140 à 150 il y en a encore trois ans.

 M. Pierre Méhaignerie : A partir du constat sur le terrain, on s'aperçoit qu'il faut être très courageux pour gérer l'AFPA. Si elle a eu un rôle important dans les années 1960 dans le cadre de la reconversion du monde agricole vers les autres formations, elle s'est énormément syndicalisée, rigidifiée et bureaucratisée. Ma première question est le suivant : quelle peur justifie la position du comité central d'entreprise devant ce qui devrait être une absolue nécessité, lorsque vous avez mentionné le résultat de la négociation de la semaine dernière ?

 Par ailleurs, chacun constate aujourd'hui, sur le terrain, que l'appareil de formation professionnelle est surdimensionné. Il suffit de voir les deux ou trois pages de publicité que nombre d'organismes consacrent à attirer les stagiaires, pour constater que les stagiaires suivent des stages parce qu'ils reçoivent des dotations, mais qu'ils y vont sans aucune conviction.

 Ma deuxième question est celle-ci. Dans la comparaison des rapports respectifs coût-qualité des différentes structures, nécessaire dans un système concurrentiel, l'AFPA serait mal placée. Ne croyez-vous pas que l'exigence première d'une bonne gestion serait, à terme, de réduire de 20 à 25 % les effectifs de l'AFPA, alors que l'on note qu'ils ont encore augmenté lors de ces dernières années ? Au moins faudrait-il gérer sérieusement le redéploiement, sans créer sans cesse de nouveaux postes ?

 M. Gilbert Hyvernat : Du courage, il en faut chaque fois que l'on dirige. Cela fait donc partie du quotidien. Mais il est vrai que certains jours sont un peu rudes. Concernant votre question sur la peur, je m'interroge beaucoup sur cet état de fait. Un précédent ministre du Travail, que j'ai connu en d'autres temps, m'avait dit : « Mais pourquoi, lors de mes rencontres avec des gens de l'AFPA, à la troisième phrase, me disent-ils qu'ils sont inquiets ? Toutes les bonnes fées se sont penchées sur eux. » Nous étions alors dans les années d'opulence, et tout leur était dévolu. En dépit de cela, régnait un sentiment permanent d'inquiétude parmi les personnes de l'AFPA. C'est profondément culturel. J'en ai fait partie en son temps et je me rappelle fort bien cet état quasi permanent d'inquiétude.

 J'ajouterai qu'aujourd'hui, tous les événements conduisent à renforcer ce sentiment d'inquiétude. En effet, nous parlons du statut, ce qui provoque un sentiment d'inquiétude. Que va-t-il se passer en cas de changement de statut ? Nous parlons également de la décentralisation... Il y a donc des motifs d'inquiétude réels concernant la position dans le champ de la formation professionnelle.

 J'ajoute un point, le manque de fierté du travail accompli. L'idée serait de se dire que le travail peut-être dur, mais qu'il est tout de même reconnu, utile... Cela s'est un peu perdu, à la grande différence des années 1950 ou 1960, où l'on savait que l'on préparait la migration des campagnes, que l'on était utile pour la formation des maçons... Aujourd'hui, dans ce monde compliqué et moderne, on ne voit plus bien le sens de l'action que l'on conduit et, de ce fait, le sentiment d'inquiétude prévaut.

 Mon travail consiste à calmer cette inquiétude pour essayer d'aboutir à la réussite, objet de votre deuxième question, d'un vrai travail de reconversion interne. Les missions ont été redéfinies : il va falloir augmenter le flux de gens qui traverse cette institution afin d'augmenter de manière considérable sa production et sa productivité. Nous voyons arriver cela au travers de la production sur l'orientation. Avec le même appareil, nous devons conduire des opérations d'orientation et, à terme, des opérations d'évaluation.

 Quant à la troisième question que vous ouvrez, nous sommes, me semble-t-il, pris dans le paradoxe d'un pays qui affiche, pour près de 40 % de la population, un niveau de compétences inférieur au niveau 5. Je ne préjuge pas des besoins existants en face. Il y a aussi une sorte de mythologie qui consiste à dire qu'il faut toujours monter de niveaux. En tout cas, aujourd'hui, notamment par rapport à nos amis allemands, un peu moins par rapport à nos amis anglais, le niveau moyen de formation professionnelle de nos populations n'est pas excellent. Cet état de fait doit faire l'objet de réponses de la part des entreprises ou des services publics qui les accompagnent.

