C.- AU DELÀ DE LA PROBLÉMATIQUE DU FINANCEMENT, LES DIFFICULTÉS D'UNE APPROCHE QUALITATIVE

1.- L'EFFICACITÉ AMÉLIORÉE DU DISPOSITIF DE COLLECTE

Grâce à l'examen de l'efficacité de la collecte, la mission a pu mieux comprendre les mécanismes de mutualisation effectués par l'AGEFAL et le COPACIF.

a) L'utilité avérée de la mutualisation

Concernant le niveau des excédents financiers ou de la trésorerie de ces organismes, M. Gilles Loffredo a expliqué à la mission :

« Le système, donc, obligatoirement, génère des disponibilités excédentaires, même s'il existe des disparités fortes entre les organismes qui n'ont pas besoin du fonds de mutualisation - la métallurgie par exemple qui collecte, mais qui ne recourt pas aux fonds de l'AGEFAL - et ceux qui en ont grand besoin, à savoir les branches à faible contribution, tel le secteur de l'artisanat où la collecte est faible. MULTIFAF, par exemple, collecte pour les coiffeurs, taxis, fleuristes, quinze millions de francs dans l'année et compte à l'AGEFAL une garantie de 260 millions de francs, car les contrats de qualification sont très nombreux dans ce secteur. »

M. Jean Michelin a pour sa part souligné l'importance de la mutualisation pour sa branche :

« Pour la formation des jeunes, nous sommes en difficulté. Heureusement, nous avons la mutualisation à l'AGEFAL. Celle-ci donne 100 millions par an au régime de la formation en alternance dans les entreprises de moins de dix salariés. Dans les entreprises de plus de dix salariés, cette année, l'OPCA Bâtiment va demander à l'AGEFAL des crédits d'environ 30 ou 40 millions, sur une collecte de 200 millions. »

b) Dynamiser la gestion de la trésorerie

M. Gilles Loffredo, qui a souligné que les partenaires sociaux considéraient que les « engagements à financer les formations » (EFF) souscrits par les OPCA justifiaient le niveau élevé de leurs réserves financières, a également précisé que le COPACIF et l'AGEFAL voyaient baisser le niveau de leurs excédents. En particulier, l'institution en 1996 de la centralisation des excédents de la collecte du congé individuel de formation (CIF) s'est révélée très efficace. M. Gilles Loffredo a indiqué que depuis cette date, où était en outre intervenu un prélèvement opéré par l'État, la branche CIF ne produisait plus d'excédents.

Ces résultats peuvent s'interpréter comme un effet de la rigueur accrue de la gestion des OPCA. L'AGEFAL et le COPACIF, surtout en ce qui concerne ce dernier, semblent de moins en moins disposer de l'aisance financière qui avait fondé les prélèvements opérés sur leurs excédents ces années précédentes. Néanmoins, ils ont conservé une abondante trésorerie, et, en ce qui concerne l'alternance, des excédents significatifs (300 millions de francs au 30 juin 1999), qui mériteraient une gestion plus « dynamique », selon l'expression employée par Mme Nicole Péry.

2.- L'APPROCHE QUALITATIVE RESTE ABSENTE

a) Pas de « contrôle qualité »

Comme les auditions l'ont montré, au-delà des statistiques qui présentent un aspect nécessairement quantitatif (nombre de stagiaires par an, nombre d'heures/stagiaires...), la réflexion sur les crédits de la formation professionnelle ne peut s'affranchir d'une évaluation de la qualité intrinsèque des formations délivrées. M. Jean Lambert a ainsi déclaré : « En fait, la qualité est un objectif, non un critère mis en _uvre actuellement. Pour les services de contrôle, il en va de même, la loi ne permettant pas de fonder une sanction sur la mauvaise qualité de l'activité de formation ». M. Gilles Loffredo a abordé le problème de la qualité des formations en alternance : « On peut s'interroger davantage, en revanche, sur l'encadrement et le suivi du jeune en contrat de qualification dans l'entreprise, sur le tutorat ou les variantes que l'on peut en connaître. Je ne suis pas certain, diversité oblige, que, selon les branches ou les régions, nous soyons partout près de la perfection. Ce point me paraît plus délicat que celui de la nature de la formation dispensée. L'insertion profonde du jeune dans l'entreprise n'est pas facile à réaliser. »

Jusqu'à maintenant, aucun organisme public n'est habilité à procéder à un tel contrôle. Cette fonction de contrôle qualitatif, thème qui n'avait pas été abordée par la loi fondatrice de 1971, n'est ni du ressort des organismes mutualisateurs (AGEFAL ou COPACIF), ni de celui des juridictions financières, ni de celui du groupe national de contrôle. Ce manque de suivi qualitatif est un élément supplémentaire de complexité, qui nuit à l'efficacité de l'évaluation. Même les entreprises ont éprouvé des difficultés à promouvoir une « démarche qualité » dans la sélection des formations, comme l'a confirmé M. Jacques Lair :

« Je voudrais ajouter que la profession, que ce soit au niveau des employeurs ou des salariés, a décidé de prendre en main l'orientation. Nous considérons que l'orientation doit être faite par les employeurs et les salariés, et non plus par des organismes de formation. Nous avons connu une époque, pas si ancienne, où les organismes de formation dictaient la conduite des employeurs et des salariés. Depuis quelques années, cela a été considéré comme inacceptable. C'est pourquoi nous avons redonné de l'action et de la vigueur à la commission nationale paritaire de l'emploi et de la formation ainsi qu'à ces mêmes commissions au niveau régional, de façon qu'il y ait conjugaison de ces deux niveaux. »

b) Quels critères adopter ?

La qualité de la formation dispensée peut notamment s'apprécier en fonction du taux de diplômés dans la formation, de la progression du salarié dans l'entreprise (augmentation de la rémunération, mutation) ou de l'augmentation de sa productivité. Pourtant, comme l'ont confirmé les auditions auxquelles a procédé la mission, il n'existe encore guère de suivi de la qualité de la formation. Les bilans pédagogiques et financiers des organismes dispensateurs de formation établis au titre de l'article L. 920-5 du code du travail ne se présentent qu'en termes quantitatifs, sans aucun élément qualitatif autre que la typologie des actions dispensées.

La mission d'évaluation et contrôle a estimé que le dispositif du congé individuel de formation (CIF), qui a bénéficié en 1998 à 25.000 personnes, méritait un bilan approfondi. En effet, son coût moyen (120.000 francs) est particulièrement élevé, il est trop peu féminisé et très lourd à mettre en place. Son fonctionnement doit être profondément réformé et son coût unitaire diminué. Mme Nicole Péry a indiqué que ce dispositif ne répondait pas, selon elle, aux besoins d'une formation professionnelle plus massive, qu'elle a évalué à 250.000 personnes.

 

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