 Dans le même temps, la question posée est beaucoup plus celle de la diversité des organisations de formation, et du manque de cohérence et de synergie entre elles. Incontestablement, il devrait y avoir de meilleures coordinations qui apportent plus d'efficacité et surtout de lisibilité. Au fond, l'avantage de l'AFPA est d'être relativement lisible par tout citoyen. Mais dès lors que l'on s'interroge sur sa formation professionnelle et au vu de la myriade d'organisations, cela pose un problème.

 Enfin, l'autre extrémité du paradoxe est que si nous développons des formations tout au long de la vie, vont se poser la question de la nécessité de cette formation que l'on a envie de suivre et celle du type d'emploi, question que nous laisserons de côté. Le premier effet que nous mesurons dès aujourd'hui, dans notre maison, est la pression exercée sur le nombre de demandes de formation. Nous serons amenés à opposer un nombre de refus supérieur à celui de nos propositions actuelles.

 La vocation de l'AFPA, lorsqu'elle reçoit quelqu'un, est de lui proposer dans les quatre mois qui suivent une solution de formation. En effet, demander à une personne d'attendre un an est contestable sur le plan social et éthique. Mais aujourd'hui, nous observons que le travail fait sur l'orientation provoque un abondement des flux de ceux qui demandent de la formation car ils y voient plus clair. Ils ont reçu une motivation et ont envie de s'y porter. Nous sommes donc là face à une redoutable contradiction.

 M. Jérôme Cahuzac : En 1997, sur cent stagiaires inscrits à l'AFPA, quinze se sont évaporés en cours de formation et vous ne savez pas où se trouve un tiers d'entre eux, deux ans plus tard. Reste donc entre 55 et 60 % deux ans plus tard, dont une quarantaine exerce une activité correspondant à la formation reçue à l'AFPA. Pour avoir une idée plus précise, combien de stagiaires ont-ils été inscrits en 1997, de façon à mettre un chiffre précis sur ce 40 % ?

 Concernant votre patrimoine immobilier et votre parc automobile, quelle politique envisagez-vous en matière de réduction des coûts ? Comptez-vous externaliser ou non un certain nombre de services ?

 M. Gilbert Hyvernat : Nous avons vu passer environ 104.000 personnes en 1998. Le taux de chute, deux ans après, est une question fondamentale. En effet, nous pensons que beaucoup plus de ces personnes devraient rester dans l'emploi pour lequel elles ont été formées à grands frais. Mais le comportement de l'individu dans sa vie personnelle et professionnelle est une chose sur laquelle nous avons peu de maîtrise.

 Par contre, la question peut se poser de savoir si l'AFPA forme bien dans les bonnes spécialités. On peut former en tout, mais n'avons-nous pas mission de former dans des spécialités suffisamment durables, solides pour que la personne, changeant d'endroit, garde son métier ? Au fond, des gens peuvent quitter leur métier parce qu'il n'est pas très porteur ou ne présente que peu d'intérêt.

 Sur les 100.000 personnes, environ la moitié disparaît au bout de deux ou trois ans, à l'intérieur de leur métier ou parce qu'ils exercent d'autres activités. Ne devrions-nous pas rechercher des formations qui assureraient une plus grande pérennité dans l'emploi par rapport une vision trop courte ?

 Sur les coûts, nous n'avons pas la capacité d'externaliser un certain nombre de nos coûts. La question qui se pose à toutes les entreprises est celle de ses services informatiques. Notre service informatique en réseau est d'une grande lourdeur. Nous gérons de grands flux. Nous devons nous raccorder à l'ANPE. La question se pose de savoir jusqu'où nous pouvons externaliser, mais nous avons déjà commencé à le faire.

 Nous pourrions également mener en partenariat un certain nombre de tâches que nous effectuons nous-mêmes aujourd'hui. Il s'agirait de traiter en sous-traitance des actions d'orientation ou d'évaluation. Ceci pourrait répondre à la question de l'augmentation des effectifs. Cependant, l'évolution de l'entreprise, ne révélera pas une grande facilité à externaliser comme cela peut être fait dans des mondes plus industriels.

 M. Jérôme Cahuzac : Qu'en est-il de l'état du parc immobilier et automobile ?

 M. Gilbert Hyvernat : Nous avons 727 véhicules. Nous avons omis de mentionner tout à l'heure qu'à la demande insistante de la Cour des comptes, nous bouclons l'évaluation de notre patrimoine, ce qui n'avait jamais été fait. Nous connaissons maintenant l'ensemble de notre patrimoine mobilier et immobilier, et nous pourrons donc discuter d'amortissements, voire d'investissements, avec notre tutelle, sur la base de chiffres plus certains.

 M. Jérôme Cahuzac : Avez-vous un ordre de grandeur ?

 M. Jean-François Danon : L'opération d'inventaire du patrimoine immobilier sera terminée en juin 1999. Le patrimoine immobilier, de 2 millions de mètres carrés, a une valeur estimée de 12 milliards de francs et une valeur nette comptable de 3,5 milliards. Le patrimoine mobilier est d'environ 2,6 milliards.

 M. Jean-Jacques Jegou : Cela ne pose-t-il pas un problème juridique car ces bâtiments appartiennent à l'État ?

 M. Jean-François Danon : Tout à fait.

 M. Jean-Jacques Jegou : La Cour des comptes devra nous expliquer clairement ce qu'il faut en faire.

 M. Jean-François Danon : Tout à fait. Dans ce patrimoine, il y a deux catégories : les biens qui appartiennent à l'État, largement majoritaires, et quelques biens propres de l'association. Mais cela ne nous a pas empêché de faire l'opération d'inventaire. C'est retracé au bilan de l'AFPA et, au budget de l'an 2000, vous verrez apparaître des dotations aux amortissements équilibrées par des reprises de subventions.

 M. Daniel Feurtet : J'encourage le directeur général de l'AFPA à faire en sorte que le dialogue social soit un élément de la productivité de l'entreprise, même s'il y aura forcément des moments de confrontation, et si le dialogue social n'est pas toujours aisé.

 Vous avez parlé de synergie. Je viens de l'enseignement professionnel, en tout cas j'en ai bénéficié. Toutes ces dernières années, nous avons observé une certaine tendance à considérer l'orientation vers l'enseignement professionnel comme étant dévalorisante pour la personne concernée. Nous avons pris, de ce point de vue, un retard considérable. Vous savez, comme moi, que si vous n'aviez pas bien réussi au collège, on vous orientait vers l'enseignement professionnel. C'était scandaleux du point de vue de l'éthique et de l'orientation, mais cela a aujourd'hui des conséquences assez redoutables sur un certain nombre de métiers.

 Quels sont les rapports et les liens possibles entre cet enseignement professionnel assurant la formation initiale, et l'AFPA, qui non seulement doit être un élément d'adaptabilité aux transformations du marché de l'emploi, mais qui pourrait aussi se situer plus dans la nécessité d'une formation dite continue ? La synergie ne va-t-elle pas plus fortement de l'enseignement professionnel initial vers ce maillon que constitue l'AFPA, dans le parcours professionnel des uns et des autres ?

 M. Gilbert Hyvernat : Nous avons coutume de dire que, cette maison a été située dans le champ de la promotion sociale au sens qu'on lui donnait dans les années 1950 et 60. Il est évident qu'aujourd'hui, cette notion mérite d'être révisée et que le positionnement même de l'AFPA en subit quelques conséquences.

 Mais ceux qui viennent nous voir considèrent toujours - cela renvoie à la qualité de nos formations - le parcours d'apprentissage qu'ils font au sein de l'AFPA comme une revalorisation : leur enseignant est en effet un véritable professionnel reconnu. Nous avons vingt-cinq Meilleurs ouvriers de France parmi nous : ils nous donnent une image prestigieuse aux effets très positifs.

 Par ailleurs, nous travaillons sur des matériaux et des situations qui correspondent à la situation du travail. Notre formation n'a donc pas une image un peu théorique, ayant peu de choses à voir avec le terrain pratique.

 Pour terminer, on trouve du travail quand on sort d'une section AFPA. C'est une évidence. Il y a donc le côté positif. Le danger, est que la durabilité dans l'emploi qui suit soit modeste ou bonne, selon les cas. Néanmoins, à la sortie d'une formation AFPA, la reconnaissance par les employeurs est telle qu'il y a revalorisation de la personne et placement dans l'emploi.

 M. Gilles Carrez : Je voudrais revenir sur les questions de recrutement. Quelle est la pyramide des âges à l'AFPA ? Des départs à la retraite sont-ils prévus en nombre important dans les prochaines années et comment, par rapport à cette évolution, - pyramide des âges et départs à la retraite - envisagez-vous les politiques de recrutement ?

 M. Gilbert Hyvernat : Le directeur général est navré de n'avoir pas un âge qui convient bien à la pyramide des âges. Je me régalerais certainement si la pyramide des âges permettait de créer un flux d'écoulement plus grand. Cela se produira dans trois ou quatre ans. Outre la retraite à 60 ans nous disposons aujourd'hui de procédures comme l'ARPE qui permettra à des gens, qui disposent des annuités suffisantes, de partir plus tôt.

 Le turnover moyen de cette maison, pour les trois ou quatre années à venir, est d'environ 250 à 300 personnes par an, sur l'ensemble du dispositif ; il est très modeste sur la partie des formateurs et psychologues, qui n'est pas l'endroit de la grande transformation où je vais pouvoir disposer de moyens certains de renouvellement.

 Quant au recrutement, nous nous dirigeons vers des capacités de recrutement un peu moins historiquement « bétonnées » qu'elles ne le furent auparavant. Je rappelle qu'il fallait quasiment deux ans pour embaucher un enseignant. Certains enseignants devaient même recevoir un avis de la commission professionnelle consultative. Dans nos recrutements, dont les procédures vont être simplifiées, nous chercherons à obtenir un ensemble de polyvalences évidentes pour effectuer éventuellement des conversions en cours de route. Les personnes recrutées ne seront plus des personnes extrêmement pointues dans leur métier, ce qui est une noblesse, mais également un embarras. En effet, si une conversion s'avère nécessaire dans dix ans, nous ne pouvons plus changer du fait de la précision du métier des personnes.

 En conséquence, nous rechercherons plus de personnes polyvalentes, probablement plus jeunes, avec des recrutements plus rapides que par les systèmes anciens.

 M. le Rapporteur spécial : On peut se demander s'il ne faut pas que l'AFPA dispose de personnes qui y viendraient enseigner, tout en ayant des carrières qui pourraient se terminer ailleurs. En effet la formation professionnelle est un monde où il faut constamment s'adapter. Comme vous l'avez très bien dit à l'instant, l'AFPA recrutait souvent des gens extrêmement pointus, qui avaient fait la démonstration de leurs capacités, mais dans un secteur très précis. Comment pouvaient-ils être optimisés sur la durée de toute une carrière ?

 Je prends acte de la manière excellente dont M. Hyvernat connaît le dossier. Notre commission et la mission devront examiner de près - j'aurai l'occasion de revoir M. Hyvernat à cet égard - comment il pourra assurer cette mue de l'AFPA. J'approuve l'orientation prise de recentrer l'AFPA sur les chômeurs de longue durée, car les problèmes d'employabilité que nous connaissons dans ce pays seront les problèmes majeurs de l'avenir. Il sera nécessaire d'avoir un « offreur » de formations plus particulièrement tourné vers ces publics.

 Dans le même temps, que ferez-vous des services que vous avez hérité de l'histoire lorsque la préoccupation était plutôt la performance ? On oublie de mentionner que certaines sections de l'AFPA sont très performantes. On trouve des Meilleurs ouvriers de France à l'AFPA. Passer d'un objectif à l'autre ne sera pas chose toujours facile.

 Vous avez ajouté un second point très important, la fierté d'un personnel qui veut savoir à quoi il sert. Vous avez également mis le doigt sur un élément très intéressant, cette fonction d'orientation qui pourrait être parfaitement assumée, en liaison étroite avec l'ANPE. Il me semble que c'est dans ce domaine, que l'AFPA devrait pouvoir trouver ses lettres de noblesse à venir.

 M. Gilbert Hyvernat : Je reste à votre disposition. Merci de m'avoir permis cet exercice qui m'a fait réviser et préciser nombre de choses. Lorsque l'on est sur le vélo et que l'on pédale, on a quelques difficultés à préciser le chemin que l'on va suivre. C'était une formidable occasion de reposer les problèmes politiques et de stratégie, suite aux questions acides qui conviennent.

 Le Président Augustin Bonrepaux : Je vous remercie de vos réponses. Je vous adresse mes encouragements pour améliorer la gestion de l'AFPA et pour aller vers plus de rigueur et plus de performance.

 

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